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142. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Rêve également, et rêve plus ambitieux, Berthelot fut parfois hanté de l’espoir d’arriver à créer une synthèse prodigieuse, celle de la vie. […] Le cauchemar est un véritable rêve délirant. Tous les sommeils sont probablement peuplés de rêves seulement tous les rêves ne laissent pas dans le souvenir trace de leur passage. […] On y peut trouver le pont qui permet dépasser du rêve à l’inspiration. […] C’est une simple pensée ou un rêve.

143. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Les fils d’or roux y dessinent un paysage où éclate la fantaisie étrange des rêves de l’extrême Orient. […] Le rêve aristocratique de M.  […] Son rêve d’une vie exaltée, ce noble rêve qui permet seul d’égaler en les comprenant les nobles âmes des nobles artistes, le fera, lui, s’user sur place, dans l’attente d’un je ne sais quoi de définitif qui ne viendra jamais. […] Les jeunes gens qui la composaient, tout naturellement s’étaient nourris de rêves démesurés et grandioses. […] La faillite des rêves socialistes ou libéraux paraît définitive.

144. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Que de passions, de rêves, de croyances, de vastes espoirs de projets superbes ! […] La jeunesse a brisé les belles idoles qu’elle adorait autrefois ; elle ne rêve plus, elle convoite ; elle n’aspire plus, elle calcule. […] Elle ne rêve pour lui ni le génie ni la gloire — les chances en sont trop vagues et trop hasardeuses — mais un riche mariage, une position acquise moins par le talent que par le savoir-faire. […] Il envie et il calcule, à l’âge où l’on rêve et où l’on espère. […] Pommeau est un clerc de l’âge d’or ; il ne voit rien et rêve le reste.

145. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Plus fausse que tout ce que le rêve peut sonder, plus fausse que tout ce que les chansons ont chanté, —  poupée sous la menace d’un père, esclave d’une langue de mégère. […] L’accès passé, il retomba « dans ses langueurs dorées », dans son tranquille rêve. […] Elle garde dans la tourelle le bouclier qu’il a laissé, et tous les jours elle y monte pour le contempler, comptant les marques des coups de lance et vivant de ses rêves. […] Dans ce vide, qui est comme une vaste mer, les rêves, les théories, les fantaisies, les convoitises déréglées, poétiques et maladives, s’amassent et se chassent les unes les autres comme des nuages. […] Il a senti, au moins cette fois dans sa vie, cette tempête intérieure de sensations profondes, de rêves gigantesques et de voluptés intenses dont le désir l’a fait vivre et dont le manque l’a fait mourir.

146. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Il faut du loisir et de la sécurité à longue échéance pour jouer avec les rêves. Entre deux rêves on jette son pays dans l’abîme ou dans le problème qu’on n’a pas le temps de résoudre. […] … « “J’ai fait cette nuit un rêve délicieux ; je lisais Tacite que tu m’avais envoyé ! […] Il avait quitté l’avoué et le notaire chez lesquels on l’avait placé : il n’y avait gagné que les connaissances techniques de législation pratique qui lui furent utiles plus tard dans ses ouvrages, et le profond dégoût de ces occupations mercenaires que sa belle imagination dédaignait ; il commençait à penser à la gloire, premier et dernier rêve des grands cœurs. […] Le bonheur de Balzac fut un éclair ; son travail assidu l’avait usé ; un rêve lui enleva ce que tant de rêves lui avaient coûté.

147. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

* * * — Les contours des visions, dans le rêve, ont un semblant de la ligne diffuse des dessins, trempant dans l’eau… Quel mystère que le rêve, cet état ressemblant à de la mort vivante… Et pourquoi dans le rêve, cette richesse des sensations de la peur, de l’épouvante, qu’on dirait touchée chez nous, par un bouton électrique correspondant à nos fibres intimes ? […] Et au bout de cette reconnaissance et de cet inventaire de nous-mêmes, il nous passe dans la cervelle la fantaisie d’aller à Londres, demain, après-demain, ces jours-ci, nous vautrer en plein dans la prostitution anglaise, dans ces chairs de rêve, dans ces corps de porcelaine, dans cette viande de keepsake. […] Puis cela disparu, comme cela était venu, ainsi qu’un cauchemar qui a traversé un rêve. […] Cela m’était dit non par la vue de soldats, mais par ces révélations qu’on tire du fond de soi-même dans les rêves. […] Dans mon rêve, il était sourd.

148. (1894) Textes critiques

A quand un décor de drame de rêve de cette lumière protoplasmique ? […] Une autre grève violette avec la mer partie, comme lorsqu’on court en rêve vers le bain du reflux, humé sous les pieds par le pharynx du sable. […] Des fougères comme les échelles d’un rêve sous une porte y emmurent leurs arbres de Noël, fleuris des regards très bons, ronds sur les feuilles, du « Jardin aux noyaux de diamants ». […] Assez de rêve pour que s’y fixent nos jeux d’esthètes. […] Le trouble, ou la passion que je ressens devant mon travail, m’engourdit souventes fois l’esprit, et les membres, au point de me laisser dans le désœuvrement pendant plusieurs jours ; mes mains ont comme peur de toucher au Rêve, et pourtant il nous faut bien descendre, par charité pour nos semblables, jusqu’à la peine d’atteindre la réalité de Rêve. » Des deux éternels qui ne peuvent être l’un sans l’autre, Filiger n’a point choisi le pire. — Mais que l’amour du pur et du pieux ne rejette point comme un haillon cette autre pureté, le mal à la vie matérielle.

149. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Que ces anciens amis me le pardonnent : en bonne amitié, on est obligé d’avoir tous les jours le même cœur que ses amis ; mais on n’est pas tenu d’avoir toutes les nuits le même rêve. […] L’échelle de Jacob était un beau rêve aussi, mais on n’y montait qu’endormi ; et de plus, à l’échelle de Jacob, il manquait malheureusement un échelon : c’est celui qui montait du fini à l’infini. […] La fatale coïncidence de la bataille de Paris et de la défaite du Piémont engloutit tous les plans et tous les rêves dans le même abîme. […] Il fallait donner une diversion aux rêves : il n’y en a point de plus forte qu’un voyage. […] Rêve d’enfant, dont je suis bien détrompé aujourd’hui !

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