C’est à quoi Bossuet, qui a tout vu en cette matière, fait servir l’étude de l’antiquité païenne. « Nous marquions, dit-il, dans la doctrine admirable de Socrate, ce que la philosophie chrétienne y condamne, ce qu’elle y ajoute, ce qu’elle en approuve, avec quelle autorité elle en confirme les règles véritables, et combien elle s’élève au-dessus. » Bossuet avait indiqué le véritable esprit de l’éducation moderne ; il restait à développer son plan d’études, et à l’approprier aux besoins de l’enseignement public. […] Il n’entend pas donner un nouveau plan d’études, ni proposer de nouvelles règles ; il veut seulement marquer ce qui s’observait de son temps dans l’Université de Paris. […] Chaque précepte est pratique ; chaque règle pourvoit à un besoin ou satisfait à une convenance de l’esprit. […] Rien de plus efficace que ces leçons de morale semées à travers tous les exercices, d’autant plus goûtées qu’elles arrivent comme par hasard, quoique à propos, qu’elles ne s’imposent pas sous la forme de règles, et qu’aucune prétention ne les rend suspectes.
Supposons donc, dans cette nature soumise à un ordre intelligible, un être qui n’aurait pas cherché de raisons et d’antécédents à ses souffrances, à ses plaisirs, ou qui aurait réagi d’une manière différente sous des impressions semblables, d’une manière semblable sous des impressions différentes, tantôt fuyant son ennemi, tantôt se jetant dans sa gueule ; un être, en un mot, qui aurait voulu ou pensé comme si la nature n’avait point de règle intelligible : un tel être, n’étant pas viable, aurait disparu avec sa race de l’univers. […] Mais ces deux règles fondamentales de l’existence en commun ne s’appliquent pas seulement à cette société de cellules dont nous sommes la conscience à la fois collective et personnalisée ; elles s’appliquent de même à la société humaine dont nous faisons partie intégrante et active. […] Appliquée aux phénomènes ou changements que l’expérience nous révèle, la loi de raison suffisante ou de conditionnement universel demande que les phénomènes se suivent selon une règle capable de devenir le principe ou la conclusion d’un raisonnement. […] De l’axiome même d’identité, en effet, résulte cette règle logique sur laquelle le savant se guide toujours : des principes supposés les mêmes auront les mêmes conséquences, les mêmes données auront les mêmes solutions.
De là vient que nous admirons dans ses admirables Épîtres une certaine vertu plus qu’humaine qui persuade contre les règles, ou plutôt qui ne persuade pas tant qu’elle captive les entendements ; qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur. […] … Éternelle poétique, principe, entretien et règle supérieure des vrais talents, vous voilà établie en passant dans un sermon de Bossuet, au moment même où Despréaux essayait de vous retrouver de son côté dans ses Satires.
Les anciennes hymnes, les proses du Moyen Âge, dont toutes d’ailleurs n’avaient pas la beauté religieuse, la gravité ou l’onction des principales que nous connaissons, étaient jugées sévèrement par les délicats, et il parut aux hommes les plus considérables du clergé de France que c’était faire acte de convenance et de bonne liturgie que d’en remplacer quelques-unes par des strophes d’un rythme et d’une latinité plus d’accord avec les règles de l’ancienne poésie classique. […] Montalant-Bougleux a eu le mérite de le sentir : dans ses études sur Santeul, il a eu à cœur de le venger d’un trop injuste dédain, et de le maintenir dans l’estime ; il a même entamé sur de certains points une discussion en règle contre les principes avancés par M.
Quant au détail militaire, sur lequel il n’entendait pas raillerie, Frédéric commence par appliquer avec son frère Henri, encore à ses débuts, la même règle sévère, inflexible, dont on a vu qu’il usait avec le prince Guillaume : Monsieur, lui écrit-il un jour (juillet 1749), j’ai trouvé à propos de mettre de la règle dans votre régiment, à cause qu’il se perdait.
La Bruyère n’a manqué ni à la précaution ni à la règle, et, en grand artiste, il a disposé les choses de telle façon qu’on arrive à cette image par des degrés successifs, et comme par une longue avenue. […] On peut dire que ce dernier chapitre tranche d’aspect et de ton avec tous les autres : c’est une réfutation en règle de l’incrédulité.
., etc. » Mais, Madame, il ne s’agit pas, encore une fois, du livre de Mme de Staël rédigé plus tard et d’après une impression totale et résumée où l’on supprime et l’on abolit tout ce qui a pu s’en écarter un moment ; il s’agit de lettres écrites dans les cinq premières semaines des Cent-Jours, sous le coup des événements les plus menaçants, de conseils d’amis sans doute très pressants, et sous l’inspiration aussi d’un sentiment national honorable, dont la suggestion a pu être plus forte que les règles et les principes. Mme de Staël n’était pas de ceux qui à l’étincelle et à l’éclair préfèrent et substituent en toute occasion la règle.
Ce n’est pas qu’il méconnût le prix de ce calme Élysée de Weimar et d’une vie plus recueillie, lui qui disait : « On peut s’instruire en compagnie, on n’est inspiré que dans la solitude. » En nous voyant repasser en France par les mêmes querelles, les mêmes discussions dont on était depuis longtemps délivré en Allemagne, sur les unités et les règles artificielles, et en retrouvant les qualifications de classique et de romantique employées à tort et à travers, il s’impatientait un peu : « Qu’est-ce que nous veut, disait-il aujourd’hui (17 octobre 1828), tout le fatras de ces règles d’une époque vieillie et guindée ?