/ 2506
386. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Ne pourroit-il pas produire des objets qui excitassent en nous des passions artificielles capables de nous occuper dans le moment que nous les sentons, et incapables de nous causer dans la suite des peines réelles et des afflictions veritables ? […] On peut même penser que le berger visionnaire dont je viens de parler, n’auroit jamais pris ni pannetiere, ni houlette sans quelque bergere qu’il voïoit tous les jours ; il est vrai seulement que sa passion n’auroit pas produit des effets aussi bizarres, si, pour me servir de cette expression, elle n’eût été entée sur les chimeres dont la lecture de l’Astrée avoit rempli son imagination.

387. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

Un auteur qui a trente ans quand il produit ses bons ouvrages, ne sçauroit vivre les années dont le public a besoin pour juger, non-seulement que ses ouvrages sont excellens, mais qu’ils sont encore du même ordre que ceux des ouvrages des grecs et des romains toujours vantez par les hommes qui les ont entendus. […] Le public lorsqu’il a entre les mains autant de poesies qu’il en peut lire, rend alors trop difficilement justice à ces ouvrages excellens qui se produisent, et pendant un temps assez long, il les place à une trop grande distance des ouvrages consacrez.

388. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

Bien que nous soyons parfaitement convaincus que les parlementaires ne nous donneront jamais une liberté en faveur de laquelle ils ont écrit tant de diatribes antigouvernementales, mais qui, naturellement, les gênerait pour gouverner, bien que l’homme pratique en conséquence aime autant faire des ronds dans la Seine que faire des interjections sur cet éternel plat du jour de la conférence Molé, il demeure intéressant de calculer le mal que cette incapacité de s’associer produit dans notre pays. […]  » Ils n’admettent pas que le corps social soit un composé d’organes distincts et spéciaux, tous également naturels et nécessaires, chacun d’eux adapté par sa structure particulière à un emploi défini et restreint, chacun d’eux spontanément produit, formé, entretenu, renouvelé et stimulé par l’initiative, par les affinités réciproques, par le libre jeu de ses cellules.‌

389. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Il ne faut ni trop en attendre ni trop en craindre, mais tâcher de la voir telle qu’elle est sans dégoût ni enthousiasme, comme un fait inévitable, qu’on n’a pas produit, qu’on ne fera pas cesser, et qu’il s’agit surtout de rendre supportable. […] Ce sentiment-là n’est point viril et ne saurait rien produire qui le soit. […] Tout dégradé qu’est ce temps-ci, il est encore plus capable d’admiration qu’il ne l’est d’un vrai respect… Vous êtes dans la raison, laissez faire sans trop vous produire et sans vous dérober. […] Votre caractère est complet, et votre esprit très-près de ce qu’il sera jamais ; mais votre autorité n’est pas ce qu’elle sera plus tard ; et il vous importe, il nous importe encore plus qu’à vous, qu’elle soit établie et autant inattaquable qu’il est possible, quand elle se produira dans les affaires publiques. […] Les pensées que vous aurez produites à la sueur de votre front ne seront bien comprises qu’après vous, et elles ne porteront point tout leur fruit.

390. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Je ne comprends pas du tout pourquoi certains phénomènes cérébraux s’accompagnent de conscience, c’est-à-dire à quoi sert ou comment se produit la répétition consciente de l’univers matériel qu’on a posé d’abord. — Passerai-je à l’idéalisme ? […] Mais s’ils en sont la cause, S’ils suffisent à la produire, je vais retomber, de degré en degré, sur l’hypothèse matérialiste de la conscience-épiphénomène. […] D’autre part, j’ai supposé que ces ébranlements ne pouvaient ni produire ni traduire ma perception. […] La douleur est donc à l’endroit où elle se produit, comme l’objet est à la place où il est perçu. […] Or, pareille confusion ne se produit jamais.

391. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Le ciel et la terre se correspondaient et se suppléaient ; l’un était la conséquence, la déduction sentimentale et logique de l’autre : tous deux étaient, pour ainsi dire, le produit d’une pensée unique ; et tous deux devaient disparaître et tomber en même temps. […] Vous avez raison, mille fois raison ; c’est la société, c’est l’union des hommes entre eux, c’est l’organisation enfin qui produit la richesse. […] Quand le Christianisme naquit, les femmes furent sublimes ; elles produisirent plus de martyrs à proportion que l’autre sexe, vu le peu de liberté qu’elles avaient. […] Et la France, après avoir produit et répandu sur l’Europe la philosophie du doute, la poésie du doute lui était bien due, quelque douloureuse qu’elle fût. […] L’industrie produit la richesse ; mais la richesse mal distribuée engendre tous les vices et toutes les misères.

392. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il est assez curieux que Stendhal n’ait trouvé de candeur vraie que chez le peuple qui a produit les plus grands diplomates de l’Europe. […] L’effet ordinaire des grands bouleversements historiques s’est produit : une brusque et profonde démoralisation. […] La loi de division du travail est la grande cause qui produit cet état de barbarie ou qui le maintient. […] Tel ouvrier en une heure produira dix objets de telle nature, tel autre vingt. […] Songez qu’en art il n’y a que l’excellent qui compte, et que l’excellent n’est pas produit, sans doute, par les médiocrités qui l’entourent.

393. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Le mouvement est déjà là quand la sensation et la pensée se produisent, et ce mouvement ne peut cesser ; il passe donc nécessairement d’une cellule à l’autre. […] La conscience n’est qu’une forme ; elle est le moi-sujet, simple spectateur des phénomènes qui se produisent, distinct du moi-objet, qui, lui, constitue la personnalité et se compose de sensations venant du corps, de sentiments, etc. […] S’il s’agit même d’un souvenir visuelles mouvements sont renaissants : en tous cas, il y a dans le cerveau des mouvements analogues à ceux qui se produisent dans la perception actuelle. […] Ces faits ont tous en commun d’être, je ne dis pas connus, mais immédiatement expérimentés au moment où ils se produisent. […] Une représentation plus complète d’un arbre est une représentation enveloppant un plus grand nombre de détails et de parties ; comme chacune de ces parties concourt à la représentation totale et y produit son effet, il en résulte un total d’impressions plus nombreuses et, conséquemment, une impression totale plus intense.

/ 2506