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551. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

En un mot, j’approuve la loi dans son principe, et je la contredis dans presque tous ses détails. […] Elle l’a été toujours avec talent, et, dès le principe, avec éloquence ; mais, le dirai-je ? […] J’avais dessein d’abord, messieurs, de traiter à fond ce point devant vous, d’établir à ce propos le vrai principe de la tolérance en matière d’opinions, telle que je la conçois et que je la crois digne du xixe  siècle ; mais une occasion prochaine devant s’offrir où, si on daigne me le permettre, je me propose de vous exposer mes idées à ce sujet, je passe rapidement, et j’exprime seulement mon regret de trouver dans la Ici présente l’absence absolue de la seule juridiction de laquelle la presse me paraît devoir relever ; je déplore que, du moment qu’on prétendait rentrer dans la voie libérale, on ait tenu si peu de compte des grandes traditions que nous avaient léguées nos maîtres en politique : la loi, à ce titre, me paraît profondément défectueuse, et, s’il faut parler franc, profondément viciée dans sa constitution même. — Je passe outre. […] Cette loi, en vérité, a eu bien de la peine à se faire comprendre dans son principe et dans l’esprit qui en avait inspiré le projet. […] Il est des travers et des vices qui ne relèvent que du ridicule : c’est un principe du goût, et la loi le méconnaît par cet article 11.

552. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

En politique, Berthelot resta fidèle aux principes de son père. […] Cela m’a semblé lourd, matériel, contraire au principe : Non habemus hic manentem civitatem. […] Le prêtre, ayant pour état d’être chaste, comme le soldat d’être brave, est, d’après ces idées, presque le seul qui puisse sans ridicule tenir à des principes sur lesquels la morale et la mode se livrent les plus étranges combats. Il est hors de doute qu’en ce point, comme en beaucoup d’autres, mes principes cléricaux, conservés dans le siècle, m’ont nui aux yeux du monde. […] Dès qu’un peu de chaleur commence à naître, mon principe sulpicien : « Pas d’amitiés particulières », vient comme un glaçon troubler le jeu de toutes les affinités.

553. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Le métaphysicien dira : cela s’explique par un principe vital : le battement du pendule ressemble à celui du cœur, les aiguilles marchent comme des antennes, l’heure qui sonne ressemble à un cri de colère et de douleur ; et il se perdra en explications ingénieuses de cette sorte. […] « Le critérium subjectif de la vérité est l’impensabilité (unthinkableness) de sa négative, en d’autres termes la réduction à : A est A. » « La conscience n’est infaillible que quand elle est réduite aux propositions identiques. « Là et là seulement, il n’y a point de faillibilité. » Comme il y a place pour l’erreur partout où la proposition n’est pas identique, et comme une probabilité variable en degrés est tout ce que nous pouvons atteindre dans la plupart de nos conclusions, il est facile d’étendre le principe logique qui détermine l’infaillibilité aux degrés variables de probabilité, et par suite de rendre l’erreur impossible. […] Je passe, sans m’y arrêter, les réflexions de l’auteur sur « quelques infirmités de la pensée », comme la croyance aux causes finales, à la distinction de la puissance et de l’acte, au principe vital, etc. : cela nous entraînerait trop loin, ou trouvera mieux sa place ailleurs. […] Cependant le grand principe de Kant, qu’il faut chercher dans les lois de la pensée une solution des problèmes philosophiques, Gall a eu le mérite d’en approcher par le côté biologique : « Nous devons chercher nos idées et nos connaissances, en partie dans les phénomènes du monde extérieur et dans leur emploi raisonné, et en partie dans les lois innées des facultés morales et intellectuelles232. » Physiologiquement, il prend sa revanche. […] Un mauvais jargon, une éloquence toute en pétition de principe, tenaient lieu de recherches.

554. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

D’où cette conclusion : « J’entreprends d’écrire l’histoire d’une littérature et d’y chercher la psychologie d’un peuple. » — Ces principes, dans leur généralité, sont justes, et ce but est légitime. […] Taine sur les rapports du milieu social avec le génie artistique et sur les déductions possibles de l’un des termes à l’autre, il faut ajouter une théorie fondée sur le principe opposé. […] Mais le principe de la répétition universelle n’explique pas l’innovation, l’invention, qui fait apparaître des formes jusque-là inconnues. […] Tarde n’essaie pas de dire en quoi consiste le principe du nouveau ; il montre seulement qu’il faut, sous une forme ou l’autre, admettre un tel principe.

555. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Les opinions religieuses qui lui servaient de principe changèrent de forme. […] Contre un pareil principe, il faut des règles fixes, qui empêchent les écrivains de frapper tellement fort qu’ils ne frappent plus juste du tout. […] Nous en aurions été choqués, dis-je, et nous aurions eu raison : un tel enthousiasme est une chose qu’il est impossible d’approuver en principe. […] Le principe de l’utilité domine dans notre littérature comme dans notre vie. […] Nous avons des principes infiniment plus sévères, et nous ne nous en écartons jamais en théorie.

556. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Il en conserva mieux qu’une impression sensible, il en sauva quelques principes qu’il retrouva en avançant, dans la vie, et qui le rattachent au xviie  siècle : il y a en lui un coin par lequel il se séparera du xviiie . […] Et en effet, lit-on dans les Mémoires de Maurepas, « il fallait que le roi et le duc d’Orléans parlassent avec dignité de la Régence et des prérogatives du Gouvernement ; il fallait, d’un autre côté, que le premier président observât le ton accoutumé et les principes de sa compagnie. […] J’ai beaucoup désiré de plaire, et l’on m’en a encore fait le reproche : c’était tout au plus un ridicule par le peu de succès ; mais le principe n’en est peut-être pas criminel… Le ton est en général indulgent ; il y revient avec complaisance sur les diverses sociétés où il a vécu, et il fait quelques portraits de femmes qui ne sont, en général, que des esquisses ; mais il en est d’une touche agréable. […] De quelle nature fut, dans le principe, cette religion du président Hénault ?

557. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Quoi qu’il en soit, Voltaire, même au début, avant le rire bouffon et le rire décharné, Voltaire dans sa fleur de gaieté et de malice était bien, par tempérament, comme par principes, le poète et l’artiste d’une époque dont le but et l’inspiration avouée était le plaisir, avant tout le plaisir. […] Ce qui est plus étrange encore que l’étonnement de Voltaire, c’est que cet étonnement ait été partagé par l’illustre marquise, qui passe pour un géomètre d’une certaine force : il fallait que ce jour-là elle eût perdu ses principes, selon le mot piquant et bien connu de Mme de Staal de Launay : « Elle fait actuellement la revue de ses principes : c’est un exercice qu’elle réitère chaque année, sans quoi ils pourraient s’échapper, et peut-être s’en aller si loin qu’elle n’en retrouverait pas un seul. […] Les principes, ceux qui concernent le sinus, avaient déménagé ce matin-là.

558. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Il appartient, dès le principe, à la réaction aristocratique et à la fois patriotique contre le règne et le régime de Louis XIV. […] Je commence à m’apercevoir que la plupart ne savent que ce que les autres ont pensé ; qu’ils ne sentent point, qu’ils n’ont point d’âme ; qu’ils ne jugent qu’en reflétant le goût du siècle, ou les autorités, car ils ne percent point la profondeur des choses ; ils n’ont point de principes à eux, ou s’ils en ont, c’est encore pis ; ils opposent à des préjugés commodes des connaissances fausses, des connaissances ennuyeuses ou des connaissances inutiles, et un esprit éteint par le travail ; et, sur cela, je me figure que ce n’est pas leur génie qui les a tournés vers les sciences, mais leur incapacité pour les affaires, les dégoûts qu’ils ont eus dans le monde, la jalousie, l’ambition, l’éducation, le hasard. […] Pour moi, plus fondé dans mes principes, quoique aussi détraqué dans mes actions, je suis mes plaisirs, je les cours, je me livre à leur léthargie et en sors par le mouvement. […] Mirabeau lui adresse de là, de ce lieu qu’il déteste, dit-il, par excellence, et où il est pour une affaire qui doit lui procurer de l’avancement ou amener sa démission du service, une lettre toute de conseils et d’excitations, et sur le même thème toujours ; « Vous êtes le premier raisonneur de France, mais le plus mauvais acteur » (acteur pour homme d’action) ; et en même temps il se représente, lui, comme un sage, un homme à principes fixes, et aussi un désabusé de l’ambition : Pour moi, dans les idées qui s’offrent à mon imagination, plusieurs se présentent avec empire, mais nulle avec agrément, que celle d’une solitude aimable et commode, quatre ou cinq personnes assorties de goût et de sentiment, de l’étude, de la musique, de la lecture, beau climat, agriculture, quelque commerce de lettres, voilà mon gîte !

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