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94. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

L’une des principales causes finales des grands événements qui nous sont connus, c’est la civilisation du monde. […] Le penseur sait tirer des conséquences d’une idée principale ; mais le premier mot de toutes choses, c’est le hasard, et non la réflexion, qui le fait découvrir à l’homme. […] Ce qu’on peut remarquer en général dans les orateurs grecs, c’est qu’ils ne se servent que d’un petit nombre d’idées principales, soit qu’on ne puisse frapper le peuple qu’avec peu d’arguments exprimés fortement et longtemps développés, soit que les harangues des Grecs eussent le même défaut que leur littérature, l’uniformité.

95. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Avant de caractériser les écrivains anglais et les écrivains allemands, il me paraît nécessaire de considérer d’une manière générale les principales différences des deux hémisphères de la littérature. […] Le climat est certainement l’une des raisons principales des différences qui existent entre les images qui plaisent dans le Nord, et celles qu’on aime à se rappeler dans le Midi. […] C’est encore une des principales causes de la sensibilité qui caractérise la littérature du Nord.

96. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

De l’expression Au-dessous de la grande action principale, il y a de petites actions subordonnées qu’elle comprend, et chaque phrase en contient une ; la grande représentait la mort de l’agneau, la chute du chêne ; les petites représentent les circonstances de cette mort et de cette chute ; ce sont autant de menus événements découpés dans l’événement total. […] Si les mots suivants ont la même vertu, le style est comme un flambeau qui, promené successivement devant toutes les parties d’une grande toile, fait passer devant nos yeux une suite de figures lumineuses, chacune accompagnée par le groupe vague des formes qui l’entourent et sur lesquelles la clarté principale a égaré quelques rayons. […] Quand nous causons, tous les moyens nous sont bons pour mettre en lumière notre idée principale : nous rompons brusquement l’équilibre de la phrase, nous élevons la voix tout d’un coup ; à tout prix nous mettons en relief le mot important et La Fontaine fait comme nous. […] La pensée court sans pouvoir s’arrêter sur les idées principales. […] L’un trouvait que la brièveté est le principal ornement du conte, et que les vers le gâtent en l’allongeant.

97. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Il a détaillé le projet d’une de ces conspirations dans laquelle il s’agissait, à la première nouvelle d’une victoire que remporterait le comte de Soissons, de soulever Paris et d’exécuter le coup de main avec les principaux mêmes des prisonniers de la Bastille, le maréchal de Vitry, Cramail et autres. […] On peut observer comme dans ses Mémoires, où il parle de lui-même avec si peu de déguisement, il emploie perpétuellement ces expressions et ces images de théâtre, de comédie ; il considère le tout uniquement comme un jeu, et il y a des moments où, parlant des principaux personnages avec qui il a affaire, il s’en rend compte et en dispose absolument comme un chef de troupe ferait pour ses principaux sujets. […] Quand un La Rochefoucauld nous peint Retz et que Retz s’accorde avec lui pour se reconnaître dans les traits principaux de cette peinture, nous n’avons plus qu’à nous taire, pauvres observateurs du lointain, et à nous incliner. […] Un homme de beaucoup d’esprit, et, ce qui vaut mieux, d’un très bon et judicieux esprit, M. de Sainte-Aulaire, a fait de cette vue l’idée principale de son Histoire de la Fronde ; il s’est attaché à en dégager en quelque sorte l’élément constitutionnel trop tôt masqué et dénaturé au gré des factions.

98. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Un autre extrême, tout opposé, dans lequel on est tombé de nos jours (et je parle ici de la critique sérieuse, de celle de quelques revues anglaises ou françaises, par exemple), est de ne presque point donner idée du livre à l’occasion duquel on écrit, et de n’y voir qu’un prétexte à développement pour des considérations nouvelles, plus ou moins appropriées, et pour des essais nouveaux ; l’auteur primitif sur lequel on s’appuie disparaît ; c’est le critique qui devient le principal et le véritable auteur. […] Il le reconnaît du premier ordre pour la marche lumineuse de l’ensemble, pour la puissance de l’action et les principaux effets que le théâtre se propose, pour « ce grand fonds d’intérêt qu’il semble interrompre lui-même volontairement, et qu’il est toujours sûr de relever avec la même énergie ». […] s’écria Rousseau : vous ne m’avez jamais dit du bien de vous. » J’en viens aux jugements de Grimm sur ses principaux contemporains, à commencer par Fontenelle. […] Dans l’espèce de biographie qu’il trace de Rousseau à l’occasion de l’Émile (15 juin 1762), Grimm s’arrête dans ses souvenirs à ce qui serait une révélation indiscrète et une violation de l’ancienne amitié ; et, après avoir retracé les principales époques de la vie de Rousseau, ses premières tentatives plus ou moins bizarres, il ajoute : « Sa vie privée et domestique ne serait pas moins curieuse ; mais elle est écrite dans la mémoire de deux ou trois de ses anciens amis, lesquels se sont respectés en ne l’écrivant nulle part. » Si Grimm avait été un perfide et un traître comme le croyait Rousseau, quelle belle occasion il avait là, dans le secret, de raconter, en contraste avec l’Émile, ce qu’avait fait Rousseau de ses propres enfants, et tant d’autres détails qu’on n’a sus depuis que par Les Confessions ! Au lieu de cela, il a observé une réserve digne ; il s’est borné à donner les traits principaux du caractère, et il a discuté de près les écrits.

99. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Les principaux poëtes du xve  siècle. — § VI. […] L’esprit satirique est le principal assaisonnement d’un genre très-cultivé alors, et le plus approprié à cet âge de l’esprit français et de la langue. […] Mais Malebouche l’a dénoncé à Jalousie ; celle-ci fait bâtir un château fort, et y enferme Bel-Accueil dans une tour dont une vieille a les clefs ; Honte, Peur, Malebouche et Dangier gardent les quatre portes principales. […] Les principaux membres de ce sénat sont la Justice canonique, la Miséricorde, la Vérité, le Courage, la Charité, la Tempérance, et d’autres que j’omets. […] L’un des principaux est Chrestien de Troyes, mort en 1191.

100. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Puycerda, évacué par les troupes ennemies, reçoit avec joie les Français : « Pour reconnaître ce bon accueil, pour discréditer, autant que possible, les calomnies que les moines espagnols ne cessaient d’exhaler contre nous, et donner en même temps aux Catalans un gage de notre respect pour le culte catholique, le premier soin du représentant fut d’aller, accompagné du général d’Arbonneau, à l’église principale, rendre grâces à Dieu du succès de nos armes. » Honneur à ce représentant Cassanyes pour cet acte de civilisation et de bon sens ! […] Peu après, l’anarchie régnait dans l’armée principale, réunie et acculée sous Perpignan, le général en chef Barbantane ayant résigné ses fonctions, le peuple appelle à grands cris à la tête des troupes le seul général populaire par ses succès, le vainqueur de la Cerdagne, et l’on expédie sur-le-champ à Dagobert l’ordre de redescendre dans la plaine avec l’élite de sa division. […] Animé d’une plus belle ardeur que jamais, heureux, comme peu d’hommes de son âge le sont, d’avoir trouvé une occasion tardive de déployer ses talents et de consacrer à son pays ses vertus guerrières, il s’apprêtait à frapper quelque coup au centre ou au revers des montagnes, qui eût fait une diversion puissante et opportune aux opérations principales que concertait en ce même temps le brave et habile Dugommier. […] Il y aurait maintenant à aborder la principale figure de cette laborieuse armée à son beau moment, Dugommier, le vainqueur de Toulon, le libérateur des Pyrénées.

101. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Mais ce n’est point la vie de M. de Talleyrand que sir Henry Bulwer a eu dessein de retracer ; il a choisi exclusivement l’homme public, et chez celui-ci les principaux moments, et pas tous ces moments encore au même degré. […] Dès le début, nommé membre de l’Assemblée par le clergé de son diocèse, il donne son programme dans un discours remarquable, tout pratique, où, sans se jeter dans le vague des théories, il résume les principales réformes et les améliorations qu’il estime nécessaires, et qui ont été depuis en partie gagnées définitivement et conquises, en partie aussi outrepassées ou reperdues. […] M. de Talleyrand fut à l’Assemblée le principal agent et l’organe de la motion qui avait pour objet la vente des biens du clergé au profit de la nation. […] On a besoin de l’éloignement et de ne considérer avec sir Henry Bulwer que les principaux actes de la ligne politique de M. de Talleyrand à cette époque, pour rendre la justice qui est due à sa netteté de vues et à sa clairvoyance.

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