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420. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

On y lit le vœu et le programme de ces premiers moments. […] Mais derrière ces premiers articles, qui sont d’affiche et de montre, arrivent les autres plus essentiels, à savoir qu’en la tendresse de l’âge du jeune roi, le parlement de Paris présentera pour le gouvernement de l’État des personnes illustres, tirées des ordres du clergé, de la noblesse et de la magistrature, qui seront, après les princes du sang, les conseillers naturels et les ministres de la régence. […] Ils ne se font croire que quand ils se font sentir, et il est très souvent de l’intérêt et même de l’honneur de ceux entre les mains de qui ils sont, de les faire moins sentir que croire. » Les autres inconvénients des guerres civiles qu’on a soi-même allumées, Retz nous les confesse sans réserve : un des premiers articles du Contrat de mariage entre le Parlement et la Ville de Paris avait été, nous l’avons vu, que les athées et libertins fussent réprimés et punis ; mais un des plus sûrs effets de la Fronde fut précisément de déchaîner ce libertinage, mortel à tout état de choses qui prétend s’établir et se consolider. […] Ailleurs, il se livre à nous, sur ce point, avec un accent de vérité qui serait plus fait encore pour nous toucher : c’est à la fin de la seconde Fronde, dans laquelle il tint une conduite si différente de celle qu’il eut dans la première ; mais cette première réputation d’ambitieux à main armée le poursuivait toujours : Est-il possible, disait-on en lui supposant cette visée du ministère, est-il possible que le cardinal de Retz ne soit pas content d’être, à son âge (il avait trente-sept ans), cardinal et archevêque de Paris ? […] Parmi ceux dont le cardinal de Retz se souvint à son arrivée, il en est un que j’aime à distinguer, parce qu’il était bel esprit, poli, honnête homme et pauvre : c’est le célèbre avocat Patru, l’un des premiers académiciens français, si prisé de Boileau, un de ceux qui, les premiers, parlèrent le plus purement notre langue, un de ces Parisiens spirituels et malins que Retz n’avait pas eu de peine à rallier autour de lui pendant la Fronde, avec les Marigny, les Montreuil, les Bachaumont.

421. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 14, qu’il est même des sujets specialement propres à certains genres de poësie et de peinture. Du sujet propre à la tragedie » pp. 108-114

Une erreur excusable peut donc réhabiliter, pour ainsi dire, le personnage qui commet un grand crime contre la loi naturelle, mais je me donnerai bien de garde de donner aux emportemens et aux premiers mouvemens le droit d’excuser les grands crimes, même sur le théatre. Celui à qui ses premiers mouvemens peuvent faire commettre de grands crimes, est toujours un scelerat. […] Les vertus n’ont-elles pas leurs premiers mouvemens ainsi que les passions vicieuses ?

422. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Shakespeare était né en 1564 ; ce serait donc à vingt-cinq ans qu’il aurait écrit son premier Hamlet. […] Johnson prétend que cette pièce n’avait point été divisée en actes par l’auteur, ou par ses premiers éditeurs. […]Première partie du roi Henri IV (de 1399 à 1413), 1597. […] Il n’est pas vraisemblable que, s’il eût puisé dans Hall ses premiers ouvrages, il eût ensuite quitté l’original pour le copiste. […] Déjà plusieurs auteurs des siècles gothiques avaient célébré la chaste Romaine, et Shakspeare a pu se dispenser de puiser aux sources premières.

423. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Si je parle quelque jour de Villehardouin, qui l’a précédé, il sera sensible, en passant de l’un à l’autre, que Joinville n’a pas la gravité simple ni le ton uni de ce premier en date de nos historiens : mais il a plus de bonhomie jointe à un sens subtil, il a de la gentillesse, de la grâce enfantine si l’on peut dire, une imagination tendre et riante. […] La veille de leur arrivée, il lui était né un fils de sa première femme. […] On avait conseillé au roi de rester en sa nef jusqu’à ce qu’il eût vu l’effet de cette première opération ; mais il n’y voulut point entendre : il se mit dans une barque avec le légat, qui portait devant lui une croix toute découverte, et devant eux marchait une autre barque où flottait la bannière de saint Denis appelée l’oriflamme. Et dès qu’on lui dit que l’enseigne de saint Denis avait touché le rivage, il ne se put retenir, et sans attendre, sans souci du légat qui était avec lui, « il saillit en la mer, dont il fut dans l’eau jusqu’aux aisselles, l’écu au col, le heaume en tête, le glaive (la lance) en main », et fut des premiers à terrer. […] [1re éd.] « il saillit en la mer tout armé, l’écu au col, le glaive au poing, et fut des premiers à terre ».

424. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Selon lui, tout ce que l’imitateur latin a ajouté au premier récit du Lucius grec n’est qu’un insipide développement, « une pitoyable amplification » ; ce ne sont que hors-d’œuvre, inepties et sottises. […] Il ne cessera de l’être, cet âne d’épaisse et malencontreuse encolure, et ne reprendra sa première forme que lorsqu’il aura mangé des roses ; c’est le seul remède. […] — Mais, au milieu de la nuit, Fotis n’a pas là des roses sous la main, et force est d’attendre au lendemain matin pour opérer la transmutation et réintégrer le beau Lucius dans sa première figure. […] Mais ne pressons même pas trop cette moralité dans la Psyché première, dans celle d’Apulée qui nous la représente ; car tout l’ensemble de la fable ne s’y accorde pas, et le conte finit par le plus grand bonheur et l’apothéose de celle même qui a manqué de prudence, et qui a désobéi à bien des reprises aux plus tendres conseils. […] Et pour première épreuve des plus singulières, elle se fait apporter du froment, de l’orge, du millet, de la graine de pavot, des pois, des lentilles et des fèves ; elle mêle, elle confond le tout ensemble, de manière à n’en faire qu’un monceau ; puis elle ordonne à Psyché de faire œuvre de servante et de séparer cet amas de semences qu’elle a confondues, de les mettre de côté une à une en des tas séparés.

425. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Encore aujourd’hui, on distingue au premier abord les peuples qui aiment à voyager de ceux qui se plaisent chez eux sans avoir le besoin d’en sortir. […] Les six premiers mois de 1860 furent employés par lui à explorer le Sahara tunisien ; il était muni des meilleures recommandations du bey ; il fut toléré partout, mais ne fut bien accueilli nulle part, et il revint bientôt à Biskra préparer le voyage décisif qu’il avait en vue. […] Duveyrier, comme frère de l’Ordre des Tedjadjna, et j’ai été accueilli comme tel par tous ceux qui en font partie ou qui le respectent. » Voilà une franc-maçonnerie de première utilité et des plus louables. […] Jeune encore, à l’époque des grandes guerres du premier Empire français, il était à Ghadamès au milieu d’une réunion d’hommes graves, lorsqu’on apporta la nouvelle d’une reprise d’hostilités entre les chrétiens. « Tant mieux 1 dit un vieux marchand, puissent-ils s’entre-tuer jusqu’au dernier !  […] Duveyrier, son premier voyage n’est qu’un prélude ; il médite, sa tâche de rédaction terminée, de pénétrer dans l’Afrique centrale, dans le Soudan, et même de visiter, s’il se peut, Tombouktou.

426. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Cet intérêt de Christel pour une situation qu’elle devina du premier coup fut-il, un seul instant, purement curieux, attentif sans retour, et, si l’on peut dire, désintéressé ? […] Chaque génération de jeunesse recommence comme dans Éden, et t’invente avec le charme et la puissance des premiers dons. […] Elle voudrait la lettre heureuse pour lui, et elle la craint heureuse ; elle est déchirée si elle l’a vu sourire aux premières lignes (car en ces cas d’attente il décachetait brusquement), et s’il lui semble plus triste après avoir parcouru, elle demeure triste et déchirée encore. […] Christel reprit ses sens avec lenteur ; elle vit, en rouvrant les yeux, Hervé près d’elle, comme s’il eût attendu son retour à la vie, et elle répondit à ce premier regard par un indéfinissable sourire. […] trop muette) de Christel, eût été agréable et riante l’été, devant cette nature bocagère, près de ces hôtes chéris : Hervé se le disait pour la première fois aux premières neiges.

427. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Chapitre premier. […] À la vérité, cet état est sa condition suffisante et nécessaire ; mais il n’est pas sûr qu’elle soit la même chose que lui ; au premier regard, elle en diffère, et, certainement, elle ne nous est pas connue au même degré que lui ni de la même façon. […] En effet, intérieure ou extérieure, l’observation, à son premier stade, ne saisit que des composés ; son affaire est de les décomposer en leurs éléments, de montrer les divers groupements dont les mêmes éléments sont capables, et de construire avec eux les divers composés. […] Ainsi, dans le piano, on entend facilement les six premières harmoniques de chaque note, mais non la septième et la neuvième. Le violon, sous l’archet, donne plus faiblement les six premières harmoniques ; mais les plus aiguës depuis la sixième jusqu’à la dixième y sont très distinctes.

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