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392. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Ces lectures, dans lesquelles devait entrer le moins de critique possible, le strict nécessaire seulement en fait de commentaires, et où l’on devait surtout éviter de paraître professer, avaient pour objet de répandre le goût des choses de l’esprit, de faire connaître par extraits les chefs-d’œuvre de notre littérature, et d’instruire insensiblement les auditeurs en les amusant. […] Ce fond général une fois posé, il serait possible d’y rattacher les morceaux qui sont d’une manière plus sobre, modérée et légère, et l’on ne serait pas forcé de se tenir, dans les citations d’histoire, aux auteurs plus tranchés qui ont le relief un peu gros, et qui, avec du feu et de la sève, ne sont pas exempts de déclamation. […] Il faut beaucoup d’art pour tirer de ces lectures tout le parti moral possible, un art honnête et loyal, qui porte dans les esprits la conviction de son entière impartialité.

393. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Homme d’observation toutefois et de bon sens avant tout, absolument étranger par ses origines comme par ses habitudes d’esprit aux doctrines du droit divin, il est évident pour ceux qui le lisent que, s’il avait vécu, il ne se serait nullement considéré comme enchaîné à la Restauration, et qu’il eût fait mieux que consentir à l’essai de monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe : il aurait cru un moment y voir la réalisation tardive de ce qu’il avait longtemps désiré et de ce dont il avait désespéré tant de fois, l’établissement d’un gouvernement mixte, devenu enfin possible en France après ces trente ou quarante ans d’une éducation préliminaire si chèrement achetée. […] Cette Convention, ainsi décapitée et privée des chefs qui faisaient sa terreur et sa force, n’est pourtant pas à mépriser ; Mallet du Pan n’a garde de s’y méprendre, et, en général, il pense que « c’est un mauvais conseil que le mépris de son ennemi. » — « Individuellement, dit-il, la Convention est composée de pygmées ; mais ces pygmées, toute les fois qu’ils agissent en masse, ont la force d’Hercule, — celle de la fièvre ardente. » Quant au peuple, au public en France, à la masse de la population, Mallet la connaît bien ; il ne lui prête ni ne lui ôte rien quand il la montre, au sortir du 9 Thermidor, n’ayant qu’un désir et qu’une passion, le repos et la paix, avec ou sans monarchie, et plutôt sans monarchie s’il est possible : Celle-ci (c’est-à-dire la monarchie), écrit-il à l’abbé de Pradt le 1er novembre 1794, n’a encore que des partisans timides. […] Le fait est que, même en visant à des choses impossibles, on obtient à la longue des choses possibles auxquelles on n’eût jamais atteint autrement.

394. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Qu’il tende au maximum possible de gratuité et d’absolu, d’accord ! […] Le dramaturge propose implicitement à l’interprète toute une série de « possibles » entre lesquels celui-ci n’aura qu’à choisir. […] Et d’abord, tout au moins dans la tragédie, il réduit autant que possible la part faite au plaisir des yeux. […] Il ne tracera donc un mot qu’en fonction de l’intonation, de la mimique et du geste possibles. […] Il a été encouragé, en outre, à tout l’excès possible par le milieu fermé où il a pris conscience de lui-même, par les maîtres qu’il s’est donnés, par la solitude où il a vécu.

395. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nau, John-Antoine (1873-1918) »

John-Antoine Nau, qui, sous ce titre banal, Au seuil de l’espoir, nous apporte un poème serré, massif et concis, infiniment plus près de la forme possible du roman en vers que celui de M. 

396. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Misérables » (1862) »

Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.

397. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Mais même après ce bond qu’elle fait, elle reste hésitante entre plusieurs satisfactions possibles et ne se met exclusivement au service de l’acte génital qu’au moment de la puberté et par une sorte d’opération synthétique fort complexe et sujette à une foule d’accidents. […] F., a bien vu cet aspect de son caractère, ou plus exactement les conditions psychologiques qui ont rendu possible, qui seules pouvaient rendre possible son extraordinaire pénétration. […] Ou mieux, Proust est habité par ce qu’il appelle lui-même le sens des possibles . […] Il est peut-être possible déjà d’écrire sur Marcel Proust sans tomber dans trop de sottises ; la plume admet le temps de la réflexion et si l’on se sent sur le bord d’une idée fausse ou imprécise, on peut toujours la garder suspendue, attendre que l’esprit ait achevé son travail. […] Vous vous rappelez que le dessein explicite de la tragédie classique était de « purger les passions » en les représentant avec toute la force possible et dans leurs effets les plus déplorables.

398. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Or, là où Dieu, le monde et l’homme ne sont pas possibles, sur quoi la poésie trouverait-elle prise ? […] Selon nous, il se trompe : avec les rimes plates il n’y a pas de stance possible. […] Quel drame est possible à ces trois acteurs ? […] Est-il possible de deviner l’intention cachée, je veux bien le croire, sous ce frivole entassement d’images ? […] « C’est possible.

399. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Son mari avait aussi peu de tête que possible, et le peu qu’il en avait, il le perdait tous les soirs dans les pots de cidre. […] L’idée sérieuse que je m’étais faite de la foi et du devoir fut cause que, la foi étant perdue, il ne m’était pas possible de garder un masque auquel tant d’autres se résignent. […] J’aurais été en prêtre ce que j’ai été en père de famille, très aimé de mes ouailles, aussi peu gênant que possible dans l’exercice de mon autorité. […] Il fallait, pour cette délicate opération, non un prêtre sérieux de la vieille école gallicane qui aurait pu avoir l’idée de rétractations motivées, de réparations, de pénitence, non un jeune ultramontain de la nouvelle école, qui eût tout d’abord inspiré au vieillard une complète antipathie ; il fallait un prêtre mondain, lettré, aussi peu philosophe que possible, nullement théologien, ayant avec les anciennes classes ces relations d’origine et de société sans lesquelles l’Évangile a peu d’accès en des cercles pour lesquels il n’a pas été fait. […] J’échouai totalement dans Pierre l’Ermite et Urbain Il ; mon Godefroy de Bouillon fut jugé aussi dénué que possible d’esprit militaire.

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