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413. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Là-dessus, le voilà qui me lit dans un cahier manuscrit, son livre tout plein de Dieu, dans lequel il est devenu un métaphysicien, disant des choses plus élevées, que dans ses autres livres, et où il cite cette originale phrase de l’Allemand Bohme : « La matière est comme le portrait d’une personne absente. » Vendredi 8 juillet Seconde pose pour un médaillon, qu’exécute d’après moi, Alexandre Charpentier. […] Vendredi 2 novembre Hier Frantz Jourdain, me parlant de son fils, me disait que maintenant dans les ateliers, tout est changé dans la pose du modèle, que ce ne sont plus les attitudes pondérées du Soldat Laboureur ou de Marius sur les ruines de Minturnes, mais les académies tourmentées, contorsionnées de Michel-Ange, de Rodin. […] Le premier kakémono, d’O Kio représente des petits chiens, lippus, mafflus, rhomboïdaux, dont l’un dort, la tête posée sur le dos de l’autre, dessinés d’un pinceau courant dans un lavis d’encre de Chine, mêlé d’un peu de couleur rousse sur les chiens, d’un peu de couleur verdâtre sur une plante herbacée. […] Un jeune paysan, dans sa précipitation à embrasser son amoureuse, culbute le chevalet du peintre, devant lequel elle est en train de poser. […] Sur la tablette supérieure des bibliothèques, sont posés de petits bronzes japonais, dont les anses sont ingénieusement imaginées, d’après la figuration de crevettes arc-boutées contre le col ; de tay, les poissons aimés par les gourmets de là-bas, en la remonte d’une cascade ; de petits rameaux de courges avec les gourdes, au milieu de leurs feuilles trilobées.

414. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Cela posé, nous pouvons, grâce à notre psychologie, faire un pas de plus. […] Telle est aussi l’image, et l’on n’a qu’à se reporter à son histoire pour la voir durer, s’effacer, reparaître précisément de la même façon. — Posez maintenant que, par une excitation nouvelle des centres sensitifs, une action différente vienne à se produire dans un des éléments corticaux ; selon la loi de communication, elle devra passer tour à tour dans les autres éléments, et nous devrons avoir une image différente qui, comme la première, devra durer en s’affaiblissant et en se reformant tour à tour. […] Cela posé, nous voyons le monde moral s’étendre beaucoup au-delà des limites qu’on lui assignait. […] Il faut attendre qu’elle soit faite et stable : la psychologie ne devra se loger sur ce terrain physiologique que lorsque la physiologie y aura bâti. — Néanmoins les jalons que nous avons posés suffisent pour marquer les lignes principales, et la correspondance établie ci-dessus entre l’action nerveuse et l’action mentale nous permet de conduire l’analyse au-delà des notions que le microscope nous fournit. […] « Posées toutes les deux sur le plancher, la première s’enfuit aussitôt et cherche à se cacher.

415. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

Cela posé, considérons le rouge ; à mesure que l’on descend dans le spectre, la sensation du rouge diminue ; elle passe de son maximum à son minimum.  […] Par exemple, on distingue à peine la piqûre d’une fine aiguille et l’attouchement d’une étincelle de feu. » — Autre analogie : on sait que, portées à un certain degré, les sensations de chaleur et de froid, comme celles de pression, se changent en douleur pure. — « Enfin posez sur la peau un corps mauvais conducteur, par exemple un papier percé d’un trou de deux à cinq millimètres de diamètre ; à travers ce trou touchez la peau, tantôt avec un excitant mécanique, comme une pointe de bois, un pinceau ou un flocon de laine, tantôt avec un excitant calorifique, comme le rayonnement d’un morceau de métal échauffé » ; les deux sensations, ainsi limitées à ce minimum d’éléments nerveux, sont si semblables que très souvent le patient juge que celle du contact est une sensation de chaleur et que celle de chaleur est une sensation de contact. — Au contraire, lorsque les éléments nerveux sont en grand nombre, c’est-à-dire lorsqu’un large morceau de peau subit les mêmes épreuves, la même confusion n’a pas lieu. — Évidemment, ici comme ailleurs, la sensation ordinaire est un total ; et, ici comme ailleurs, deux sensations totales peuvent être en apparence irréductibles l’une à l’autre, quoique leurs éléments soient les mêmes ; il suffit pour cela que les petites sensations composantes diffèrent par le nombre, la grandeur, l’ordre ou la durée ; leurs totaux forment alors des blocs indivisibles pour la conscience, et semblent des données simples, différentes d’essence et opposées de qualité. […] Nous concevons, d’après les trois principes posés, que les sensations élémentaires des cinq sens peuvent être elles-mêmes des totaux composés des mêmes éléments, sans autre différence que celle du nombre, de l’ordre et de la grandeur de ces éléments, et que, partant, comme les diverses sensations de l’ouïe ou de la vue, elles peuvent se réduire à un type unique. […] Quand, les yeux fermés, on pose tour à tour la pulpe d’un doigt sur les points secs et sur les points mouillés, on ne les distingue pas les uns des autres.

416. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

La question allait se poser entre le système constitutionnel et le régime absolu dans les États d’Italie dépendant de l’influence de la maison de Bourbon. Au premier regard, il paraissait évident que l’intérêt de la France serait de se poser en médiatrice entre les rois et les peuples, et d’empêcher les puissances étrangères d’intervenir, comme une haute police armée, à Naples, et bientôt à Turin, pour faire reculer le régime des institutions libres. […] Il me parut un homme qui posait pour le grand homme incompris, qu’il ne fallait voir que de loin, en perspective. […] « Souvent, le bras posé sur l’urne d’un grand homme, Soit aux bords dépeuplés des longs chemins de Rome, Soit sous la voûte auguste où, de ses noirs arceaux, L’ombre de Westminster consacre ses tombeaux, En contemplant ces arcs, ces bronzes, ces statues, Du long respect des temps par l’âge revêtues, En voyant l’étranger d’un pied silencieux, Ne toucher qu’en tremblant le pavé de ces lieux, Et des inscriptions sur la poudre tracées Chercher pieusement les lettres effacées J’ai senti qu’à l’abri d’un pareil monument Leur grande ombre devait dormir plus mollement ; Que le bruit de ces pas, ce culte, ces images, Ces regrets renaissants et ces larmes des âges, Flattaient sans doute encore, au fond de leur cercueil, De ces morts immortels l’impérissable orgueil ; Qu’un cercueil, dernier terme où tend la gloire humaine, De tant de vanités est encor la moins vaine ; Et que pour un mortel peut-être il était beau De conquérir du moins, ici-bas, un tombeau ?

417. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Bref, on apprenait aussi bien que possible à tirer une conclusion juste de prémisses une fois posées ; on n’oubliait que la chose essentielle, à savoir de vérifier les prémisses, de s’assurer que les bases de l’édifice étaient solides. […] Il n’est pas indifférent que les problèmes de la philosophie soient ou non posés devant les jeunes esprits ; ce n’est pas sans motif que les heures accordées à l’enseignement philosophique ont toujours été réduites ou supprimées, chaque fois que la peur de l’Idée a régné en France, c’est-à-dire après des révolutions qui en avaient démontré la force expansive, comme on peut le vérifier sous le premier et le second Empire. […] La philosophie, si elle accepte une consigne, si elle approuve ou réfute sur commande, ne mérite pas et n’obtient pas l’ascendant qu’elle a le droit d’espérer, quand elle est un libre essai de réponse aux questions que nous posent la vie et la mort. […] En vertu de la règle posée, que sera l’Académie sous le règne de Napoléon III ?

418. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Ils reconnurent qu’il appartient à l’homme d’être le juge et non le disciple passif de la nature : ils posèrent des problèmes physiques à priori, et, pour résoudre ces problèmes, ils entreprirent des expériences qu’ils dirigèrent d’après les principes que leur suggéra la raison. […] Quand on dit qu’il faut partir du monde extérieur pour arriver à l’homme, des sens pour arriver à l’intelligence, ou bien lorsque l’on pose tout d’abord l’existence de Dieu et que l’on en déduit l’homme et le monde, des deux côtés égale erreur. […] Si par métaphysique on entend une disposition naturelle de l’esprit humain à se poser et à résoudre un certain nombre de problèmes, on doit répondre assurément que la métaphysique est possible, puisqu’elle est ; mais, selon Kant, tous les systèmes nés de cette disposition naturelle sont tellement défectueux et si peu satisfaisans, qu’il n’est pas permis de leur donner le nom de science ; de sorte que si par métaphysique on entend non pas une disposition naturelle, mais une vraie science, on est forcé de répondre que la métaphysique n’est pas. […] Il ne désespère donc point de la métaphysique considérée comme science, mais il la renvoie à l’avenir, et il ne veut qu’en poser les fondemens et en vérifier l’instrument.

419. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Imaginez à gauche une longue suite d’arcades qui s’en vont en s’enfonçant dans la toile parallèlement au côté droit, et en diminuant de hauteur selon les lois de la perspective ; imaginez à droite une autre enfilade d’arcades qui s’en vont du côté gauche, sur le devant, diminuant pareillement de hauteur, en sorte que ces deux enfilades ont l’air de deux grands triangles rectangles posés sur leurs moyens côtés et s’entrecoupant par leurs petits côtés : effet le plus ingrat à l’œil ; effet dont il était si aisé de déranger la symmétrie. […] Au côté droit de la cheminée, une espèce de banquette ou de coussin sert d’appui à deux enfans grandelets couchés sur le ventre, les coudes posés sur le coussin, le dos tourné au spectateur, le visage au foyer, et les pieds de l’un posés sur la dernière marche de l’entrée. […] Au dehors, sur le devant, vers la droite, femmes qui font rôtir des marons dans une poële posée sur un fourneau très-élevé.

420. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Quand il parlait comme lorsqu’il écrivait, Fénelon se tenait plus volontiers à mi-côte et sur les collines : « Son style noble et léger, a-t-il dit de Pellisson, ressemblait à la démarche des divinités fabuleuses qui coulaient dans les airs sans poser le pied sur la terre. » On peut le dire de lui-même et en supprimant l’image de fabuleuses ; sa parole avait quelque chose de noble et de léger qui rappelle ces figures angéliques, amies de l’homme, et se tenant toujours à sa portée, qui pourraient s’enlever plus haut, qui ne le veulent pas, et qui aiment mieux, dès qu’il le faut, redescendre. […] Les stoïciens, Épictète par exemple, posaient en principe que, pour être heureux et sage, il faut se retrancher en soi et dans les seules choses qui dépendent de nous, en coupant court à ce qui est du dehors, aux accidents, et en levant pour ainsi dire à chaque fois le pont-levis, de telle sorte que la communication ne se fasse que par manière d’acquit et sans nous affecter essentiellement.

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