Or, à supposer que cette évolution existe, la réalité n’en peut être établie que la science une fois faite ; on ne peut donc en faire l’objet même de la recherche que si on la pose comme une conception de l’esprit, non comme une chose. […] Il pose, en effet, comme une proposition évidente qu’« une société n’existe que quand, à la juxtaposition, s’ajoute la coopération », que c’est par là seulement que l’union des individus devient une société proprement dite18. […] Aussi toutes les questions que se pose d’ordinaire l’éthique se rapportent-elles, non à des choses, mais à des idées ; ce qu’il s’agit de savoir, c’est en quoi consiste l’idée du droit, l’idée de la morale, non quelle est la nature de la morale et du droit pris en eux-mêmes. […] On peut poser en principe que les faits sociaux sont d’autant plus susceptibles d’être objectivement représentés qu’ils sont plus complètement dégagés des faits individuels qui les manifestent.
Il ne se pose qu’après, comme le poignard dans le cœur. […] Telle est la question, comme dit Shakespeare ; mais si c’est fatal, logiquement aussi, la fatalité, quand elle n’est pas le stupide fatum du paganisme, ne se pose qu’avec la Providence, et comme une diminution de ses générosités. […] Ferrari, historien, qui pose que l’Italie est normalement ce qu’elle doit être avec la nette formule : « Pape désarmé, Empereur absent. » Une telle opinion sous la plume d’un homme qui a l’air de maudire ses anciennes amours, a, dit-on, fait bondir le mazzinisme. […] … Lui, lui qui entend si merveilleusement la castramétation historique des nations, démontre-t-il suffisamment que cet ordre, dans lequel il les pose et les oppose, soit une stratégie nécessaire ?
Mais, si l’on pose que tout mouvement est relatif, que devient l’immobilité ? […] Or c’est le mouvement, et le mouvement seul, qui ralentit le cours du Temps d’après la théorie de la Relativité, puisque ce ralentissement ne peut jamais être posé que comme une conséquence des formules de Lorentz 66. […] Sur ce plan nous poserons un disque absolument plat dont nous ferons coïncider le centre avec le point O, et nous ferons tourner le disque autour d’un axe fixe perpendiculaire au plan en ce point. […] Mais, justement parce que sa pensée peut se poser n’importe où et se déplacer à chaque instant, il aime à se figurer qu’elle est partout, ou qu’elle n’est nulle part.
Telles sont les questions que se pose le promeneur solitaire et qu’il se posera jusqu’à la fin. […] Mais ce qu’il a et ce qui rachète bien des défauts, c’est (je ne parle que du présent volume et du journal) une certaine richesse de vues, la présence et la suggestion de plusieurs solutions possibles à la fois, la plénitude du problème bien posé et considéré sans cesse, la sincérité parfaite, l’honnêteté, la bonté, la profondeur à force de candeur, un sentiment moral qui anime et personnifie ses recherches, qui les rend touchantes, et qui y donne (avec plus de douceur et d’affection) quelque chose de l’intérêt qu’auront éternellement les angoisses et les fluctuations orageuses de Pascal à la poursuite du bonheur.
Tout cela est dit en termes d’une fausse élégance, avec des tons demi-poétiques, des inversions d’adjectifs, « les délétères parfums, les monotones draperies… » Il ne lui reste plus, les autres mis ainsi de côté, qu’à inaugurer sa propre critique, à lui, la seule salutaire et la seule féconde, la seule propre à réconcilier l’art avec la religion, le monde et les honnêtes gens : « Telles sont, dit-il, après avoir posé quelques points, les questions que je veux effleurer ici, comme on plante un jalon à l’entrée d’une route. » Effleurer une question, de même qu’on plante un jalon, c’est drôle ; il n’y a guère de rapport naturel entre effleurer et planter ; qui fait l’un ne fait pas l’autre, et fait même le contraire de l’autre. […] Je crois, au contraire, que, quand on le peut, et quand le modèle a posé suffisamment devant vous, il faut faire les portraits le plus ressemblants possible, le plus étudiés et réellement vivants, y mettre les verrues, les signes au visage, tout ce qui caractérise une physionomie au naturel, et faire partout sentir le nu et les chairs sous les draperies, sous le pli même et le faste du manteau. […] Non, mille fois non… Abandonnez-nous, Aurélie et moi, à notre solitude et à notre misère, nous aurons la force de les supporter. » Quelle pose théâtrale et quelle tirade !
La vallée du Chéliff, ou plutôt la plaine inégale et caillouteuse ravinée par le Chéliff, s’offre à nous avec son caractère d’aridité surprenante ; le peintre ici se montre tout à nu et nous rend le terrain dans sa crudité géologique, comme le ferait un Saussure qui saurait colorer aussi bien que dessiner : « Imagine (il s’adresse toujours à son ami) un pays tout de terre et de pierres vives, battu par des vents arides et brûlé jusqu’aux entrailles ; une terre marneuse, polie comme de la terre à poterie, presque luisante à l’œil, tant elle est nue ; et qui semble, tant elle est sèche, avoir subi l’action du feu ; sans la moindre trace de culture, sans une herbe, sans un chardon ; — des collines horizontales qu’on dirait aplaties avec la main ou découpées par une fantaisie étrange en dentelures aiguës, formant crochet, comme des cornes tranchantes ou des fers de faux ; au centre, d’étroites vallées, aussi propres, aussi nues qu’une aire à battre le grain ; quelquefois, un morne bizarre, encore plus désolé, si c’est possible, avec un bloc informe posé sans adhérence au sommet, comme un aérolithe tombé là sur un amas de silex en fusion ; — et tout cela, d’un bout à l’autre ; aussi loin que la vue peut s’étendre, ni rouge, ni tout à fait jaune, ni bistré, mais exactement couleur de peau de lion. » Après de telles pages, on n’a plus rien à demander au peintre pour le technique de son art : il s’est traduit en prose avec un ton égal à son objet. […] Il commence par bien poser son cadre : il est à l’une de ses dernières haltes, sur le plateau nu du D’jelfa ; la journée s’achève, il est environ cinq heures du soir ; sa tente est tournée au midi, à ce midi encore voilé vers lequel il aspire ; il est seul, ses compagnons absents ou endormis ; il savoure un vent tiède qui souffle faiblement du Sud-Est ; pour toute vue, il a une moitié de l’horizon, bornée d’un côté par un grand bordj ou maison solitaire, et de l’autre par un groupe de chameaux bruns, qui se dessine sur une ligne de terrains pâles ; tout est repos, tranquillité, paix profonde : « S’il arrive qu’un ramier passe au-dessus de ma tête, dit-il, je vois son ombre glisser sur le terrain, tant ce terrain est uni ! […] Je n’ai plus que l’abri étroit de mon parasol, et je m’y rassemble ; mes pieds posent dans le sable ou sur des grès étincelants ; mon carton se tord à côté de moi sous le soleil ; ma boîte à couleurs craque, comme du bois qui brûle.
Le besoin de faire effet, d’être dramatique et de poser, pouvait mener aux plus funestes résultats, et l’enseignement de la rhétorique était au fond de tout cela. […] Enfin, quand elle posa sa tête sur mon épaule, que ses larmes mouillèrent ma robe, je pressai sa main avec force sur mon cœur, et je sentis que le malheur est le plus fort de tous les attraits. » Mme Dufrenoy s’est souvent plainte, pour elle, de cette sécheresse extérieure : « J’ai toujours besoin de pleurer, disait-elle, et mes yeux ne peuvent verser des larmes. » La passion n’avait épuisé ni tari en son âme la source de la sensibilité, mais le ruisseau ne coulait plus à la surface. […] Coulmann, je désire que votre absence ne se prolonge pas trop et que vous me trouviez encore sous ces ombrages où je touche de nouveau la lyre. » J’étais attiré, j’allais vers la femme, et voilà la pose de muse, le geste théâtral qui m’arrête et me fait fuir.
Le siècle va vite ; il se hâte ; je ne sais s’il arrivera bientôt à l’une de ces vallées immenses, à l’un de ces plateaux dominants, où la société s’assoit et s’installe pour une longue halte ; je ne sais même si jamais la société s’assoit, se pose réellement, et si toutes les stations que nous croyons découvrir dans le passé de l’histoire, ne sont pas des effets plus ou moins illusoires de la perspective, de pures apparences qui se construisent ainsi et jouent à nos yeux dans le lointain. […] La seule question qu’elle ait à poser est dorénavant celle-ci : « M.