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249. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Je continue de tourner les feuillets, j’achève mon volume d’estampes : des chevaux de poste anglais, des chevaux de fermes français ; des scènes de chasse, la plupart bourgeoises ; puis les portraits de nos célébrités du temps, le général Foy, Chauvelin, Talmà (rôle de Syilà dans le songé), Perlet (rôle de Rigaudin de la Maisoneh loterie) ; Mohammed-Ali, vice-roi d’Égypte, qui commençait à être populaire en France ; le général Quiroga ; — un très-beau dessin de Louvel, l’assassin du duc de Berry. […] Parmi ses tableaux non populaires de ce temps-là, les connaisseurs m’ont paru mettre au premier rang un portrait équestre du duc d’Angoulême (1824), où le cheval est d’une vie et d’une nuance de robe admirable ; l’Anglais Lawrence arrivait vers ce moment à Paris, et son succès piquait d’honneur Horace : il fut coloriste ce jour-là. Ce portrait qu’il revit à Versailles à une dernière visite, un peu avant sa mort, lui procura une vraie satisfaction d’artiste. Il faut mettre à côté un portrait, également équestre, de Charles X, qui est presque aussi beau.

250. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Fournier, qui connaît les rues de Paris au temps de Louis XIV mieux que nous ne connaissons celles d’aujourd’hui ; qui sait le nom de chaque hôtel un peu considérable ; qui distingue les boutiques mêmes et leurs enseignes, cherche partout des noms propres, des adresses précises aux Portraits de La Bruyère. […] J’espère d’ailleurs que le temps pourra quelquefois me justifier ; il apportera sur notre homme de grosses découvertes, mais on se souviendra des petites : la transcription, enfin raisonnable, de la lettre de La Bruyère à Santeul ; l’anecdote de la lettre de celui-ci remerciant La Bruyère de son portrait ; le certificat de licences prises par La Bruyère à Orléans ; l’anecdote de La Bruyère et du prédicateur ; celle de M. le Prince ne se frottant pas, pour s’en amuser, à son caustique gentilhomme ; la mention du mariage du frère aîné avec la fille de M. de Novion, par laquelle se trouve expliqué tout le côté parlementaire du livre ; l’histoire très-complétée de la petite Michallet, de son mariage, et du livre qui fut sa dot ; l’histoire non moins complétée des candidatures de La Bruyère et de sa réception à l’Académie ; le récit de sa mort soupçonnée de poison, etc., bien d’autres choses qu’on ne voit pas encore, parce que je n’ai rien fait pour les montrer ; pauvres aiguilles, comme vous dites, que j’ai perdues négligemment dans une botte de foin… » De mon côté, je ne restai pas sans réponse. […] Il n’y a, selon moi, nulle ironie dans le portrait. […] Voici le portrait que trace de M. de Valincour Saint-Simon qui, d’ordinaire, ne flatte guère son monde : « C’était un homme d’infiniment d’esprit, et qui savait extraordinairement ; d’ailleurs, un répertoire d’anecdotes de Cour où il avait passé sa vie dans l’intrinsèque, et parmi la compagnie la plus illustre et la plus choisie ; solidement vertueux et modeste, toujours dans sa place, et jamais gâté par les confiances les plus importantes et les plus flatteuses : d’ailleurs très-difficile à se montrer, hors avec ses amis particuliers, et peu à peu, très-longtemps, devenu grand homme de bien.

251. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Comment colorerait-il de nuances convenables ses portraits et ses tableaux, si, au lieu de palette dans l’imagination, il n’a qu’un peu d’encre au bout de sa plume ? […] Les peuples mûrs et touchant à la décadence veulent des portraits peints en traits de sang, des retours vers la vertu antique, des larmes amères sur la corruption présente, des sentences brèves, mais succulentes, jaillissant de l’événement comme le cri des choses, enfin une philosophie à la fois plaintive et amère, qui consterne et qui relève l’âme par l’honnête et douloureux contraste entre l’image de la vertu antique et le désespoir de la liberté perdue ! […] Telles étaient à Rome, ajoute-t-il, les dispositions d’esprit de cette immense multitude. » Il fait ensuite le tableau des provinces, des légions, le portrait des principaux généraux qui les commandent. […] XIV Le portrait de Mucien, tracé en quelques lignes, présage du premier coup d’œil à l’empire des agitations, à Galba des compétiteurs : « Homme, dit Tacite en parlant de Mucien, déjà aussi célèbre par ses succès que par ses disgrâces ; jeune, il avait ambitieusement caressé des amitiés illustres ; bientôt, ayant dissipé ses richesses, il glissa dans le besoin.

252. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

La Bruyère l’a peint d’avance, en traçant le portrait de Giton le riche. […] Pourquoi exposer aux méprises et aux préventions de la foule cette charge sans portrait, cette personnalité sans personne ? […] Le portrait bien commencé s’altère ensuite et se vulgarise. […] C’est encore, selon nous, un portrait manqué que celui du jeune comte d’Outreville, un petit neveu que le marquis a fait venir d’Avignon, pour le marier de sa main.

253. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

D’après ce premier portrait auquel Walpole ajoutera encore plus d’un coup de pinceau, on peut déjà voir une Mme Du Deffand bien autrement vive et animée qu’on ne s’est plu à nous la peindre d’ordinaire. […] Mme de Maintenon n’est pas moins saisie au naturel : « Je persiste à trouver que cette femme n’était point fausse, mais elle était sèche, austère, insensible, sans passion… » Tout ce portrait de Mme de Maintenon est à lire chez Mme Du Deffand, et reste le plus ressemblant de tous ceux qu’on a pu faire. […] Je n’insisterai pas ici sur les portraits qu’elle a tracés des personnes de sa société. Elle excellait dans le portrait et y fixait les ridicules, les sottises, d’une façon pittoresque, ineffaçable.

254. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Moins peintre que La Bruyère, Vauvenargues a un plus grand dessein, un dessein plus philosophique : il ne veut pas simplement observer les hommes de la société dans leurs variétés, en donner des portraits, des médaillons finis, en faire le sujet d’une suite de remarques profondes et vives ; il envisage l’homme même, et voudrait atteindre au point où bien des maximes qu’on a crues contradictoires se rejoignent et se concilient. […] Villemain a cité de lui, comme une image fidèle et à peine voilée, le portrait qu’il a tracé de Clazomène. Je ne le retrouve pas moins vivement exprimé et hautement reconnaissable dans cet autre portrait qui a pour titre : « L’homme vertueux dépeint par son génie ». En l’écrivant, Vauvenargues ne songeait certes pas à faire son portrait ; mais il se retraçait et se proposait son plein idéal à lui-même : Quand je trouve dans un ouvrage une grande imagination avec une grande sagesse, un jugement net et profond, des passions très hautes, mais vraies, nul effort pour paraître grand, une extrême sincérité, beaucoup d’éloquence, et point d’art que celui qui vient du génie, alors je respecte l’auteur : je l’estime autant que les sages ou que les héros qu’il a peints.

255. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M.  […] On n’a jamais mieux fait le portrait d’un esprit, ni rendu aussi sensiblement des choses qui semblent inexprimables : lumière, suavité, netteté, vigueur, discernement et dextérité céleste, ordonnance et économie des vertus dans une âme, tout s’y représente et s’y peint d’un trait ferme et définitif. […] On a des portraits de saint François de Sales, mais aucun n’a pu rendre cette circonstance singulière de teint et de transparence, et dans le temps on disait, en effet, qu’il n’y avait pas de bon portrait de lui.

256. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Elle ne trouvera pas flattés des portraits dont elle n’aura pas vu les originaux. […] [Jules Claretie] On demandait, un jour, pour le Musée des familles, un portrait de Molière à M.  […] — J’ai commencé trois fois le portrait de Molière, et trois fois je l’ai jeté au feu, répondit-il au rédacteur en chef du journal. […] Comme ce Molière dont il commença trois fois le portrait, il est de ceux dont on a tout dit quand on a prononcé leur nom.

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