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617. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Tout se passe comme il l’a prévu, et il a la satisfaction de faire accepter l’amnistie étroite : « Duretête fut arrêté peu après, roué et mis en quartiers sur les portes de la ville ; on peut dire que cet homme avait maîtrisé Bordeaux, et, pendant un temps, maintenu le parti des princes. » À son second retour de Bordeaux, Gourville s’arrête en passant à Verteuil, où était M. de La Rochefoucauld, et il le réjouit fort du récit de son bonheur et de ses aventures. […] C’est le gouverneur en personne, M. de Bachelière, qui se présente chez lui : Il vint pour cela à mon appartement, accompagné de quelques gens ; et, ayant trouvé mon laquais à la porte de ma chambre, il lui demanda si j’étais là, et ce que je faisais. […] Très favorable à ce dernier, et nous le montrant par tous ses beaux et grands côtés, il ajoute ingénument : Il m’a paru qu’il était bien aise de s’entretenir avec un petit nombre de gens sur les affaires présentes ; et je ne me présentais jamais à la porte de son cabinet, soit à Versailles, soit à Paris, qu’il ne me fît entrer ou ne me fît dire d’attendre un peu de temps pour finir l’affaire qui l’occupait.

618. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard ait donné une grande place à Descartes, et le jugement qu’il en porte me paraît de tous points excellent. […] Son doute hyperbolique, comme il l’appelle, et qui porte sur les principes mêmes de la connaissance, est un doute extravagant, dont on ne peut plus se débarrasser, quelque effort qu’on fasse : semblable à ce balai enchanté qu’un novice magicien avait dressé à porter de l’eau, mais qu’il ne put désensorceler, et qui finit par l’inonder. […] L’esprit ne se porte pas sur ces deux objets.

619. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Henri Lasserre qui fait porte à ce livre, — porte cochère et même portail ! […] Henri Lasserre porte, à ce qu’il paraît, dans ses sentiments, l’esprit de son pays ; car il est Gascon, et il doit être du département des Landes si j’en juge par la hauteur de ses échasses. […] Henri Lasserre, ce Fâcheux de l’admiration, qui se tient à la porte du livre avec ses grands coups de chapeau, genre de fâcheux que n’avait pas deviné Molière.

620. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Il fait à chacun des généraux la part de critique, et l’une de ses observations (la quatrième) porte sur le mouvement du général Friant sur la plage d’Aboukir : il indique quelques dispositions qu’on aurait dû prendre. […] L’empereur paraît, exact comme toujours, descend les marches du perron de la maison qu’il occupe, se porte au centre et devant le front de la ligne, fait avancer les tambours et placer le général Friant à sa droite.

621. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

D’ailleurs il était si modeste avec son humble volume ; il se montrait si docile aux conseils, si assidu auprès des personnes capables ; enfin il demandait si peu, qu’il obtint tout ; les journaux le louèrent à l’unisson ; c’était sans conséquence ; lui s’insinuait toujours, saluant, visitant, offrant son volume ; un jour, il frappa un petit coup à la porte de l’Académie ; on ne répondît pas ; il se dit : Je repasserai ; mit sa carte dans la serrure, et descendit l’escalier en rougissant. […] Sainte-Beuve sur un petit exemplaire de Lucrèce, qui porte sa signature ; et elle est ancienne.

622. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Comme toute étude d’ailleurs qui porte sur l’histoire, l’éclectisme a sa réalité, indépendante même de la philosophie particulière à laquelle il s’appuie. […] De celui-là, qui échappe pour le moment à l’appréciation littéraire, mais qu’une curiosité respectueuse ne saurait, même à ce seul titre, s’empêcher de suivre en silence et d’observer, il me suffira de dire qu’il a eu cela de particulier et d’original, que, trempé encore plus expressément par la nature pour les luttes et pour les triomphes de l’orateur, il y a de plus en plus aguerri et assoupli sa parole : cette netteté, ce nerf, cette décision de pensée et d’expression qu’il a sans relâche développés et qu’il porte si hautement dans les discussions publiques, toutes ces qualités ardentes et fortes, il semble que ce soit plutôt l’orateur encore qui, chez lui, les communique et les confère ensuite à l’écrivain ; et si l’on pouvait en telle matière traiter un contemporain si présent comme on ferait un grand orateur de l’antiquité, on aurait droit de dire à la lettre que c’est sur le marbre de la tribune, et en y songeant le moins, qu’il a poli, qu’il a aiguisé son style.

623. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Le lendemain, aux bureaux du National, la foule qui circula et s’inscrivit fut immense ; on y remarqua nombre d’ouvriers, Il y avait, sans doute, dans cette démonstration profonde, intérêt amical pour l’homme même, pour l’individu atteint ; il y avait hommage à un talent énergique, infatigable ; quelque chose de ce respect qu’on porte en France à toute belle intelligence que la valeur accompagne, à tout noble front où l’éclair de la pensée s’est rencontré volontiers avec l’éclair d’une épée ; mais il y avait aussi un sentiment dominant de solidarité, d’adhésion à des principes communs, de reconnaissance pour des services rendus, de confiance placée sur une tête forte et rare. […] Carrel circulait dans Paris, une foule considérable, une société brillante, et la majorité de la jeunesse, remplissaient le théâtre de la porte Saint-Martin où l’on allait représenter la Lucrèce Borgia de M. 

624. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Gogol, en effet, paraît se rattacher avant tout à la fidélité des mœurs, à la reproduction du vrai, du naturel, soit dans le temps présent, soit dans un passé historique ; le génie populaire le préoccupe, et quelque part que son regard se porte, il se plaît à le découvrir et à l’étudier4. […] Viardot a rendues avec un relief, avec un cachet de style qui porte en lui la garantie de sa propre fidélité, la plus considérable et la plus intéressante est la première intitulée : Tarass Boulba.

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