Son génie n’étoit nullement propre à la haute Poésie. […] Dans ses Odes héroïques, il manque, de l’aveu de tout le monde, de cette élévation de pensées, de cette chaleur d’expression, de cette vivacité d’images, de cette énergie de tours, qui sont l’ame de la Poésie lyrique. […] La Poésie galante paroissoit être plus du ressort de son génie ; c’est pourquoi son Théatre lyrique réunit tous les suffrages ; & personne, depuis Quinault, n’a mieux saisi le vrai caractere, n’a mieux développé le goût, n’a porté plus loin l’intelligence nécessaire dans cette partie de nos Spectacles. […] Ce Poëte a fait encore des Hymnes & des Cantates, qui prouvent que l’Ecriture Sainte, d’où elles sont tirées, n’a pas été mieux traitée que l’Iliade, & sont de nouveaux motifs pour nous confirmer dans l’idée que le génie de la Mothe n’étoit pas propre à la Poésie sublime. […] Son Discours sur la Poésie en général & sur l’Ode en particulier, ses Réflexions sur la critique, offrent un enchaînement de réflexions judicieuses, instructives, présentées avec grace & d’un ton séduisant dont il faut se défier dans quelques autres de ses Ouvrages, ceux, entre autres, où il veut prouver qu’on peut faire de bonnes Tragédies & de belles Odes en prose, ou détruire la supériorité des Anciens sur les Modernes.
Poésie, tome II, Paris, Imprimerie nationale, Librairie Ollendorff, 1909, p. 357-360. […] Au reste, cet écho intime et secret étant, aux yeux de l’auteur, la poésie même, ce volume, avec quelques nuances nouvelles peut-être et les développements que le temps a amenés, ne fait que continuer ceux qui l’ont précédé. […] La poésie, en supposant que ce soit ici le lieu de prononcer un si grand mot, la poésie est comme Dieu : une et inépuisable. […] Ce résultat, quoique l’auteur de ce livre soit bien peu de chose pour une fonction si haute, il continuera d’y tendre par toutes les voies ouvertes à sa pensée, par le théâtre comme par le livre, par le roman comme par le drame, par l’histoire comme par la poésie.
Les savants disent : Ces deux poèmes furent longtemps des poésies populaires conservées seulement dans la mémoire des conteurs ou chanteurs ambulants de la Grèce. […] L’homme est le miroir pensant de la nature ; tout s’y retrace, tout s’y anime, tout y renaît par la poésie. […] Voilà pourquoi le mot poésie veut dire création. […] Enfin, le sixième élément nécessaire à cette création intérieure et extérieure qu’on appelle poésie, c’est le sentiment musical dans l’oreille des grands poètes, parce que la poésie chante au lieu de parler, et que tout chant a besoin de musique pour le noter, et pour le rendre plus retentissant et plus voluptueux à nos sens et à notre âme. […] La poésie est un cri : nul ne le jette bien retentissant s’il n’a été frappé au cœur.
Qui lui enseigna que la poésie était un art, non pas au sens où la rhétorique aussi est un art, ni comme les arts mécaniques, mais un des beaux-arts ? […] Supprimer la forme dans l’éloquence et dans la poésie, c’était hardi pour un homme qui prétendait se connaître aux arts. […] Quant à la poésie, après avoir condamné la mythologie dans les sujets chrétiens, l’abbé charge à fond sur Homère. […] Ainsi Ronsard devait échouer dans l’ode et dans la grande poésie, non faute de génie, mais parce qu’il venait trop tôt. […] Il y a même des genres de poésie que les Latins n’ont pas connus, comme « ces poèmes en prose que nous appelons romans ».
La Poésie et l’Empirisme1, par Henri Ghéon. […] À chaque grande époque où naît, renaît, s’épanouit la poésie, il semble que les ressources de la langue, images, rhythmes, sons, se présentent vierges devant le poète. […] Ainsi alternent dans l’histoire de la poésie, formisme et création. […] Le Parnasse perdit le sceptre de la poésie. […] Car le jour où refleurira la belle concordance des genres — poésie, roman, drame (et ce que j’ai dit du roman s’appliquait au drame, développement et conclusion) — tous se seront soumis ensemble à l’idée unique, à l’idée suprême de l’Art et de la Beauté.
Les Vignes du Seigneur 10 sont un recueil de poésies, et c’est pour ce livre, le dernier venu dans l’ordre des publications de Charles Monselet, que nous nous montrerons surtout sévère. […] Il faut bien le dire, pour expliquer le peu de poésies qui surnagent sur la grande quantité de vers écrits par des plumes d’un talent à faire illusion, la poésie, en dehors des procédés matériels du rhythme, c’est la force de l’individualité rompant subitement la chaîne des traditions et le fil délié des réminiscences. […] L’âme, en poésie, est inattentive à toute voix qui ressemble à quelqu’un de connu ou qui rappelle quelque chose de senti déjà. […] Mais on n’a pu rien contre le fait de sa haute individualité poétique, et c’est en vertu même de cette haute individualité qu’il a troublé les facultés d’un homme qui a le sentiment très animé de la poésie, mais qui ne l’a pas, ce sentiment, au point de devenir une puissance. […] Tout est semblable à la poésie de Gautier dans la poésie de Monselet.
Poëte dont nous avons peu de Poésies, encore sont-elles toutes médiocres, excepté néanmoins son Eglogue du Rendez-vous, où il s’est montré supérieur à tout ce que MM. de Fontenelle & la Mothe ont fait de meilleur en ce genre. […] Nous ne connoissons, de M. l’Abbé Mangenot, aucun Ouvrage en prose, à moins qu’on ne veuille regarder comme un Ouvrage son Histoire abrégée de la Poésie Françoise, plaisanterie aussi juste qu’agréable, où il seroit difficile de trouver beaucoup de fautes, car elle se réduit à une demi-page. […] Histoire abrégée de la Poésie Françoise. « La Poésie Françoise, sous Ronsard & sous Baïf, étoit un enfant au berceau, dont on ignoroit jusqu’au sexe.
Leconte de Lisle, avec je ne sais quoi de plus ample, de plus chaud et de plus flottant ; un assez long fragment de poésie narrative et descriptive, les Conquérants de l’or, inséré dans le tome second du Parnasse contemporain, contient quelques pages splendides. […] Stuart Merrill Ces Trophées me semblent valoir moins par leur signification de la noblesse d’une âme que par celle d’une bien stérile victoire sur la seule matière de la poésie. […] Comme nous, nous disons : « 1857, l’année de Bovary, des Fleurs du mal, des Poésies barbares, de Fanny », on dira seulement, mais c’est quelque chose : « 1893, l’année des Trophées », et dans un tiers de siècle, j’espère, les nouveaux me permettront de mentir un peu sur ce 1893 et sur cette apparition des Trophées, avec la grâce délicate que les jeunes gens ont tant raison de garder au bon chroniqueur devenu mûr et qui se souvient tout haut. […] [Évolution de la poésie lyrique (1894).] […] Les sociétés savantes des départements lui ont fourni, plusieurs fois, des motifs de poésie : souvent une planche d’archéologie entrevue dans une bibliothèque, un pan de mur, une statue cassée qui git dans l’herbe, un fragment de stèle, une guirlande de palmettes qui court sur une frise, se fixent dans son esprit, l’accompagnent partout, à pied et à cheval, en voiture et en omnibus, au théâtre et dans le monde.