La phrase de Maupassant, d’une harmonie pleine et d’un dessin arrêté, n’est pas musicale. […] Et moi aussi peut-être, mon habileté irait-elle jusqu’à copier quelqu’une des longues phrases de M. […] Une phrase courte et saccadée. […] Sa phrase est alerte, débarrassée de toute entrave, libre de tout ornement factice. […] La parole jaillit abondante en des phrases larges, sonores et imagées.
Il lui prête des gestes ridicules, des phrases pompeuses, une hypocrisie transparente, grossière et bruyante. […] Alcide de Mirobolan, cuisinier français, artiste en sauces, qui déclare sa flamme à miss Blanche au moyen de tartes symboliques, et se croit un gentleman ; Mme la majoresse O’Dowd, sorte de grenadier en bonnet, la plus pompeuse et la plus bavarde des Irlandaises, occupée à régenter le régiment et à marier bon gré mal gré les célibataires ; miss Briggs, vieille dame de compagnie, née pour recevoir des affronts, faire des phrases et verser des larmes ; le Docteur, qui prouve à ses élèves mauvais latinistes que l’habitude des barbarismes conduit à l’échafaud. […] Elle parle au jeune homme du beau temps qu’il fait et du poudding qu’elle vient de préparer : Pendennis découvre dans ces deux phrases une profondeur d’intelligence étonnante et une majesté d’abnégation surhumaine. […] » Cette phrase est une imprudence peu naturelle dans une personne si réfléchie, et que l’auteur ajoute au rôle pour rendre le rôle odieux. […] Il peint leurs habits, leur ménage, leur conversation, comme Walter Scott lui-même, et, ce que Walter Scott ne sait pas faire, il imite leur style, tellement qu’on s’y trompe, et que plusieurs de leurs phrases authentiques intercalées dans son texte ne s’en distinguent pas.
Lundi 5 mars Une juive répondait à une dame de sa connaissance l’avertissant d’une liaison de son mari avec son amie intime : « Non, je ne crois pas que mon mari coure, mais s’il court, j’aime mieux que ce soit avec mon amie. » La juive se révélait dans cette phrase. […] — Vous savez, lui jetait Raffaëlli, en se dégageant, il y a un moyen très simple de maigrir, c’est de ne pas boire en mangeant. » À déjeuner, le lendemain, la phrase de Raffaëlli lui revenant, il se mettait à dire : « Tiens, si je ne buvais pas ! […] Songe-t-on, qu’à la veille de l’anniversaire de 89, un directeur de théâtre est obligé de batailler avec la commission de la censure, un gros quart d’heure, pour garder cette phrase de son auteur : « Je suis prête d’accoucher. […] Aux tableaux qui suivent, ça devient une véritable bataille, au milieu de laquelle, sur la phrase de Mlle de Varandeuil : « Ah ! […] Oui, Monsieur, vous ne semblez pas vous douter, mais pas vous douter du tout, que dans la scène de l’apport de l’argent, dans la scène du bas de la rue des Martyrs, il y a sous le dire de l’admirable Mlle Réjane, une langue qui, par sa concision, sa brièveté, le rejet de la phrase du livre, l’emploi de la parole parlée, la trouvaille de mots remuants, enfin un style théâtral qui fait de ces tirades, des choses plus dramatiques, que des tirades, où il y aurait sous la voix de l’actrice, de la prose de d’Ennery ou de Bouchardy.
Au milieu du dîner Bauër confesse le journaliste, dans cette phrase : « Quand j’ai un article, où je ne sais que dire, j’écris mes deux cents lignes… mais, quand j’ai un article que je sens, que j’ai dans les nerfs, je n’accouche jamais de plus de cent lignes. » Lundi 4 mai Exposition de Carrière chez Boussod et Valadon. […] Et c’est une succession de phrases transcendantales « que le péché n’est pas, comme on l’a dit bêtement, la copulation, mais la distraction de l’individu de l’harmonie universelle… que le moi, le moi est tout à fait méprisable, vu que c’est une victime de la subjectivité de l’être, en un monde illusoire… qu’il craint d’être empoigné, comme par une pieuvre, par la subtilité des causes occultes… qu’il s’est fait un changement en lui, que les formes littéraires ne sont rien, qu’il donnerait tout ce qu’il a écrit pour une page de Normand… » Enfin il se lève pour prendre congé, me disant qu’il aimerait bien à se retrouver avec moi, là-haut, que ce serait surtout agréable de se rencontrer dans Sirius, la planète à la blancheur incandescente. […] Quant à sa conversation, sauf un peu de maniérisme dans l’expression, elle est pleine d’observations aiguës, de remarques délicates, d’aperçus originaux, de trouvailles de jolies phrases, et que souvent il termine, il achève par des sourires de l’œil, par des gestes nerveux du bout des doigts. […] C’est l’occasion pour Zola de répéter sa phrase : « Qu’est-ce que ça fait les éreintements ? […] Le jeune homme, sans aucun amour pour elle, sans occupation dans sa vie, a l’idée, avec l’assentiment du mari, d’en faire quelque chose, de lui apprendre à lire, de lui donner quelque instruction, et là dans l’éclaircie de son intelligence, il songe à placer la phrase qu’il a entendu dire à la mère de Mistral, après une lecture de son fils : « Je n’ai pas tout compris, mais j’y ai vu une étoile. » Là-dessus arrive passer une semaine chez lui, une ancienne maîtresse, une actrice de boui-boui qui fait éclater la jalousie de la femme du garde de marais, qui aime inconsciemment, et un jour se refuse à préparer les plats du Nord que veut manger l’autre.
On peut se donner l’agrément, et j’y invite, de lire dans Trilby, dès la troisième ou quatrième page, une certaine phrase infinie qui commence par ces mots : « Quand Jeannie, de retour du lac… » Jamais ruban soyeux fut-il plus flexueusement dévidé, jamais soupir de lutin plus amoureusement filé, jamais fil blanc de bonne Vierge plus incroyablement affiné et allongé sous les doigts d’une reine Mab ? […] quand on est destiné à écrire cette phrase-là, ou celles encore de la magique danse des castagnettes dans Inès de las Sierras, on éprouve trop de dédommagement secret à décrire même ses erreurs, même ses désespoirs, pour ne pas devoir leur échapper bientôt et leur survivre. Nodier écrivain, s’il faut le définir, c’est proprement un Arioste de la phrase. […] Peu m’importe que la pensée Qui s’égare en objets divers, Dans une phrase cadencée Soumette sa marche pressée Aux règles faciles des vers ; Ou que la prose journalière, Avec moins d’étude et d’apprêts, L’enlace, vive et familière, Comme les bras d’un jeune lierre Un orme géant des forêts ; Si la manière en est bannie Et qu’un sens toujours de saison S’y déploie avec harmonie, Sans prêter les droits du génie Aux débauches de la raison.
Quand donc cesserons-nous d’être de lourds scolastiques et d’exiger sur Dieu, sur l’âme, sur la morale, des petits bouts de phrases à la façon de la géométrie ? Je suppose ces phrases aussi exactes que possible, elles seraient fausses, radicalement fausses, par leur absurde tentative de définir, de limiter l’infini. […] Mais il y a une position intellectuelle, susceptible d’être exprimée en un livre, non en une phrase, qui est à elle seule une religion ; il y a une façon religieuse de prendre les choses, et cette façon est la mienne. […] Je suis persuadé que, si les esprits cultivés par la science rationnelle s’interrogeaient eux-mêmes, ils trouveraient que, sans formuler aucune proposition susceptible d’être mise en une phrase, ils ont des vues suffisamment arrêtées sur les choses vitales, et que ces vues, diversement exprimées pour chacun, reviennent à peu près au même.
Mignet avec nombre, avec aisance, avec complaisance, en marquant chaque mot, en balançant chaque membre de phrase, et de manière à séduire un auditoire élégant, où le plus grand nombre (sans lui faire injure) ne savait pas très bien la différence qu’il y a entre la métaphysique et la psychologie. […] Il garde pourtant une certaine monotonie d’ensemble, et l’on croit reconnaître dans la forme de ses phrases, comme dans celle de ses pensées, un certain moule favori dont il ne se prive pas aisément.
Vers le temps où Monseigneur prend cette résolution, on remarque chez Dangeau une phrase qui revient presque constamment chaque jour, par exemple : « Monseigneur se promena à pied dans les jardins avec Mme la princesse de Conti et les filles. — Mme la Dauphine passa l’après-dînée chez Mlle Bezzola ; elle y va les jours que Mlle Bezzola n’a point eu la fièvre. » Mlle Bezzola était une femme que la Dauphine avait amenée d’Allemagne, son intime confidente, et à laquelle elle était très attachée. […] Dangeau, qui est menin de Monseigneur d’une part, et qui, de l’autre, est chevalier d’honneur de Mme la Dauphine, se garde bien d’écrire de ces crudités-là, il n’écrit que ce que tout le monde a vu et peut lire : mais son narré même, en ces endroits, devient malin à force de réticence et de fidélité, et cette phrase qui termine tant de journées comme une ritournelle : « Mme la Dauphine passa l’après-dînée chez Mlle Bezzola », pourrait sembler un refrain de couplet satirique.