Mais aussitôt les autorités constituées et le peuple ameuté par elles le traitent en ennemi public, et il succombe sous ces pharisaïsmes et ces égoïsmes ligués ensemble. […] Et ainsi nous aboutissons à ce truisme que les différences des littératures se rattachent aux différences profondes des peuples. […] Nous aimons aimer ; nous sommes peut-être le seul peuple qui soit porté à préférer les autres à soi. […] Tantôt, nous avons emprunté aux autres peuples, et nous avons imprimé à ce que nous tenions d’eux un caractère européen : tels les emprunts de Corneille ou de Lesage aux Espagnols. […] Chaque peuple leur impose sa forme, et chacune de ces formes semble successivement la plus originale et la meilleure.
L’instinct de la patrie qui enchaîne l’homme au sol natal et l’instinct du départ ou de la migration alternaient et se balançaient inégalement selon les peuples et les races. Encore aujourd’hui, on distingue au premier abord les peuples qui aiment à voyager de ceux qui se plaisent chez eux sans avoir le besoin d’en sortir. […] Duveyrier entre ici dans un détail des plus intéressants au sujet des centres rivaux d’influence qui se partagent ces peuples d’origine diverse, mais tous musulmans de religion. […] Les Touareg sont une fraction d’un des plus anciens peuples de l’Afrique, antérieur aux Arabes ; ils ont résisté longtemps à la religion de Mahomet. […] Les Berbères, dont ils font partie, sont un très ancien peuple qui a éprouvé de grandes fluctuations et qui s’est vu porté tantôt à l’ouest et au sud de l’Afrique, tantôt du sud au nord-est.
Le coup d’État qui vint peu après, acheva de me rattacher à la Revue des Deux Mondes et au Journal des Débats, en me dégoûtant du peuple, que j’avais vu, le 2 Décembre, accueillir d’un air narquois les signes de deuil des bons citoyens. […] Vers 1700, Newton avait atteint des vues sur le système du monde infiniment supérieures à tout ce qu’on avait pensé avant lui, sans que ces incomparables découvertes eussent le moins du monde influé sur l’éducation du peuple. […] Notre vraie raison de défendre l’instruction primaire, c’est qu’un peuple sans instruction est fanatique et qu’un peuple fanatique crée toujours un danger à la science, les gouvernements ayant l’habitude, au nom des croyances de la foule et de prétendus pères de famille, d’imposer à la liberté de l’esprit des gênes insupportables. […] Mieux vaut un peuple immoral qu’un peuple fanatique ; car les masses immorales ne sont pas gênantes, tandis que les masses fanatiques abêtissent le monde, et un monde condamné à la bêtise n’a plus de raison pour que je m’y intéresse ; j’aime autant le voir mourir.
On a beaucoup parlé dans notre siècle de la transmission héréditaire de certains caractères qui se fait dans un peuple de génération à génération. […] Il est convenu en notre siècle que le peuple de France est mutin, remuant, indocile, incapable du calme et de la sagesse pratique que montrent ses voisins d’outre-Manche. […] Et pourtant, de 1660 à 1750, lorsqu’on voulait citer aux Anglais rebelles et agités le modèle d’un peuple soumis et tranquille, on venait le chercher de ce côté-ci du détroit. […] Un peuple a non seulement ses maladies comme un individu ; mais sa constitution, suivant la manière dont il vit, peut se modifier de façon profonde. […] § 3. — La littérature à son tour réagit sur la santé physique d’un peuple.
« D’où vient que tu montes ainsi en foule sur les toits, « Ville pleine de tumulte, ville pleine de peuple, ville triomphante ? […] Mes jours ont été courts et mauvais, et ils n’ont point égalé ceux de mes pères120. » Voilà deux sortes d’antiquités bien différentes : l’une est en images, l’autre en sentiments ; l’une réveille des idées riantes, l’autre des pensées tristes ; l’une, représentant le chef d’un peuple, ne montre le vieillard que relativement à une position de la vie ; l’autre le considère individuellement et tout entier : en général, Homère fait plus réfléchir sur les hommes, et la Bible sur l’homme. […] Je mourrai où vous mourrez ; votre peuple sera mon peuple, et votre Dieu sera mon Dieu122. » Tâchons de traduire ce verset en langue homérique : « La belle Ruth répondit à la sage Noëmi, honorée des peuples comme une déesse : Cessez de vous opposer à ce qu’une divinité m’inspire ; je vous dirai la vérité telle que je la sais et sans déguisement. […] Je demanderai avec vous l’hospitalité aux peuples qui respectent les suppliants.
Ainsi le poëme qui a plû à tous les siecles et à tous les peuples passez est réellement digne de plaire, nonobstant les défauts qu’on y peut remarquer, et par consequent il doit plaire toujours à ceux qui l’entendront dans sa langue. […] Ces peuples si differens les uns des autres par la langue, par la religion et par les moeurs, se sont réunis dans le sentiment de veneration pour Virgile, dès qu’ils ont commencé à se polir, dès qu’ils ont été capables de l’entendre. […] Dès que les peuples septentrionnaux ont eu des établissemens sur le territoire de l’empire romain, dès qu’ils ont sçu le latin, ils ont pris pour Virgile le même goût que les compatriotes de cet aimable poëte avoient toujours eu pour lui. […] Depuis l’établissement des nouveaux peuples qui habitent aujourd’hui l’Europe, aucune nation n’a préferé aux ouvrages de ces poëtes anciens, les poëmes composez en sa propre langue. […] Or c’est sur la foi de cette démonstration que les peuples se sont entêtez de Virgile et de quelques autres poëtes.
Léopold savait se mouvoir avec une rare souplesse dans cette forme de gouvernement imposée aux rois par la défiance des peuples, et qui lie toujours plus ou moins les bras à la Royauté, en attendant qu’elle l’étrangle… L’honneur historique de Léopold sera d’avoir dégagé sa personnalité de roi d’un système qui ne tend qu’à l’effacer, quand on en a une. […] À Rome comme en Europe, partout, parmi les Cabinets comme parmi les peuples, on eut conscience — une conscience rapide — de la valeur inquiétante pour les uns, rassurante pour les autres, d’un Pape qui différait de Pie IX, auquel il succédait, par des qualités d’un autre ordre, Pie IX avait été glorieusement le non possumus de l’Église, souffrante et persécutée, mais indéfectiblement et éternellement l’Église ; Léon XIII serait-il davantage ? […] Mais leur illusion ne sera pas longue… Dans leur ardente préoccupation contre l’Église, qu’il faut, disent-ils, effacer des institutions humaines, et d’autant plus qu’elle s’est vantée d’être immortelle et qu’il est bon de lui prouver qu’elle ne l’est pas, ni les gouvernements, ni les peuples, ne voient présentement l’horrible danger qui les menace. […] Quant à l’Italie en particulier, la maison de Savoie doit sentir maintenant sous son pied envahisseur bouillonner la République qui emportera sa royauté un de ces matins dans les flots du pétrole allumé si facilement par les peuples qui ne croient plus qu’à cet enfer-là, et qui en disposent. […] … L’auteur de la biographie de Léon XIII, de celui-là que les Romains appellent le Cunctator, est trop chrétien, lui, pour admettre la mort, même historique, de l’Église, dans l’écroulement de ces misérables monarchies qui n’ont plus ni rois ni peuples, et il n’hésite pas devant l’hypothèse de la Papauté acceptant, en ces derniers temps, la fatalité des républiques.
Le peuple romain, comme dit Horace, et post punic… etc. . […] Les guerres qui se faisoient alors en Grece, ressembloient à celles qui se sont faites si souvent sur les frontieres du païs-bas espagnol ; c’est-à-dire, à des guerres où le peuple court le risque d’être conquis, mais non pas d’être fait esclave et de perdre la proprieté de ses biens ; et où il n’est pas exposé aux malheurs qui lui arrivent dans les guerres qui se font encore entre les turcs et les chrétiens. […] La societé étoit alors partagée en maîtres et en esclaves, qui la servoient bien mieux qu’elle ne peut être servie par un menu peuple mal élevé, qui ne travaille que par necessité, et qui se trouve encore dépourvû des choses dont il auroit besoin pour travailler avec utilité, lorsqu’il est réduit à travailler. […] Les occasions de recevoir des applaudissemens et des distinctions devant un grand peuple, étoient encore très-fréquentes dans la Grece. Comme nous voïons présentement qu’il se forme de temps en temps des congrès où les représentans des rois et des peuples qui composent la societé des nations, s’assemblent pour terminer des guerres et pour regler la destinée des états ; de même il se formoit alors de temps en temps des assemblées, où ce qu’il y avoit de plus illustre dans la Grece, se rendoit pour juger quel étoit le plus grand peintre, le poëte le plus touchant et le meilleur athlete.