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1326. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Si vous en exceptez les ecclésiastiques du pays, qui sont, comme partout ailleurs et peut-être encore plus qu’ailleurs, pleins de haine et de fureur contre les gens qui ne professent pas leurs sentiments, vous trouverez les Persans fort humains et fort justes sur la religion, jusque-là qu’ils permettent aux gens qui ont embrassé la leur de la quitter et de reprendre celle qu’ils professaient auparavant ; de quoi le cèdre ou pontife leur donne un acte authentique pour leur sûreté, dans lequel ces sortes de convertis sont appelés molhoud 8, c’est-à-dire apostat, mot qui parmi eux est la plus grande injure. […] Je n’attribue pas cela au principe de leur religion, quoiqu’elle permette toute sorte de culte religieux, mais je l’attribue aux mœurs douces de ce peuple, qui sont naturellement opposées à la contestation et à la cruauté. […] Le prince et toute la cour firent mille efforts pour les ajuster ; mais cela ne s’étant pu faire, on leur permit de vider leur différend par les armes. C’est une coutume en Géorgie que, quand la justice ne saurait éclaircir une querelle entre des gentilshommes, ni l’ajuster, on leur permet de se battre en champ clos. […] Le nazir, ou grand intendant de la maison du roi, est contrôleur du trésor ; il doit savoir tout ce qui y entre et tout ce qui en sort ; mais il ne lui est pas permis de mettre le pied dans les diverses salles où il est réservé.

1327. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Doit-on induire de cela que le retentissement d’une œuvre, que la notoriété, voire le succès de librairie, sont le signe d’un grand esprit et nous permettent de reconnaître un chef-d’œuvre ? […] * *   * Je voudrais dire, d’abord, l’enfance de Zola ; elle nous permettra de mieux comprendre l’homme, et comprenant mieux l’homme, de nous faire une idée plus exacte de son œuvre totale. […] « Manger, boire et le reste, a-t-on dit, il ne se passe pas autre chose dans la Terre ou dans l’Assommoir. » Mais les personnes qui se permirent cette constatation, d’ailleurs fausse, semblent trop oublier l’objectif principal et les intentions premières du romancier. […] N’est-il pas permis aux personnages de comédie d’être sensibles aux ardeurs de la chair, aux profondes impulsions du sang, d’avoir soif et d’avoir faim, comme tous les hommes de la ville ou de la campagne. […] Notre conscience ne nous a pas permis d’hésiter un seul instant, nous vous haïssons, et nous vous disons : Vous êtes le Grand Mensonge !

1328. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Qu’il me soit permis de répondre brièvement à ces graves reproches. […] Qu’on veuille bien ne point s’irriter de la forme affirmative qui m’est habituelle et qui me permettra la concision et la netteté. […] Mon sincère respect pour certaines parties de l’œuvre de M. de Lamartine, et la certitude où je suis de ne méconnaître aucune de ses remarquables facultés, me permettraient une franchise entière, même dans l’hypothèse toute gratuite que j’eusse le dessein d’être moins sincère que prudent. […] N’a-t-il pas été toujours permis aux poètes tragiques d’emprunter à l’histoire de larges cadres où leur inspiration personnelle pût se déployer librement ? […] De telles œuvres, messieurs, toujours lues et toujours admirées, quelque permises que soient certaines réserves respectueuses, consolent, s’il est possible, de l’épidémie qui sévit de nos jours sur une portion de notre littérature et contamine les dernières années d’un siècle qui s’ouvrait avec tant d’éclat et proclamait si ardemment son amour du beau ; alors que d’illustres poètes, d’éloquents et profonds romanciers, de puissants auteurs dramatiques, auxquels je ne saurais oublier de rendre l’hommage qui leur est dû, secondaient l’activité glorieuse de Victor Hugo.

1329. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Mais s’il n’y a rien de plus juste, ils feraient bien de considérer qu’un système de pénalités, quelle qu’en soit la force, ne suffira jamais à sauver les nations : vint nullarn pœnarum futuram tantam qitæ conservare respublicas sola possit . « La crainte, comme l’enseigne excellemment saint Thomas, est un fondement infirme. » Vienne l’occasion qui permet d’espérer l’impunité, ceux que la crainte seule a soumis se soulèveront avec d’autant plus de passion contre leurs chefs que la terreur les avait jusque-là contenus avec plus de violence. […] Et si d’ailleurs il ne l’atteignait pas, si cette Providence, dont il ne se regarde que comme l’instrument, ne lui permettait pas de l’atteindre, il n’en aurait pas moins l’impérissable honneur de se l’être à lui-même marqué. […] Supposé d’ailleurs que le progrès social fût au prix d’un sacrifice passager, qui ne coûterait rien à notre indépendance non plus qu’à notre dignité, mais seulement quelque chose à notre vanité, l’hésitation ne serait pas permise. […] Il est permis de trouver là-dessus qu’avant de les célébrer, encore faut-il savoir si l’on entend les célébrer « en bloc » ; et voilà pour M.  […] … » III « Monsieur, « Vous faites appel aux hommes de bonne volonté : permettez à l’un d’entre eux de vous dire pourquoi il donnera son concours à ceux qui, par tous les moyens légitimes, — c’est mon correspondant qui souligne, — combattront le concordat philosophique que, nouveau Bonaparte, vous êtes allé signer à Rome au nom de la pensée française (en admettant qu’elle tienne dans le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes)… » J’arrête ici la citation, dont on devine aisément la suite, mais je ne puis me priver du plaisir d’en signaler un bien curieux détail.

1330. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Toutes ces images agissent et réagissent les unes sur les autres dans toutes leurs parties élémentaires selon des lois constantes, que j’appelle les lois de la nature, et comme la science parfaite de ces lois permettrait sans doute de calculer et de prévoir ce qui se passera dans chacune de ces images, l’avenir des images doit être contenu dans leur présent et n’y rien ajouter de nouveau. […] Mais ce que je vois très bien, c’est que ces cellules des diverses régions dites sensorielles de l’écorce, cellules interposées entre les arborisations terminales des fibres centripètes et les cellules motrices de la zone rolandique, permettent à l’ébranlement reçu de gagner à volonté tel ou tel mécanisme moteur de la moelle épinière et de choisir ainsi son effet. […] La part d’indépendance dont un être vivant dispose, ou, comme nous dirons, la zone d’indétermination qui entoure son activité, permet donc d’évaluer a priori le nombre et l’éloignement des choses avec lesquelles il est en rapport. […] Il faut donc bien qu’il y ait, dans cette affection même, quelque chose qui la distingue des autres affections du même genre et permette de la rattacher à telle donnée possible de la vue ou du toucher plutôt qu’à toute autre. […] Si la perception pure, en nous fournissant des indications sur la nature de la matière, doit nous permettre de prendre position entre le réalisme et l’idéalisme, la mémoire pure, en nous ouvrant une perspective sur ce qu’on appelle l’esprit, devra de son côté départager ces deux autres doctrines, matérialisme et spiritualisme.

1331. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Il aurait voulu se dérober à cette tâche de société, qu’on ne le lui aurait pas permis. — « M.  […] Après plusieurs jours de mauvais temps, et lorsqu’un rayon de soleil permet la promenade, il s’échappe volontiers et va chercher, ne fût-ce que dans quelque cloître, un lieu propice à la réflexion et à un paisible entretien. […] le velours et la soie, Saint-Simon ajoute : Le dedans était tout autre que le dehors ; c’était un très bon homme, doux, sociable, serviable, et qui s’en faisait un plaisir ; qui aimait la règle et l’équité, autant que les besoins et les lois financières le pouvaient permettre ; et au fond honnête homme, fort instruit dans son métier de magistrature et dans celui de finance, avec beaucoup d’esprit, et d’un esprit accort, gai, agréable.

1332. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

En un mot, il était bien des rêves ardents, prolongés, que son sourire ne permettait plus à son front. […] Cet article sur De Vigny demande plus d’une explication et non-seulement permet, mais exige un commentaire. il a eu, en effet, cette rare fortune d’être contesté et refuté par l’auteur lui-même. […] Et, en effet, dussé-je me montrer encore une fois sacrilége et au risque de profaner le fruit d’or en voulant y chercher l’amande, je dirai que, si la pensée de M. de Vigny est souvent élevée et grande, son développement est presque toujours précieux, à tel point que plusieurs des pièces esquissées dans ses albums sont certainement plus belles à l’état de projet qu’elles ne l’eussent été après exécution ; elles laissent d’elles une plus grande idée. — Je reviens à la lettre interrompue : je saute des lignes, des phrases élogieuses, et le donne ce qui revient à mon propos, lequel est encore une fois de montrer qu’en me permettant d’essayer de juger M. de Vigny et sa manière, je n’étais point tout à fait sans le connaître (autant du moins qu’il pouvait être connu) et sans avoir été initié et introduit de longue main par lui-même au sanctuaire de sa pensée, si riche en dédales et en mystères.

1333. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

M. de La Rochefoucauld lui-même, il est permis de le conjecturer, en adoucit sur la fin et en corrigea tout bas certaines conclusions trop absolues ; durant le cours de sa liaison délicate et constante avec Mme de La Fayette, on peut dire qu’il sembla souvent les abjurer, au moins en pratique ; et cette noble amie eut quelque droit de se féliciter d’avoir réformé, ou tout simplement d’avoir réjoui son cœur. […] Il est fort bien disposé pour sa conscience ; voilà qui est fait… Croyez-moi, ma fille, ce n’est pas inutilement qu’il a fait des réflexions toute sa vie ; il s’est approché de telle sorte de ses derniers moments, qu’ils n’ont rien de nouveau ni d’étranger pour lui. » Il est permis de conclure de ces paroles, ajoute M. […] Cet article sur La Rochefoucauld (s’il m’est permis de le faire remarquer aujourd’hui) indique une date et un temps, un retour décisif dans ma vie intellectuelle.

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