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594. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

» Ses compagnons épars, groupés sur le navire, Ne parlent point entre eux de foi ni de martyre, Ni des prodiges saints par la croix opérés, Ni des péchés remis dans les lieux consacrés, D’un plus fier évangile apôtres plus farouches, Des mots retentissants résonnent sur leurs bouches : Gloire, honneur, liberté, grandeur, droits des humains, Mort aux tyrans sacrés égorgés par leurs mains, Mépris des préjugés sous qui rampe la terre, Secours aux opprimés, vengeance, et surtout guerre ; Ils vont, suivant partout l’errante Liberté, Répondre en Orient au cri qu’elle a jeté ; Briser les fers usés que la Grèce assoupie Agite, en s’éveillant, sur une race impie ; Et voir dans ses sillons, inondés de leur sang, Sortir d’un peuple mort un peuple renaissant. […] Par le siècle emporté tout marche, ailleurs, partout ! […] tu souris au barbare insolent ; Tu lui vends les rayons de ton astre qu’il aime ; Avec un lâche orgueil, tu lui montres toi-même Ton sol partout empreint de tes nombreux héros, Ces vieux murs où leurs noms roulent en vains échos, Ces marbres mutilés par le fer du barbare, Ces bustes avec qui son orgueil te compare, Et de ces champs féconds les trésors superflus, Et ce ciel qui t’éclaire et ne te connaît plus ! […] Irréligieux jusqu’au scepticisme, fanatique de révolutions, misanthrope jusqu’au mépris le moins déguisé pour l’espèce humaine, paradoxal jusqu’à l’absurde, Childe Harold est partout et toujours, dans ce cinquième chant, le contraste le plus prononcé avec les idées, les opinions, les affections, les sentiments de l’auteur français ; et peut être M. de Lamartine pourrait-il affirmer avec vérité qu’il n’y a pas dans tout ce poème quatre vers qui soient pour lui l’expression d’un sentiment personnel.

595. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Comme tout ce qui vient de l’âme, la poésie des Stances et des Vaines tendresses est un peu triste, très douce, toute de nuances, et pour ainsi dire voilée à la façon d’un paysage les jours de brume : — brume légère, il est vrai, où l’on voit filtrer partout la lumière des grands cieux clairs. […] … J’avais bien remarqué que son humble regard Tremblait d’être heurté par un regard qui brille, Qu’elle n’allait jamais près d’une jeune fille, Et ne levait les yeux que devant un vieillard242… Seulement Coppée a trop souvent pensé que, pour trouver le vrai, — à notre époque on le cherche beaucoup, — il suffisait de découvrir et de reproduire le fond effacé et journalier de la vie, en un mot sa banalité ; c’est un peu comme un musicien qui ne donnerait guère d’un air que l’accompagnement, ou un peintre qui s’appliquerait à n’éclairer son tableau que d’une lumière partout unie. […] Une simplicité un peu affectée et un naturel un peu artificiel n’empêchent point le poète d’égrener partout sur son chemin, avec sa fantaisie, les plus jolis vers : Le sourire survit au bonheur. […] « Je doute, dit-il encore dans sa préface, que beaucoup de gens aient le courage suivre, anneau par anneau, la chaîne logique de ces poèmes, pour arriver aux implacables conclusions qui en sont la fin nécessaire… J’ai préféré mener mes prémisses à leurs conclusions… Partout où se cachait l’idée de Dieu, j’allais vers elle pour la tuer.

596. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

X Si nous parcourions ainsi successivement tous les phénomènes du monde visible ou du monde social, nous trouverions partout des éléments sans nombre de poésie cachés aux profanes dans toute la nature, comme le feu dans le caillou. […] Nous trouverions partout que c’est l’émotion qui est la mesure de la poésie dans l’homme ; que l’amour est plus poétique que l’indifférence ; que la douleur est plus poétique que le bonheur ; que la piété est plus poétique que l’athéisme ; que la vérité est plus poétique que le mensonge ; et qu’enfin la vertu, soit que vous la considériez dans l’homme public qui se dévoue à sa patrie, soit que vous la considériez dans l’homme privé qui se dévoue à sa famille, soit que vous la considériez dans l’humble femme qui se fait servante des hospices du pauvre et qui se dévoue à Dieu dans l’être souffrant, vous trouveriez partout, disons-nous, que la vertu est plus poétique que l’égoïsme ou le vice, parce que la vertu est au fond la plus forte comme la plus divine des émotions. […] La morale de ces grands poèmes symboliques et sacrés de l’Inde primitive est donc aussi divine que la poésie en est sublime ; il en découle partout une onction qui n’attendrit pas seulement l’imagination, mais qui édifie le cœur.

597. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Il voit partout les châtiments provoqués par des fautes, et, loin de s’étonner de l’avènement de la révolution, il explique pourquoi elle arrive. […] Mais le chef de l’Église garde le silence ; mais les premiers pasteurs rejettent unanimement ces innovations ; mais les pasteurs secondaires, unis partout à leurs évêques, annoncent la plus invincible résistance. […] M. de Bonald, continuant à s’élever d’analogie en analogie, de sphère en sphère, selon sa coutume, arrive ainsi jusqu’à la formule suivante : « Dieu, le Verbe et le monde », en rencontrant partout, soit qu’il monte, soit qu’il descende, l’image ineffable de la Trinité. […] Sa correspondance nous révèle l’homme que ses livres nous avaient caché ; il exprime partout, dans ses lettres, le vide profond que laisse dans son âme l’absence de sa famille. […] Le goût des choses intellectuelles, des jouissances littéraires, était partout ; à la presse et à la tribune était échue la mission d’intéresser la France.

598. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Mais quand tout l’univers se matérialiserait, quand partout la philosophie et la liberté seraient en disgrâce, il est cependant un lieu qui devrait rester inaccessible à de semblables lassitudes, et où il faudrait conserver le feu sacré : « Ce lieu est l’enceinte de l’Institut, qui est comme le sanctuaire de l’esprit humain. » Et presque comme exemple aussitôt, comme preuve de cette force inviolable de la pensée, M.  […] Dans le dernier discours sur Jouffroy, il me semble avoir sacrifié plus que d’ordinaire à la mise en scène ; il y a mêlé un but étranger au sujet même qu’il étudiait ; il a voilé en un sens et drapé son personnage ; il a pris parti, plus finement qu’il ne convient, pour la malice et la rancune des grands sophistes et des grands rhéteurs dont l’histoire sera un jour l’un des curieux chapitres de notre temps, intolérants et ligués comme les encyclopédistes, jaloux de dominer partout où ils sont, et qui, depuis que l’influence décidément leur échappe, s’agitent en tous sens pour prouver que le monde ne peut qu’aller de mal en pis.

599. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Froissart à Valenciennes, Joinville en Champagne, le roi René à Angers, Du Cange à Amiens, Bossuet à Dijon, ce ne sont partout qu’inaugurations patriotiques et pieuses, et images ressuscitées de grands hommes. […] Duchange, adopter l’opinion commune et la tradition sur la mort de l’abbé Prévost, attribuée à la promptitude d’un chirurgien ignorant ; d’autre part, dans le discours qu’il a prononcé, M. le docteur Danvin a dit : Il existe, sur la fin de l’abbé Prévost, une histoire lugubre que l’on rencontre reproduite partout : on rapporte que, trouvé sur un grand chemin dans un état de mort apparente, il aurait été, de son vivant, soumis à l’autopsie, et aurait pu rouvrir les yeux pour voir le misérable état où il était.

600. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Cependant, poussé avant tout par l’instinct de voyageur, et de voyageur de montagnes, il commença de bonne heure à parcourir l’Alsace et les Vosges, associant partout les souvenirs de l’histoire aux impressions de la nature. […] Ce d’Olban, qui erre déguisé sous le nom de Sinval, coupable d’un meurtre dans un duel, amoureux d’une jeune fille et, sans le vouloir, aimé d’une autre, quand il voit qu’il a perdu à jamais celle qu’il aime et qu’il porte partout avec lui le trouble et le désespoir, recourt très vite à ses pistolets et se tue sur les ruines d’un vieux château, à la pointe d’un rocher.

601. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

J’avoue que le Dante ne me plaît qu’en peu d’endroits et me fatigue partout. […] Pope, s’entretenant avec ses amis, racontait combien de cruels moments il avait passés dans les premiers temps qu’il avait entrepris de traduire Homère : il se sentait effrayé de son engagement ; c’était une inquiétude qui le poursuivait partout, c’était pour lui un cauchemar dont il aurait désiré qu’on le délivrât, disait-il, même au prix de la vie.

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