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20. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Idée chimérique et fausse, et risible même, qui n’est pas, elle, éveillée, comme le monde selon Pichat, de ce matin, puisqu’elle traîne partout dans tous les livres modernes, où, fat pour le compte de son temps, Pichat l’a ramassée. […] Certainement, il n’y a pas partout de la poésie, en ces Réveils, mais enfin il y en a assez pour faire mesurer ce qu’il y en aurait si l’auteur s’était abandonné à sa nature, et n’avait pas versé dans des idées et des doctrines qui rongent et diminuent les poètes, mais qui ne sont pas de force à complètement les supprimer ! […] … Dans un des plus longs poèmes du recueil de Laurent Pichat, intitulé : Saint-Marc (le Saint-Marc de Venise), où se trouve, plus que partout ailleurs, cette idée qui, au fond, est la seule du livre : c’est que le monde entier, l’Antiquité, le Christianisme, le Moyen Age, toutes les religions, toute l’Histoire enfin, jusqu’à ce moment, ne sont plus qu’une pincée de poussière, un songe évanoui, évaporé, perdu, et qu’il n’en subsiste ni un sentiment, ni une croyance, ni une vérité, tandis que le xixe  siècle seul est la vie ! […] Il lui faut son roman partout, sa songerie.

21. (1842) Discours sur l’esprit positif

Il ne saurait exister aucune astronomie chez une espèce aveugle, quelque intelligente qu’on la supposât, ni envers des astres obscurs, qui sont peut-être les plus nombreux, ni même si seulement l’atmosphère à travers laquelle nous observons les corps célestes restait toujours et partout nébuleuse. […] Dans l’évolution préliminaire de l’esprit positif, il a dû s’attacher partout aux questions quelconques qui lui devenaient accessibles, sans trop s’enquérir de leur importance finale, dérivée de leur relation propre à un ensemble qui ne pouvait d’abord être aperçu. […] Le seul caractère essentiel du nouvel esprit philosophique qui ne soit pas encore indiqué directement par le mot positif, consiste dans sa tendance nécessaire à substituer partout le relatif à l’absolu. […] Leur domaine est radicalement identique, puisque les plus grandes questions de la saine philosophie se rapportent partout aux phénomènes les plus vulgaires, envers lesquels les cas artificiels ne constituent qu’une préparation plus ou moins indispensable. […] Avant même de comporter encore aucun caractère vraiment scientifique, cette classe de conceptions a surtout déterminé le passage décisif du fétichisme au polythéisme, partout résulté du culte des astres.

22. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Étranger, par ma position et mon caractère, aux grands événements qui ont agité le monde, mes amitiés et le désir de voir m’ont conduit dans divers pays, et, partout où je me suis trouvé, j’ai joué et fait jouer des proverbes. […] M. Partout, a appris que son neveu avait souvent joué la comédie en société. […] M. Partout, il ne fait autre chose que jouer des rôles avec des habits différents. M. Partout est pris sur le fait et convaincu d’avoir joué quatre rôles en un jour, en habit d’académicien, en simple habit d’oncle, en robe d’avocat et en capitaine de la Garde nationale : « Vous qui êtes un homme du monde, dit le jeune homme à son oncle, vous appelez cela l’esprit du monde ; moi qui suis un comédien, j’appelle cela de la comédie. […] Nullement homme de parti d’ailleurs, se moquant des deux côtés, et sachant que l’espèce est partout la même.

23. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Ce n’est point un esprit vigoureux, qui fait son trou partout où il passe. […] … On lui cherche partout des importances historiques… Et, d’ailleurs, il faut bien en convenir, il y a, dans l’histoire des peuplades de l’Amérique, — chez les Astèques, par exemple, les Mexicains, les Incas, à Quito, — de ces choses qui méritent bien pour les libres penseurs ce grand nom de civilisation, la flatterie moderne ! […] Misérables civilisations, après tout, qui, là où, comme chez les Incas, elles furent le plus brillantes, n’étaient guères que des Barbaries, avec quelques côtés splendides, telles qu’elles le furent partout dans le monde idolâtre. […] Malgré toutes les peines qu’il s’est données pour composer sa petite mosaïque de renseignements, pris partout à Prescott et à Brasseur, ses Études, si on en juge par les résultats qu’elles affirment, sont à continuer.

24. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Excepté des curieux de bibliothèque, cherchant partout des détails de mœurs et d’Histoire, on ne lisait plus guères le Baron de Fœneste et la Conversion de Sancy, ni non plus les Tragiques, le principal ouvrage de d’Aubigné pourtant, le seul qui puisse justifier la gloire posthume qu’en ce moment on cherche à lui faire. Ces Tragiques n’avaient même été révélés au public auparavant que par des vers pris çà et là dans ces vigoureuses satires, et l’effet n’en remonte guères plus haut qu’à ce fameux portrait de Henri III, maintenant cité partout, et que M.  […] — poète partout et toujours : en ces Psaumes traduits pour le service de Dieu, en ces sonnets, en ces élégies, en ces héroïdes, en ces stances, en tous ces vers humains et vécus dont le troisième volume de ses Œuvres est rempli. […] Il a l’honneur d’être intellectuellement l’aïeul de Corneille, comme, physiologiquement, l’honneur d’être celui de cette admirable femme taillée pour la Royauté et l’Histoire, qui racheta le protestantisme de son grand-père et qui fut madame de Maintenons Et Corneille, d’ailleurs, qui est partout en ces poésies, dont on trouve la physionomie engravée par avance dans la fière mine de d’Aubigné, n’est pas le seul de sa descendance.

25. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Mais pourquoi n’a-t-il pas partout une forme virginale d’originalité et une conception immaculée ? […] Et partout, partout, c’est ainsi, en cette masse de poésies entassées dans ce volume qui déborde, et où l’auteur nous a donné toute sa vie poétique en une fois. C’est partout la même simplicité, le même fini, le même art caché et profond, dans les pièces les plus attendries comme dans les plus riantes ; car Saint-Maur, ce vivant et ce jeune toujours, a les deux émotions du rire et des larmes.

26. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Tout homme qui veut être applaudi, dénature sa pensée ; ou il en cache une partie pour faire davantage briller l’autre, ou il saisit un rapport qui étonne et qui est plus singulier que vrai ; ou il détache ce qui devrait être fondu dans l’ensemble, et le met en saillie, ou pour avoir l’air de s’élever et de voir de plus haut, il généralise un sentiment qui ne conserve sa force qu’autant qu’il est lié à une situation ; ou il ajoute au sentiment même, et pour étonner il exagère, ou par une expression recherchée il veut donner une tournure fine à ce qui devrait être simple, ou il tâche d’unir la finesse à la force pour surprendre par l’assemblage de deux qualités contraires, ou enfin pour arrêter et fixer partout l’attention, il multiplie les détails et néglige la grandeur et la marche de l’ensemble. […] De toute sa fortune, il ne lui restait qu’un dialogue de Platon, et une harangue de Démosthène, qu’il portait partout avec lui. […] Les dieux, pour récompense, lui donnent l’empire de l’univers, et il va partout combattre les malheurs et le crime. […] Aristide parcourut l’Italie, l’Égypte, une partie de la Grèce, et eut partout des succès.

27. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Mais ce qui me charme, c’est qu’il n’a trouvé nulle part une bonne jurisprudence, mais un prince admirable : c’est le grand-duc ; et partout des sensations, des émotions, tout le contraire de votre paralysie. […] Le petit écrit de la vicomtesse de Noailles n’est pas seulement une peinture de cette ancienne politesse et de cette finesse comme naturelle du ton et du langage, il en est presque partout un modèle. […] Partout où il y aura une femme spirituelle, douée de charme ; à côté de l’aïeule souriante et qui n’invoque pas à tout propos son expérience, une mère avec d’aimables filles qui paraîtront presque ses sœurs ; un cercle de jeunes femmes amies, honnêtement enjouées, instruites, attirant autour d’elles leurs frères ; partout où il y aura de l’aisance, de l’instruction et de la culture, des mœurs sans maussaderie, avec le désir de plaire ; partout où tout cela se rencontre, la bonne compagnie à l’instant recommence.

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