Appendice à l’article sur Joseph de Maistre Nous extrayons du numéro de la Revue des Deux Mondes, 1er octobre 1843, les quelques pages suivantes qui complètent ou appuient notre premier travail. […] A lire les dernières pages des Soirées de Rothaval, je crois voir un homme qui a entendu durant plus de deux heures une discussion vive, animée, étincelante de saillies et même d’invectives, soutenue par le plus intrépide des contradicteurs, et qui, prenant son voisin sous le bras, l’emmène dans l’embrasure d’une croisée, pour lui dire à voix basse : « Vous allez peut-être me juger bien hardi, mais je trouve que cet homme va un peu loin. » — L’épigraphe qui devrait se lire en toutes lettres au frontispice des écrits de M. de Maistre est assurément celle-ci : A bon entendeur salut !
Ma sœur était si modeste, elle avait tant d’aversion pour le bruit du monde, que j’aurais cru la voir, de son tombeau, m’adressant des reproches, si j’avais livré ces pages au public. […] Il m’a semblé qu’en insérant ces pages sur ma sœur dans un volume, livré au commerce, je ferais aussi mal que si j’exposais son portrait dans un hôtel des ventes.
Le raisonnement par lequel il la justifie (il faut lire dans l’ouvrage ces pages intéressantes) est une application très étendue de l’adage célèbre de Buffon : le style, c’est l’homme. […] Quelques pages de biographie à la Sainte-Beuve, pour celle-là même, seraient d’un fort bon secours.
Selon nous qui venons de le relire, c’est un écrivain sans vue et sans style, et nous défions Paris lui-même de citer de lui une page ou une phrase qui soit timbrée de cette marque indéniable et si facile à reconnaître qu’on appelle (quelle qu’en soit la force ou la faiblesse) le génie de l’écrivain. […] la faute en est exclusivement plutôt au sentiment qui circule, dans ce triste livre, de la première page jusqu’à la dernière, à cette gausserie frivole qui y remplace la sévérité et la majesté du jugement.
Est-ce assez vu, cette page ? […] … Et cette page est suivie de beaucoup d’autres de la même énergie, frémissante et surmontée.
Ôtez le pittoresque de l’expression dans cette page terrible des Soirées de Saint-Pétersbourg, écrite ainsi pour faire mieux sentir la vérité de sa thèse, de Maistre, en parlant du bourreau, n’a posé que la nécessité de la peine de mort pour la conservation de tout ordre social, ce qu’on peut soutenir, n’est-il pas vrai ? […] Le livre des Uns et des Autres n’en aura aucune, et ce sera la punition de cette violence dans le vide qu’on trouve à chacune de ses pages.
En effet, il y a, dès les premières pages de ces œuvres complètes, qui renferment non seulement les découvertes de la science, mais les hommes qui les ont faites, et la biographie après l’histoire, il y a, entre M. […] À toute page il vante la Méthode de Descartes, et trop, selon nous.
l’incroyable aveu de son ancien maître, à la page 75 de ses amusants et terribles Philosophes salariés, comme s’il avait voulu nous donner, à nous autres critiques, une juste idée de l’homme qui, à quatorze ans de distance, caractérise de cette gaillarde manière le livre qu’il réimprime avec un si grand sérieux aujourd’hui. […] Les notes qu’il a attachées au bas des pages de son livre nous le disent assez.