Cet Auteur a trop paru oublier que ces deux qualités lui manquoient.
En fait d’Ouvrages d’Erudition & de Recherches, il est assez ordinaire que les derniers venus fassent oublier leurs prédécesseurs, quand ceux-ci ne sont pas du premier mérite.
Cette abréviation étoit nécessaire ; car, pour ne rien oublier, l'Auteur avoit surchargé son Ouvrage d'un tas de grossiéretés, de satires & d'obscénités qui le rendoient aussi dangereux pour la jeunesse ; que révoltant pour un honnête Lecteur.
Nous nous permettons de renvoyer notre lecteur purement et simplement à La Critique de l’École des femmes, s’il a oublié qui sont trois personnages dont Dorante doit nous entretenir : Uranie, le Marquis et Galopin. […] En effet, quand je ferme les yeux, quand j’oublie tout ce que je sais, quand je noie dans la rêverie philosophique mes notions empiriques de la comédie, une idée vague surnage encore dans mon esprit : c’est que la comédie est quelque chose de gai ; or, la tragédie est ce qu’il y a de plus sérieux dans la poésie ; donc la comédie est son contraire : ce qu’il fallait démontrer. […] Si elle avait invité à sa table quelques-uns de ses ennemis les philosophes, et qu’entre les convives la discussion tombât, comme il arrive souvent, même entre des convives philosophes, sur les qualités agréables d’un vin, Uranie arrêterait la controverse, en disant : Messieurs, vous paraissez oublier ce que vous avez écrit dans vos livres, qu’en matière de goût physique, il ne faut point disputer. […] On dit que la société habituelle des choses de l’art n’est pas bienfaisante pour l’homme, et qu’à force de contempler ce qui est beau, les critiques comme les poètes finissent par oublier ce qui est pur. […] Schlegel la contredit, seulement pour n’en pas perdre l’habitude ; Jean-Paul l’écoute, et oublie l’une après l’autre toutes ses métaphores ; Hegel, sans le savoir, s’instruit à son école.
Il se hâta aussi d’oublier les langues savantes et importunes dont on avait obsédé sa mémoire et la chicane dont on avait sophistiqué son esprit. […] L’auditoire enthousiasmé oublie d’abreuver les six paires de bœufs dans la rigole d’eau courante. […] — « C’est bien vrai, Mademoiselle, dit le jeune apprenti ; mais la soif s’étanche aussi bien par l’agacement d’une groseille aux dents que par l’eau de toute la cruche ; et si, pour trouver de l’ouvrage, il faut essuyer les injures du temps, tout de même le voyage a ses moments de plaisir, et l’ombre sur la route fait oublier le chaud. » Le récit que Vincent fait de ses voyages à la jeune fille est incomparable en grâce, en vérité, en nouveauté et cependant en poésie. […] Enfin, sentant son corps de fer ployer vers le cimetière, il voulut, comme c’était son devoir, se confesser à l’ermite de Saint-Eucher. » Il avait tout oublié dans son isolement, depuis ses premières Pâques jusqu’à ses prières. […] Mais son chapeau de Provençale, son petit chapeau à grandes ailes pour défendre des mortelles chaleurs, elle oublia, par malheur, de s’en couvrir la tête… « Cela fini, l’ardente fille prend à la main sa chaussure ; par l’escalier de bois, sans faire de bruit, descend en cachette, enlève la barre pesante de la porte, se recommande aux bonnes Saintes, et part, comme le vent, dans la nuit qui transit le cœur.
— Vous oubliez, belle Léna, dit gravement le professeur, qu’alors il ne serait plus l’Arioste, car le caractère de son génie est précisément de nager entre deux eaux, comme on dit en français, d’être un poète amphibie, si vous aimez mieux, et de passer du rire aux larmes ou de l’esprit au cœur, comme le parfait musicien passe d’une gamme à l’autre sur le même instrument : c’est le caractère du souverain artiste […] Et comment Shakespeare l’a-t-il méconnu ou l’a-t-il oublié ? […] — Je vous arrête, jeune homme, me dit le professeur ; vous oubliez qu’un poète de votre propre pays l’a fait. […] Le soleil baisse, le livre nous a fait oublier l’heure de la promenade en voiture ; notre esprit s’est promené sur des sites et sur des scènes plus enchantés encore que ceux de ces belles collines et de cette belle mer. […] Ce sont là de ces soirées qu’on n’oublie plus, et qui fixent dans la pensée l’heure où l’on a lu pour la première fois un livre désormais incorporé à nos souvenirs.
Ce fut alors que la cour de France, lasse de l’oublier totalement, songea à réveiller dans ce sang des Stuarts une rivalité toujours possible au sang ennemi des Stuarts en donnant des héritiers à Charles-Édouard. […] L’impératrice Marie-Thérèse n’oublia pas la famille du général qui était mort sous ses drapeaux ; elle accorda une pension à sa veuve et assura le sort de ses filles. […] Charles-Édouard n’avait oublié aucun de ses titres ; ce vieillard, usé par l’intempérance, qui s’agenouille péniblement sur ces coussins de velours auprès de cette jeune femme aux yeux bleus, aux cheveux blonds, éblouissante de grâce et de beauté, c’est Charles III, roi d’Angleterre, de France et d’Irlande, défenseur de la foi. […] Événement d’un jour, et bien vite oublié ! […] N’oublions pas que, parmi les défenseurs de la comtesse, celui qui porte ici la parole est certainement le moins suspect : le cardinal Henry d’York est le propre frère de Charles-Édouard, comte d’Albany.
Si Valère oublie dans la joie du gain son amour pour Angélique, et s’il s’en souvient dans la perte, c’est qu’il n’est pas assez amoureux quand il aime, ni assez joueur quand il joue. […] Les pièces de Diderot sont oubliées ; ses théories ne le sont pas. […] On ne se fâche pas si fort pour ce qui ne vit pas ; on l’oublie. […] Au milieu de gens si pétillants, je suis comme un provincial parmi les Parisiens à la mode, ou comme un homme sobre parmi des convives qui s’oublient à table. […] Je suis surpris que la Harpe n’ait guère trouvé qu’à louer dans ses vers, et que, pour faire acte de critique, il se soit attaqué à quelques lignes de prose oubliées, où le bon Collin est assez osé pour risquer le mot singer.