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495. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Monsieur Despreaux se fonde sur cette raison pour avancer que la plûpart des critiques de profession qui suppléent par la connoissance des regles à la finesse du sentiment qui leur manque bien souvent, ne jugent pas aussi sainement du mérite des ouvrages excellens, que les esprits du premier ordre en jugent sans avoir étudié les regles autant que les premiers. […] Tel ordre de citoïens qui n’a pas ces lumieres dans une ville de province, les a dans une capitale. Tel ordre de citoïens qui ne les avoit pas au commencement du seiziéme siecle, les avoit à la fin du dix-septiéme.

496. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Mademoiselle de Condé se retira en Lithuanie ; mais, avec la permission de ses supérieures, elle rejoignit en Angleterre son père et son frère, après neuf années de séparation… Seulement, toujours religieuse, plus religieuse encore que fille et sœur, elle entra, là, dans un couvent de Bénédictines, qu’elle ne quitta que pour revenir en France, où elle fut nommée Supérieure de l’Ordre du Temple sous le nom de Marie-Joseph de la Miséricorde. […] Son amour pour La Gervaisais fut si beau qu’il n’y a pas plus beau dans l’ordre du Génie, et que, je n’hésite pas à le dire, elle est aussi étonnante, dans son siècle, comme cœur de femme, que, comme tête d’homme, Napoléon ! […] , La Gervaisais lui écrivit un jour, seulement pour la prévenir d’un danger dont il la croyait menacée : c’était, je crois, quand le « malheureux homme » pour lequel elle priait tous les jours, depuis la mort du duc d’Enghien tomba de l’île d’Elbe sur Paris, où elle était Supérieure de l’Ordre du Temple, comme la foudre !

497. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

On ne l’a pas assez remarqué : les Indiens sont, dans l’ordre intellectuel, des espèces de somnambules sans lucidité, des cataleptiques aux yeux retournés, tombés, depuis des siècles, dans la contemplation de leur moi imbécille, mais des cataleptiques qui sentent les coups malgré leur extase ; car ils tremblent devant le bambou qui les a toujours menés, dans quelque main de conquérant qu’il ait passé, depuis Alexandre jusqu’à Clive. […] Le Ramayâna n’a ni action, ni drame, ni individualité, ni génération d’événements, ni rien enfin de ce qui constitue, chez les peuples qui possèdent la notion de l’ordre et de la liberté, une épopée. […] » Cependant, tel que le voilà traduit, ce livre bizarre, c’est un événement, et non pas seulement pour l’Académie des inscriptions et belles-lettres ; car il atteste, ce que l’on commençait bien d’entrevoir, il est vrai, et ce qu’il faudra bien finir par proclamer tout haut, que les païens de toute espèce, battus par les doctrines chrétiennes, qui voulaient faire sortir de l’Inde une poésie et une philosophie pour les opposer à tout ce que le Christianisme a créé dans l’ordre du beau et du vrai parmi nous, n’ont trouvé, en somme, ni l’une ni l’autre.

498. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

de l’ordre des Jésuites, demandée par une haine furibonde et grotesque tout à la fois ! […] Sur ces entrefaites, une mission faite par un capucin mystique auquel Julio, qui hait les ordres religieux et généralement toute espèce de moine, montre une blessante froideur, achève le mal commencé par la calomnie. […] On change Julio de cure, et sa sœur, la belle Louise, qui plaide en justice, conjointement avec son frère, contre les jésuites accapareurs, épouvantée par ces marquises que les Révérends Pères ont à leurs ordres et dont ils font habituellement leurs gendarmes et leurs postillons, renonce au procès ; mais, comme elle n’y peut faire renoncer son frère, plus dur à la détente, elle est enlevée comme une plume par les marquises, portée en Italie et séquestrée dans un couvent de bénédictines de l’État romain.

499. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Parmi le tumulte des guerres civiles — où l’on peut voir les dernières convulsions de l’individualisme expirant, — un besoin d’ordre, de discipline, d’unité sous la loi se fait sentir. […] En interdisant au poète une préoccupation puérile ou souvent maladive de lui-même, ne l’a-t-il pas rendu sans doute attentif à des intérêts d’un ordre à la fois plus général et plus élevé ? […] S’il y a de l’ordre, en effet, dans une ode de Pindare, on ne le saisit pas d’abord, et la logique, interne et cachée, n’en est sensible qu’aux initiés. […] Il ne faut pas prétendre conformer nos actions à un ordre universel dont nous ne pouvons affirmer l’existence qu’autant que nous le tirons d’une certaine idée que nous nous formons de l’ordre, ce qui est un cercle vicieux. […] En la réduisant à ses principes, il a transformé, sans presque avoir l’air d’y toucher, une dispute jusque-là purement littéraire en une discussion de l’ordre philosophique.

500. (1923) Paul Valéry

Mais l’œuvre une fois née, une fois grandie, une fois imitée, une fois critiquée, peut être classée dans une série, être pensée dans un ordre littéraire, dans une famille, avec des ascendants et des descendants. La critique suppose, développe, révèle cet ordre. […] Il semble qu’une poésie comme celle de Mallarmé et de Valéry lui confère, dans l’ordre de la qualité, un être, une efficace analogue. […] Le style est un ordre et un mouvement. […] Y a-t-il un usage pur des mots, des mots proprement dits, et des grands mots (vers, poème), analogue à cet usage pur de la raison, exposé et imposé par Spinoza dans l’ordre de la raison théorique, par Kant dans l’ordre de la raison pratique, — une poésie pure comme il y a une physique pure et une mathématique pure ?

501. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Il ne faut que penser à cette politesse délicate qui regne entre les gens d’un certain ordre. […] Qui prononçassent distinctement et avec ordre tout ce qui se passe dans leur coeur ! […] Le poëte travaille dans un certain ordre ; et le spectateur sent dans un autre. […] L’ordre, le raisonnement, l’élegance en est admirable. […] Combien dans nos plus grands poëtes trouveroit-on de choses aussi-mal en ordre ?

502. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Le pape Clément XIII mourut, et Bernis reçut de M. de Choiseul, le 21 février 1769, dans la soirée, l’ordre de partir sans retard pour le conclave. […] Une main invisible m’a conduit des montagnes du Vivarais au faîte des honneurs ; laissons-la faire, elle saura me conduire à un état honorable et tranquille ; et puis, pour mes menus plaisirs, je dois, selon l’ordre de la nature, être l’électeur de trois ou quatre papes, et revoir souvent cette partie du monde qui a été le berceau de tous les arts. […] Il indique alors quelques ridicules du jour qui sont un sujet tout fait pour la moquerie : « Il est plaisant, dit-il, que l’orgueil s’élève à mesure que le siècle baisse : aujourd’hui presque tous les écrivains veulent être législateurs, fondateurs d’empires, et tous les gentilshommes veulent descendre des souverains. » Il finit surtout par un conseil que Voltaire a trop peu suivi, et qui, au lieu de cette ricanerie universelle à laquelle il s’abandonnait, aurait dû être le but idéal suprême du grand écrivain en ces années de sa vieillesse : Riez de tout cela et faites-nous rire, lui dit Bernis en lui développant son plan ; mais il est digne du plus beau génie de la France de terminer sa carrière littéraire par un ouvrage qui fasse aimer la vertu, l’ordre, la subordination, sans laquelle toute société est en trouble. […] Il comprit la question posée par la Constituante dans toute son étendue, et, devançant dès novembre 1790 l’heure du Concordat, il disait : Si l’on aimait le bien, la paix et l’ordre ; si l’on était de bonne foi ; si l’on était attaché à la religion qui seule est l’appui de toute autorité et de toute forme de gouvernement, jamais pape n’a été plus porté à la conciliation que celui-ci… Mais, si l’on veut tout détruire et faire une religion nouvelle, on y rencontrera des difficultés plus grandes qu’on ne croit. […] Guérard, attaché aux Affaires étrangères, et par ordre des chefs de ce département : elle était destinée à servir d’élément et de matière à l’éloge académique de Bernis que devait prononcer alors le comte François de Neufchâteau.

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