Or, la qualité sensible n’est pas objet d’idée claire. […] Au contraire, l’étendue et le mouvement sont objets d’idées claires. […] Ordonner les êtres de manière que cette condition soit remplie, tel est l’objet de la science. […] Ce dernier est l’objet propre de la science, tandis que l’esprit en est l’auteur. […] Elle réduira leurs objets à des abstractions sans base.
Mais je puis bien vous dire encore, en général, qu’il n’y a ni proportion, ni convenance, entre mes forces et mes désirs, entre ma raison et mon cœur, entre mon cœur et mon état, sans qu’il y ait plus de ma faute que de celle d’un malade qui ne peut rien savourer de tout ce qu’on lui présente, et qui n’a pas en lui la force de changer la disposition de ses organes et de ses sens, ou de trouver des objets qui leur puissent convenir. […] Il n’est nullement en moi d’avoir à ma portée les objets que vous donnez à mon cœur ; je ne manque pas cependant de principes de conduite, et je les suis exactement ; mais, comme ils ne sont pas les mêmes que les vôtres, vous croyez que je n’en ai point, et vous vous trompez en cela, comme lorsque vous croyez que mon âme est inactive, quoiqu’elle soit sensible et présente, qu’elle ne supporte la solitude que par là, et qu’elle aime à se tourner sur ce qui peut la former et lui être utile, quand ma santé le permet. […] Il le rappelle à sa nature ardente qui a besoin d’un objet puissant, d’une proie à ronger pour ne pas se ronger elle-même. […] Il n’y a qu’un nom pour les passions que les mêmes objets font naître mais les objets ont tant de faces, et peuvent être envisagés dans des jours si différents, que les sentiments qu’ils inspirent ne se ressemblent en rien… Par notre idée nous ennoblissons nos passions, ou nous les avilissons ; elles s’élèvent ou descendent, selon les cœurs. […] Ils sortent l’un et l’autre de ce conflit amical sans s’être convaincus, l’un décidé à se montrer plus absolu et plus bourru que jamais, l’autre n’aspirant qu’à être étendu et conciliant : Vous croyez qu’il dépend de nous de nous former un caractère, et vous ne donnez qu’une route et qu’un objet à tous les esprits ; moi, je voudrais que chacun se mesurât à ses forces, que l’on consultât son génie, qu’on s’étudiât à l’étendre, à l’orner, à l’embellir, bien loin de le contraindre ou de l’abandonner.
Champfleury, que nous aurons peu aujourd’hui à envisager comme romancier, est lui-même, dans ses ouvrages, un studieux observateur et un copiste consciencieux des personnages et des situations naturelles ; il a ses défauts qui paraissent d’abord et qui ne se dissimulent pas ; mais il a sa vérité, sa façon de voir bien à lui, et qui, une fois appliquée à son objet, l’environne, le pénètre et ne le lâche pas avant de nous l’avoir bien montré et expliqué. […] Au xviiie siècle, l’excellent peintre de genre, Chardin, semble avoir voulu renouer à eux pour les scènes d’intérieur et la représentation des objets naturels : « C’est là, c’est chez lui, disait Diderot, l’un de ses grands admirateurs, qu’on voit qu’il n’y a guère d’objets ingrats dans la nature, et que le point est de les rendre. » Chardin, qui était, en outre, un homme de beaucoup d’esprit, répandait sur ses reproductions naturelles une qualité que les Le Nain avaient trop négligée ou ignorée, l’agrément : ceux-ci lui restaient supérieurs peut-être par un trait moral plus prononcé, par une bonhomie plus antique. […] Un fait isolé ne prouve rien, et, comme dit le proverbe, une hirondelle ne fait pas le printemps ; mais des séries de faits ou d’objets sont des témoins irrécusables, et qui servent de fondement ou de garantie à toute histoire naturelle, sociale, politique. […] Je ne parle ni des cannes, ni des tabatières, qui peuvent avoir leur mérite, ni des coiffures ou perruques, ces parties intégrantes du costume ; mais les plus futiles objets, billets de théâtre, billets de faire-part, boutons de veste, etc., tout peut devenir matière à cette sorte d’avarice doublée d’amour-propre, et qui finit par être un tic, la Collection. […] Champfleury, et qui ne doit pas être un portrait en l’air, Gardilanne, a pour gibier spécial la faïence : l’objet n’est pas méprisable, et il y a de fort belles choses en faïence comme en porcelaine ; il y en a de fort curieuses, même pour l’histoire.
J’ai commencé pendant six semaines par des principes de belles-lettres : elle m’entendait bien, lorsque je lui présentais des idées toutes éclaircies ; son jugement était presque toujours juste, mais je ne pouvais l’accoutumer à approfondir un objet, quoique je sentisse qu’elle en était très-capable. […] J’ai commencé l’histoire de France, mais je ne m’en suis servi que comme d’un canevas sur lequel je pouvais broder tous les objets dont la connaissance est nécessaire dans le cours ordinaire de la vie. […] Dans une lettre qui a pour objet les lectures de Mme la dauphine, et où il montre la difficulté de lui en faire de suivies, il entre dans un détail minutieux qui révèle les assujettissements de cet intérieur et l’espionnage des mille argus : « Il est bien certain qu’indépendamment de la satisfaction que Mme la dauphine désirerait donner à l’impératrice sur cet objet (les lectures), elle y gagnerait beaucoup pour elle-même. […] Il fait allusion à la jalousie et aux tracasseries dont il est l’objet et dont on peut prendre idée par les accusations grossies de Mme Campan : « Je ne parlerai pas à Votre Excellence, dit-il, de mille petites peines que j’ai souffertes presque continuellement : ce ne sont que des piqûres d’épingle, mais leur nombre creuse des plaies et rend la vie amère. » Le dauphin, le futur Louis XVI, n’aimait pas l’abbé et le lui marquait rudement. […] Hors de là, elle ne réfléchit encore guère, et l’usage qu’elle a fait jusqu’ici de son indépendance le prouve assez, puisqu’il n’a porté absolument que sur des objets d’amusement et de frivolité ; mais le temps de la réflexion ne lardera vraisemblablement plus longtemps à venir… » J’ai indiqué, dans cette seconde édition de M. d’Arneth, tout ce qui est fait pour intéresser ceux qui avaient déjà été si frappés de l’importance historique de sa publication première.
Arrivé à Paris et accueilli, comme je l’ai dit, par M. de Boze, qui se l’associa pour le Cabinet des médailles et le fit entrer à l’Académie des inscriptions, il dut s’assujettir, sous ce maître minutieux, à bien des soins exacts et pleins d’ennui ; mais rien ne rebute de ce qui est dans le sens d’une passion, et Barthélemy avait pour les médailles une passion véritable, quelque chose de ce feu sacré qui s’applique à tant d’objets différents, et qui est bien connu de tous ceux que possède une fois le goût des collections. […] Cependant il revient peu à peu de ce coup d’électricité ; il s’oriente, il choisit et discerne entre les objets de sa recherche : « Dans les commencements je ne voyais Rome qu’à travers un brouillard pétrifié ; aujourd’hui c’est un nuage qui laisse échapper quelques traits de lumière. » C’est en se dirigeant particulièrement vers son objet principal, les médailles, qu’il réussit à augmenter peu à peu son trésor. […] Elle réfléchissait dans un âge où l’on commence à peine à penser… L’abbé Barthélemy a peint en mainte occasion Mme de Choiseul ; il l’a placée, elle et son mari, sous les noms de Phédime et d’Arsame dans le Voyage du jeune Anacharsis : « Phédime discerne d’un coup d’œil les différents rapports d’un objet ; d’un seul mot, elle sait les exprimer. […] Mais Obéron, ajoute-t-il, ne l’aime pas, et il lui préfère une grande mortelle Hermione, sa propre sœur. » Cela fait allusion à la préférence un peu scandaleuse que le duc de Choiseul accordait ouvertement à la duchesse de Grammont, tout en ayant pour Mme de Choiseul les attentions les plus respectueuses, et en restant jusqu’à la fin l’objet de son amour. […] En ces années, Barthélemy justifiait déjà les attentions dont il était l’objet par la manière même dont il traitait quelques points d’érudition devant le public dans les séances solennelles de son Académie.
De même, la ressemblance de fait entre les objets, ressemblance qui d’ailleurs n’existe que pour une conscience et dans une conscience, ne pourra devenir un lien que si elle réussit à produire, comme telle, quelque effet déterminé dans le cerveau et dans la conscience. […] Dès que nous voyons une rose rouge, cette image tend à se ranger d’elle-même à côté de rose blanche, rose jaune, rose en général, puis dans la sous-classe des fleurs, puis dans la sous-classe des objets rouges, puis dans la classe des objets visibles, etc. […] Aussi les mêmes objets ne réveillent-ils pas les mêmes souvenirs quand nous sommes gais ou quand nous sommes tristes. […] En associant les semblables, la conscience obéit à la loi universelle d’économie, qui veut que toute force s’exerce avec la moindre dépense possible, que toute appétition se satisfasse avec le minimum de peine : le rapprochement des semblables permet à la conscience d’embrasser d’un même regard une foule d’objets et de produire le plus grand travail avec le moindre effort. […] Le savant ne doit-il pas d’abord séparer l’idée de combustion d’avec toutes ses associations habituelles, — dégagement de flamme et destruction de l’objet brûlé, etc., — pour pouvoir l’associer ensuite avec l’idée de cette respiration qui entretient la vie ?
Ils sont comme des miroirs courbes et prêtent leur courbure aux objets ; l’esprit de M. de Biran en avait une. […] Posez d’abord avec lui qu’il y a deux psychologies : l’une analogue aux sciences physiques, ayant pour objet de constater, de décrire et de classer les plaisirs, les peines, les sensations, les idées, bref, toutes nos opérations passagères ; l’autre ne ressemblant à aucune des sciences physiques, unique en son genre, ayant pour objet d’observer et de définir le sujet permanent et la cause durable de ces opérations17. […] Son objet n’est point la contraction du muscle, mais la sensation musculaire. […] Il faut enfin que vous vouliez éprouver cette sensation ; ce n’est point le mouvement qui est l’objet propre de votre volonté, c’est elle. […] L’action de la volonté ne porte point sur le muscle, mais sur le cerveau ; l’objet de la volonté n’est point le mouvement du muscle, mais la sensation musculaire.
La poésie substitue à un objet un autre objet, à un terme un autre terme plus ou moins similaire, toutes les fois que ce dernier éveille par suggestion des associations d’idées plus fraîches, plus fortes, ou simplement plus nombreuses, de manière à intéresser non seulement la sensation, mais encore l’intelligence, le sentiment, la moralité. […] La métaphore, au lieu de doter les objets d’une forme plus brillante, leur enlève alors, au contraire, quelque chose de leur forme pour leur donner le caractère profond du pur sentiment. […] Il y a diverses sortes d’images : celles qui précisent les contours extérieurs de l’objet, qui en dessinent la forme et la couleur, et qui ainsi produisent des perceptions nettes. […] Flaubert dit quelque part : « Ses réponses étaient toujours douces et prononcées d’un ton aussi clair que celui d’une sonnette d’église. » L’image peut, en donnant une très grande netteté à un simple fragment de l’objet qu’il s’agit de percevoir, faire immédiatement sortir de l’ombre la totalité de l’objet. […] Une faculté extraordinaire, dont il ne savait pas l’objet, lui était venue.