Mais cette distinction ou classification des objets, que suppose-t-elle ? […] Ce que nous venons de voir, dans la perception et classification des objets, se produit de même dans la genèse du raisonnement. […] On a dû remarquer de bonne heure que quand deux hommes, deux animaux, deux objets quelconques sont près l’un de l’autre, l’inégalité devient plus visible. […] Si ses spéculations ont pour objet le futur, il ne peut assigner aucune limite à la grande succession de phénomènes qui se développent toujours devant lui. […] Quoiqu’il puisse réussir à résoudre toutes les propriétés des objets en manifestations de la force, il n’est pas apte à dire pour cela en réalité ce qu’est la force ; mais il trouve au contraire que plus il y pense, plus il est confondu.
Mais, comme je viens de le dire, il faut qu’hors de ces deux occasions le stile de la poësie soit rempli de figures qui peignent si bien les objets décrits dans les vers, que nous ne puissions les entendre sans que notre imagination soit continuellement remplie des tableaux qui s’y succedent les uns aux autres, à mesure que les periodes du discours se succedent les unes aux autres. […] Nous avons déja dit que les églogues empruntoient leurs peintures et leurs images des objets qui parent la campagne et des évenemens de la vie rustique. […] L’écrivain le plus austere, celui qui fait la profession la plus serieuse de ne mettre en oeuvre pour nous persuader que la raison toute nuë, sent bientôt que pour nous convaincre il nous faut émouvoir, et qu’il faut pour nous émouvoir mettre sous nos yeux par des peintures les objets dont il nous parle. Un des plus grands partisans du raisonnement severe que nous aïons eu, le pere Mallebranche, a écrit contre la contagion des imaginations fortes, dont le charme pour nous séduire consiste dans leur fécondité en images, et dans le talent qu’elles ont de peindre vivement les objets. […] Un homme sans genie tombe bientôt dans la froideur qui naît des figures qui manquent de justesse, et qui ne peignent point nettement leur objet, ou dans le ridicule qui naît des figures lesquelles ne sont point convenables au sujet.
L’attention a un objet ; elle n’est pas une modification purement subjective : c’est une connaissance, un état intellectuel. […] De même, une stimulation venant de l’objet produit une adaptation incessamment répétée. […] Il ne fixe sa vue que sur des objets brillants, sur la figure de sa mère ou de sa nourrice. […] Czermak et après lui Stricker ont fait remarquer que si, après avoir contemplé intérieurement l’image d’un objet supposé très proche, on passe brusquement à la vision mentale d’un objet très éloigné, on sent un changement net dans l’état d’innervation des yeux. […] et ainsi de suite à propos de chaque objet.
Toujours un peu humiliant pour celui qui en est l’objet, le rire est véritablement une espèce de brimade sociale. […] Quel est l’objet de l’art ? […] Tout autre est l’objet de la comédie. […] Le bon sens est l’effort d’un esprit qui s’adapte et se réadapte sans cesse, changeant d’idée quand il change d’objet. […] Fait pour humilier, il doit donner à la personne qui en est l’objet une impression pénible.
L’orgueil, l’émulation, la vengeance, la crainte, prennent le masque de l’esprit de parti, mais cette passion à elle seule est plus ardente ; elle est du fanatisme et de la foi, à quelque objet qu’elle s’applique. […] Son premier caractère est de voir son objet tellement au-dessus de tout ce qui existe, qu’il ne peut se repentir d’aucun sacrifice quand il s’agit d’un tel but. […] L’esprit de parti est une sorte de frénésie de l’âme qui ne tient point à la nature de son objet. […] Or, quand la pensée est une fois saisie de l’esprit de parti, ce n’est pas des objets à soi, mais de soi vers les objets que partent les impressions, on ne les attend pas, on les devance, et l’œil donne la forme au lieu de recevoir l’image. […] Les réputations n’ayant plus de rapport avec le mérite réel, l’émulation se ralentit en perdant son objet.
Le désir, en effet, peut s’attacher à un objet soit parce qu’il est immédiatement agréable, soit parce qu’il devient un substitut symbolique d’agrément par son rapport à la satisfaction idéale du moi. […] On peut de même substituer, mais avec plus de raison, le sujet moi aux plaisirs particuliers et aux objets particuliers qui les causent. […] Dès lors, l’être tend à prolonger et même à augmenter cette convergence des sensations et des forces : il est comme une bouche qui, sous un contact savoureux, tend à se refermer sur l’objet extérieur. […] C’est pourquoi elle deviendra comme une main qui, au contact de l’objet, se serre de plus en plus, selon la métaphore stoïcienne. […] Notre cerveau est, pour ainsi dire, une boîte qui s’ouvre et se ferme selon que les objets ont ou n’ont pas la forme et les dimensions voulues.
. : on ne peut plus s’occuper que d’elle ; on en est possédé, enivré : on la retrouve partout ; tout en retrace les funestes images ; tout en réveille les injustes désirs : le monde, la solitude, la présence, l’éloignement, les objets les plus indifférents, les occupations les plus sérieuses, le temple saint lui-même, les autels sacrés, les mystères terribles en rappellent le souvenir32. » « C’est un désordre, s’écrie le même orateur dans la Pécheresse 33, d’aimer pour lui-même ce qui ne peut être ni notre bonheur, ni notre perfection, ni par conséquent notre repos : car aimer, c’est chercher la félicité dans ce qu’on aime ; c’est vouloir trouver dans l’objet aimé tout ce qui manque à notre cœur ; c’est l’appeler au secours de ce vide affreux que nous sentons en nous-mêmes, et nous flatter qu’il sera capable de le remplir ; c’est le regarder comme la ressource de tous nos besoins, le remède de tous nos maux, l’auteur de nos biens34… Mais cet amour des créatures est suivi des plus cruelles incertitudes : on doute toujours si l’on est aimé comme l’on aime ; on est ingénieux à se rendre malheureux, et à former à soi-même des craintes, des soupçons, des jalousies ; plus on est de bonne foi, plus on souffre ; on est le martyr de ses propres défiances : vous le savez, et ce n’est pas à moi à venir vous parler ici le langage de vos passions insensées35. » Cette maladie de l’âme se déclare avec fureur, aussitôt que paraît l’objet qui doit en développer le germe. […] Elle atteste aussi les lieux témoins de son bonheur, car c’est une coutume des malheureux, d’associer à leurs sentiments les objets qui les environnent ; abandonnés des hommes, ils cherchent à se créer des appuis, en animant de leurs douleurs les êtres insensibles autour d’eux.
Quel est son objet ? […] Prenez, disent les logiciens, un animal, une plante, un sentiment, une figure de géométrie, un objet ou un groupe d’objets quelconques. Sans doute l’objet a ses propriétés, mais il a aussi son essence. […] Est-ce un fait que l’objet baigné de rosée est plus froid que l’air ? […] Il suffit de les décomposer pour apercevoir qu’ils vont non d’un objet à un objet différent, mais du même au même.