/ 2092
526. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

« Après le tableau que nous venons de faire de la passion de Laurent, on peut se permettre sans doute de demander quel était l’objet d’un amour si délicat, quel était le nom de cette femme qu’il adore sans la désigner autrement que d’une manière vague, qu’il célèbre sans la nommer. […] Laurent nomma pour présider à cette fête, dans la ville de Florence, François Bandini, que son rang et son savoir rendaient extrêmement propre à figurer dans cette circonstance ; et, le même jour, il se fit à Careggi une autre réunion à laquelle il présidait lui-même. […] Il se nommait Girolamo Olgiato et mourut en Romain sur l’échafaud ; dépouillé et nu devant le bourreau, il prononça ces paroles latines qui retentirent dans beaucoup de cœurs : Mors acerba, fama perpetua, stabit vetus memoria facti. — Mort amère, éternelle mémoire !

527. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Mais tous ces romans dont les héros se nomment Alexandre, ou Hector, ou Enée, ne peuvent être pour nous que des parodies ridicules. […] Les singulières broderies qui enjolivent toute l’aventure d’Enéas, comme la description du « serpent marage », que l’on nomme « crocodile », et qui dort gueule bée pour donner aux oiseaux la facilité de venir becqueter dans son estomac les résidus de sa digestion, ou la déclaration d’amour en écho, entretiennent peut-être la curiosité pendant une ou deux pages. […] Les romans bretons vinrent à point nommé traduire la transformation de la société : on les voit dans les terrains que quelque rayon du Midi a échauffés : c’est au second mari d’Aliénor, c’est à Henri II d’Angleterre, que le plus ample recueil de lais qu’on possède, œuvre d’une femme, Marie de France, est dédié : c’est de la fille d’Aliénor et de son premier mari, Louis VII de France, c’est de la comtesse Marie de Champagne que le plus brillant versificateur de romans bretons, Chrétien de Troyes, a reçu le sujet de Lancelot.

528. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

D’autres fois les préceptes de courtoisie et de belle morale se grefferont sur les commandements de la morale chrétienne, comme dans ce curieux Châtiement des dames de Robert de Blois, que je ne nommerais pas, si l’on n’y voyait comment peu à peu, dans la comparaison inévitable du fait et de la règle, le moyen âge a fait à la longue son éducation psychologique, comment aussi, dans ce temps d’abstractions et de formules, l’observation précise de la vie s’inscrit en préceptes généraux. […] Guillaume de Lorris avait esquissé la figure hypocrite de Papelardie, sans désigner personne : Jean de Meung, avec emportement, brosse l’image horrifique de Faux-Semblant, richement enluminée de tons crus et violents ; et de peur qu’on ne s’y trompe, il ajoute à l’image une légende qui nomme les originaux. […] Qui draps communs toujours vêtirent, Et jamais n’en furent moins saintes : Et je vous en nommerais maintes.

529. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Ce ne serait pas seulement d’être de la critique négative, mais aussi de la critique compréhensive, intuitive, de la critique de découverte, si l’on peut la nommer ainsia. […] Edmond Pilon ; il lui faut être aussi « compréhensive, intuitive, de la critique de découverte, si l’on peut la nommer ainsi ». […] Fortunat Strowski (Tableau de la littérature française au xixe  siècle) a précisément cité ce curieux passage de Sainte-Beuve : « Loin de nous de penser que le devoir et l’office de la critique consistent uniquement à venir après les grands artistes, à suivre leurs traces lumineuses, à recueillir, à ranger, à inventorier leur héritage, à orner leur monument de tout ce qui peut le faire valoir et l’éclairer… ; il en est une autre plus alerte, plus mêlée au bruit du jour et à la question vivante, elle doit nommer ses héros, ses poètes ; elle doit s’attacher à eux de préférence, les entourer de son amour et de ses conseils, leur jeter hardiment les mots de gloire et de génie dont les assistants se scandalisent, faire honte à la médiocrité qui les coudoie, crier place autour d’eux, etc… »

530. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

C’est elle que, du nom de l’une des principales héroïnes de Flaubert, on a nommée le Bovarysme. […] Flaubert avait donné un premier titre à L’Éducation sentimentale : il avait nommé ce livre Les Fruits secs, soulignant de la sorte les conséquences les plus fréquentes qu’entraîne chez des natures médiocres une fausse conception de leur pouvoir et de leurs aptitudes. […] Il l’a nommée le mal de la Pensée, de « la Pensée qui précède l’expérience au lieu de s’y assujettir »1, « le mal d’avoir connu l’image de la réalité avant la réalité, l’image des sensations et des sentiments avant les sensations et les sentiments… »2 C’est, dit-il à l’occasion des personnages de Flaubert, à cette image anticipée, « à cette idée d’avant la vie que les circonstances d’abord, puis eux-mêmes font banqueroute » 3.

531. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Il en est, comme la famille ou la patrie, auxquelles on appartient sans le vouloir et dont on subit l’action sans le savoir ; c’est sans se nommer, pour ainsi dire dans l’ombre et le silence que beaucoup tissent leurs filets autour de nous. […] Non seulement ils lui permettaient de sortir de la famille où il était sévèrement enfermé, mais encore de dépasser son rang ordinaire, et, nommé trésorier ou président, de dominer, pour quelques instants au moins, des hommes libres. […] De même, plus tard, parce que la hiérarchie de l’Église chrétienne admettait des esclaves dans les ordres et les nommait ainsi pasteurs d’hommes libres, elle travaillait indirectement au nivellement des conditions184.

532. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

si tu es justement nommé, ô Jupiter ! […] Ici encore, ce que je n’entends pas nommer sur le sol d’Asie, ni dans l’île dorienne de Pélops, ce qui n’est pas semé d’une main morte telle, ce germe né de lui-même, qui fait peur aux épées, et qui fleurit surtout dans cette terre, ici croît la feuille de l’olivier, nourrice de la jeunesse, cette feuille que ni jeune ni vieux général ne déracinera de sa main : car toujours la regarde l’œil de Jupiter, maître du destin, et la prunelle de Minerve. […] C’est par là que ce poëte, nommé le plus tragique, a tant de charme et des tons si variés dans son art.

533. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Le temps ne sait encor de quel nom te nommer ; Un long frémissement circule dans les mondes, Quand l’un d’eux a trouvé dans ses veines profondes Quelques lettres pour le former ! […] Veyrat, vu à son rang dans la grande armée des poëtes, n’est pas un de ces chefs qu’on montre de loin et qu’on nomme : il est seulement, et c’est beaucoup déjà, un des premiers entre les seconds. — Et maintenant que j’ai fait ma station au tombeau d’un mort, je reviens aux vivants.

/ 2092