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306. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Une direction, un type, un entreprenant, un but, peuvent apparaître seuls et sans suite : une force, une variété animale, une masse d’hommes actifs, une volonté ne peuvent être conçus indéterminés ; le rapport qui unit ces deux facteurs est le même que celui qui relie la forme et la substance d’Aristote ; c’est un rapport de plasticité, de formation, d’assimilation, d’imitation enfin ; des facteurs que cette relation unit en un ensemble, c’est le premier en fonction de temps qui est le générateur et qui participe le plus largement à l’existence ; comme un nombre produit ceux qui le suivent et se multiplie en eux, un grand homme s’agrège la foule et grandit par sa masse. […] L’histoire d’une nation, d’une littérature est l’histoire de ces grandioses communications ondes vitales, prises et décrites dans leur source, dans l’âme où elles s’élancent, mesurées dans leur parcours, dans les âmes où elles agissent, révélant par leur extension et par leur nombre combien un peuple compte d’hommes, d’êtres existant par soi et existant en autrui. […] Que ce soit bien la pratique des plaisirs artistiques qu’il faille accuse de ces défaillances et non l’opulence, l’exemple de la défense de Carthage contre Rome le montre, et celui de l’Angleterre, qui, malgré une extrême richesse, est restée vivace, parce que sans doute les plaisirs esthétiques n’y sont, n’y étaient naguère, le partage que d’un très petit nombre. […] La première, en décomposant les œuvres d’art en leurs éléments, et en étudiant le jeu des bons moyens d’expression et des émotions exprimées, fournira à l’esthétique un grand nombre de faits et permettra de fonder les généralisations futures de cette science sur de larges assises d’observations. […] Au contraire, Tarde parlera plus volontiers du caractère anonyme, non charismatique, de l’innovation : « un nombre considérable d’idées petites ou grandes, faciles ou difficiles, le plus souvent inaperçues à leur naissance, rarement glorieuses, en général anonymes » (ibid.

307. (1694) Des ouvrages de l’esprit

C’est une expérience faite, que s’il se trouve dix personnes qui effacent d’un livre une expression ou un sentiment, l’on en fournit aisément un pareil nombre qui les réclame : ceux-ci s’écrient, pourquoi supprimer cette pensée ? […] Balzac, pour les termes et pour l’expression, est moins vieux que Voiture, mais si ce dernier, pour le tour, pour l’esprit et pour le naturel ; n’est pas moderne, et ne ressemble en rien à nos écrivains, c’est qu’il leur a été plus facile de le négliger que de l’imiter ; et que le petit nombre de ceux qui courent après lui, ne peut l’atteindre. […] Ce qu’il y a eu en lui de plus éminent, c’est l’esprit, qu’il avait sublime, auquel il a été redevable de certains vers, les plus heureux qu’on ait jamais lus ailleurs, de la conduite de son théâtre, qu’il a quelquefois hasardée contre les règles des anciens, et enfin de ses dénouements ; car il ne s’est pas toujours assujetti au goût des Grecs et à leur grande simplicité ; il a aimé au contraire à charger la scène d’événements dont il est presque toujours sorti avec succès : admirable surtout par l’extrême variété et le peu de rapport qui se trouve pour le dessein entre un si grand nombre de poèmes qu’il a composés. […] L’on a cette incommodité à essuyer dans la lecture des livres faits par des gens de parti et de cabale, que l’on n’y voit pas toujours la vérité : les faits y sont déguisés, les raisons réciproques n’y sont point rapportées dans toute leur force, ni avec une entière exactitude ; et, ce qui use la plus longue patience, il faut lire un grand nombre de termes durs et injurieux que se disent des hommes graves, qui d’un point de doctrine, ou d’un fait contesté se font une querelle personnelle. […] L’on écrit régulièrement depuis vingt années ; l’on est esclave de la construction ; l’on a enrichi la langue de nouveaux mots, secoué le joug du latinisme, et réduit le style à la phrase purement française ; l’on a presque retrouvé le nombre que Malherbe et Balzac avaient les premiers rencontré, et que tant d’auteurs depuis eux ont laissé perdre ; l’on a mis enfin dans le discours tout l’ordre et toute la netteté dont il est capable : cela conduit insensiblement à y mettre de l’esprit.

308. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Sumner Maine en fait justement la remarque2 ; leur idéal, « le bonheur général, c’est-à-dire le plus grand bonheur du plus grand, nombre » n’est recevable que s’ils prêtent à tous les individus un droit égal à la jouissance. […] Le nombre des fonctions héréditairement transmises va diminuant, tandis qu’augmente celui des fonctions individuellement acquises après concours. […] Et leur respect des décisions de la majorité ne s’explique-t-il pas parce que, comme le dit Tocqueville11, il leur paraît invraisemblable qu’ayant tous des lumières pareilles, la vérité ne se rencontre pas du côté du plus grand nombre ? […] On démontrera peut-être que l’agencement des lois sur la transmission des propriétés foncières, par exemple, doit avoir pour conséquence indirecte la pauvreté d’un nombre toujours plus grand d’individus ; il n’en reste pas, moins qu’aucune loi, formellement et directement, ne leur interdirait la richesse. […] Plantées sur un territoire limité, elles n’abritent, qu’un nombre d’hommes déterminé.

309. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Les idées sont innombrables : le nombre des mots est restreint ; le dictionnaire de l’Académie en contient environ 27 000. Il ressort évidemment de là que les idées qui ont un équivalent fixe et permanent dans un mot du dictionnaire sont le petit nombre.

310. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Elles peuvent être mises au nombre de ces maux qui produisent quelquefois un grand bien. […] On a tâché d’intéresser par un grand nombre d’anecdotes singulières, par un choix de vers souvent peu connus, imités ou traduits librement.

311. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 36, de la rime » pp. 340-346

Cependant l’agrément de la rime n’est point à comparer avec l’agrément du nombre et de l’harmonie. […] Ce même son final, repeté au bout d’un certain nombre de syllabes, faisoit une espece d’agrément, et il sembloit marquer ou il marquoit, si l’on veut, quelque cadence dans les vers.

312. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Or : 1° une moyenne représente mal les quantités différentes auxquelles on la substitue pour les commodités de la statistique, car elle ne dit pas quelle est leur distribution sur l’échelle numérique ; les quantités extrêmes, qu’elles soient en petit nombre ou en grand nombre, sont également annulées, et, dans le second cas, l’inexactitude est grave ; 2° s’il s’agit de qualités, comme pour le timbre, la qualité la plus commune représente encore plus mal l’ensemble des qualités hétérogènes. Ainsi, l’image soi-disant générale est toujours une image particulière ; ses éléments quantitatifs sont des moyennes, or une moyenne est un nombre particulier ; ses éléments qualitatifs sont les qualités qui se rencontrent le plus fréquemment dans le genre, c’est-à-dire des qualités particulières, hétérogènes aux qualités que le genre n’exclut pas, mais admet plus rarement. […] Or il est un grand nombre d’idées pour lesquelles l’onomatopée n’est pas possible, aucun son n’y figurant, même comme élément accessoire. […] En résumé, un mot qui a plusieurs sens dans les lexiques et qui éveille, s’il est prononcé isolément, un assez grand nombre d’idées différentes, en éveille encore plusieurs dans le cours d’une phrase mal faite, tandis que, enchâssé dans une phrase à la fois bien conduite et composée de termes choisis, il n’en éveille qu’une seule, celle qui s’accorde avec les idées antérieurement conçues et avec les idées qui la suivent immédiatement dans la conscience. […] C’est un trait commun à toutes les habitudes et à un grand nombre de successions non habituelles, que la vertu suscitante du suscitant est indépendante de la force du suscitant comme état de conscience, et qu’elle reste égale à elle-même ou s’augmente alors que le suscitant lui-même s’affaiblit300.

313. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

A toutes les époques, il est vrai, et sans doute chez tous les peuples, le sens commun en a reconnu, sinon l’importance, du moins la réalité : un certain nombre d’expressions courantes — nous aurons l’occasion de les citer dans la suite de ce travail [ch. […] « L’esprit, dit-il, est tellement accoutumé à se servir de signes qu’il ne pense plus que par leur moyen, et que des vestiges de sons représentent seuls à l’âme toutes les choses, excepté dans le petit nombre de cas où une certaine affection (affectus aliquis) rappelle l’image même de l’objet. » Bonald semble n’avoir pas bien saisi le sens de cette phrase67. […] Parmi nos contemporains, un grand nombre de théoriciens du langage et de psychologues paraissent ignorer jusqu’à son existence ; quelques-uns le signalent et le décrivent sommairement ; c’est ainsi qu’il a été mentionné par Charma107, par le P. […] De ces choses il y en a sans nombre dans la morale, sans nombre dans la poésie, sans nombre dans les beaux-arts…. […] De ces choses, il y en a sans nombre dans la morale, sans nombre dans la poésie, sans nombre dans les beaux-arts.

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