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411. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Il lui manque ce don de la présence, que le Rouge et le Noir possède au suprême degré. […] C’est une de ces fièvres dont le Rouge et le Noir enregistre les épisodes. […] Le Rouge et le Noir appartient à ce groupe. […] Mais les cheyres subsistent, immense et noir amas chaotique de lave refroidie, jadis une coulée bouillonnante et brûlante. […] Ces pages ont servi de préface à l’édition de Rouge et Noir, donnée par M. 

412. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Nous admettons d’emblée que la nymphe Égérie n’était pas un démon succube, et aussi que le grand chien noir de Corneille Agrippa n’était pas le diable en personne. […] Lui qui n’était pas philosophe ni protestant à demi, il jugeait qu’il y avait plus de place encore pour des opinions quelconques sous la noble pourpre flottante de ses patrons que sous l’habit noir serré du ministre ; mais c’était à condition toujours de n’en rien laisser passer242. […] Ç’allait être un beau jour pour lui, le plus beau jour de sa vie, que celui où la publicité de cet établissement unique eût été complète245 ; déjà la porte particulière à l’usage des savants était pratiquée sur la rue ; déjà l’inscription latine destinée à figurer au-dessus, et qui devait dire à tous les passants (aux passants qui savaient le latin) d’entrer librement, se gravait sur le marbre noir en lettres d’or ; Naudé touchait à l’accomplissement du rêve et du labeur de toute sa vie. […] Le Mascurat de Naudé, c’est une espèce de salmigondis épais et noir, un vrai fricot comme nos aïeux l’aimaient, où il y a bien du fin lard et des petits pois. […] Quand on est sage, règle générale, il ne faut jamais se mettre sans nécessité telles gens à robe noire à ses trousses.

413. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

« On voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil ; attachés à la terre qu’ils fouillent, ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine. — En effet, ils sont des hommes !  […] Au temps de La Bruyère, la viande noire était hors de mode ; aujourd’hui, la mode, qui s’attache à tout, n’oserait s’attacher à la viande. […] Mais laissez venir les années et les chagrins ; que votre tête soit moins touffue et moins noire ou moins blonde, que votre regard soit moins limpide, votre cœur moins honnête et votre espérance moins vaste et plus lointaine, alors nous saurons si, en effet, c’est l’art qui vous pousse et vous guide au-delà de cet horizon que vous appelez l’infini ! […] Alors, au milieu des comédiens en habits noirs et des comédiennes en robes blanches, a reparu mademoiselle Mars. […] Il est encore loin… moins que rien… un point noir !

414. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Les Pigeons peuvent nous fournir encore un autre exemple : c’est la réapparition, si fréquente dans toutes les races, d’oiseaux d’un bleu ardoisé, avec un croupion blanc, deux barres noires sur les ailes, une barre noire sur la queue, et les plumes caudales extérieures bordées de blanc vers le côté externe de leur base. […] Par exemple, il est probable qu’à chaque génération le Pigeon Barbe, qui produit le plus rarement de tous des oiseaux bleus barrés de noir, a une tendance constante à revêtir cette couleur de plumage. […] Dans tous les pays, ces rayures apparaissent beaucoup plus souvent chez les individus gris-brun ou gris-souris que chez les autres ; mais ce terme de gris-brun laisse une assez grande marge, et comprend une échelle de tons très divers depuis le brun-rouge et le noir jusqu’à la nuance de crème. […] Le fameux hybride de lord Morton, provenant d’une Jument châtain et d’un Couagga mâle, avait sur les jambes des rayures plus prononcées que chez le pur Couagga ; et même chez la postérité de race pure produite ensuite par la même jument avec un étalon arabe noir, on vit se reproduire les mêmes caractères.

415. (1886) Le roman russe pp. -351

Il en fut quitte pour un léger exil sur les bords de la mer Noire, quelques saisons d’aventures radieuses au Caucase, en Crimée, en Bessarabie. […] Les toits des maisons sont noirs de peuple. […] Parfois une petite gamine aux yeux noirs prend à poignées des gâteaux, des fruits, et les jette au peuple. […] La terre noire commence ; elle allonge à l’infini des plaines ses gras labours, changés l’été en mer de froment. […] Tourguénef n’y a touché qu’incidemment, dans ses dernières œuvres, par des esquisses sommaires, toutes dans la manière noire.

416. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Dans le déluge de suie mouillée, le fleuve bourbeux avec ses bateaux de fer infatigables, noirs insectes, qui débarquent et embarquent des ombres, fait penser au Styx. […] Les clerks, sans se presser, crient les numéros ; les hommes poussent ou tirent sans confusion, avec calme, épargnant leur peine, pendant que le maître flegmatique, en chapeau noir, commande gravement avec des gestes rares et sans prononcer un mot. […] Les hauts fourneaux flamboient dans la brume ; j’en ai compté seize en un seul tas ; les débris de minerais s’amoncellent comme des montagnes ; les locomotives courent, semblables à des fourmis noires, d’un mouvement automatique et violent ; et tout d’un coup on se trouve engouffré dans la ville monstrueuse. […] Liverpool, Manchester et une dizaine de villes de quarante à cent mille âmes germent comme une végétation sur le bassin du Lancashire ; jetez les yeux sur la carte, et voyez les districts teintés de noir, Glasgow, Newcastle, Birmingham, le pays de Galles, toute l’Irlande, qui n’est qu’un bloc de charbon.

417. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Çà et là, quelques femmes aux yeux noirs et à la bouche gracieuse des Athéniennes, sortaient, au bruit des pas de nos chevaux, sur le seuil de leur porte, nous souriaient avec bienveillance et étonnement, et nous donnaient le gracieux salut de l’Attique : « Bienvenus, seigneurs étrangers, à Athènes !  […] XLVII C’était une belle et pure soirée : le soleil dévorant descendait noyé dans une brume violette sur la barre noire et étroite qui forme l’isthme de Corinthe, et frappait de ses derniers faisceaux lumineux les créneaux de l’Acropolis, qui s’arrondissent, comme une couronne de tours, sur la vallée large et ondulée où dort silencieuse l’ombre d’Athènes. […] LIII Plus haut, en gravissant une noire colline couverte de chardons et de cailloux rougeâtres, vous arrivez au Pnyx, lieu des assemblées orageuses du peuple d’Athènes et des ovations inconstantes de ses orateurs ou de ses favoris. D’énormes blocs de pierre noire, dont quelques-unes ont jusqu’à douze ou treize pieds cubes, reposent les uns sur les autres, et portaient la terrasse où le peuple se réunissait.

418. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

IX « Il y avait, à quelques pieds au-dessous de la croisée de Cosette, dans la vieille corniche toute noire du mur, un nid de martinets ; l’encorbellement de ce nid faisait un peu saillie au-delà de la corniche, si bien que d’en haut on pouvait voir le dedans de ce petit paradis. […] Ceci coïncida avec un nuage noir qui cacha brusquement le soleil. […] Si le peuple laisse tomber sa boule noire, l’idée est fruit sec ; l’insurrection est échauffourée. […] Mais qu’on fasse espérer aux peuples, fanatisés d’espérances, le renversement à leur profit des inégalités organiques créées par la force des choses, et maintenues par la nature elle-même sous peine de mort ; qu’on leur persuade que les deux bases fondamentales de toute société non barbare, la propriété et la famille, ces deux constitutions de Dieu et non de l’homme, peuvent être déplacées par le radicalisme sans que tout s’écroule à la fois sur la tête des radicaux comme des conservateurs, c’est là le rêve, c’est là la démence, c’est là le sacrilège, c’est le drapeau rouge ou le drapeau noir de la philosophie sociale !

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