Et ce qui est le plus merveilleux, c’est que je le chante, et pourtant je ne sais pas la musique.
Tantôt plus lent et tantôt plus pressé, plus fort ou plus doux, plus impétueux ou plus languissant, il est dans l’ode ou dans l’élégie, comme le souvenir de leur alliance avec la musique, et à ce titre, il fait une partie nécessaire de la notion ou de la définition même du lyrisme. C’est pourquoi, chez tous les grands lyriques, indépendamment de la valeur des idées ou du sens des mots, « les mouvements », comme en musique, ont en eux, par eux seuls, et leur pouvoir, et leur valeur, et leur beauté. […] Il nous suffira d’interroger encore l’abbé Dubos : « Il y a, d’ailleurs, parmi la nation des domestiques, beaucoup plus de savoir-vivre et d’éducation qu’autrefois… Un petit bourgeois ne recevra pas un laquais, même une cuisinière, qu’ils ne sachent lire et écrire… La musique est devenue la maladie de la nation… Un nouvel art est né, qu’on ignorait presque avant la guerre, celui de faire valoir son argent sur la place par billets payables au porteur… » Ce dernier trait nous explique la facilité que Law trouvera quelques années plus tard pour l’application de ses plans : il y avait vingt-cinq ans que « la place » y était préparée.
Il est très sensible dans la musique, dans la sonate comme dans la symphonie, et aussi dans le développement psychologique de l’enfant, depuis le moment où il commence à parler, jusqu’à celui où il se met à conjoindre des concepts. […] C’est lui qui se pâme aux Poèmes barbares de Leconte de Lisle, ou chose pire, aux luisants et vides Trophées de Hérédia, plus tard aux hideux exercices mécaniques d’Henri de Régnier, lesquels sont à la poésie véritable, ce que le pianola est à la musique et la gymnastique rationnalle aux mouvements naturels de l’être humain. […] Qu’il s’agisse de peinture (Goya, Manet), de musique (Tannhauser, Beethoven), de gravure (Méryon), du sens de la rectification historique ou littéraire (Edgar Poe, Quincey), de linguistique et de style (Mon cœur mis à nu), d’analyse intellectuelle et sentimentale, le génie pénétrant, vibrant, dru, chaud et sûr de Baudelaire provoquait autour de lui une sorte de crainte. […] Nous sommes en plein déménagement, et le piano est dans l’escalier, je veux dire la musique et les chœurs d’Evolution-progrès, dont on nous rabattait les oreilles.
La musique a soupiré, menacé, gémi, et dès lors ses modulations imitatives des accents du cœur ont enchanté l’oreille humaine. […] Les accents cadencés des oiseaux avaient été d’abord imités parle chant : on assujettit enfin les mots au rythme, inventé déjà pour les sons : les voix alors concordèrent avec le rythme de la musique et de la danse, et les transports de la joie s’exprimèrent en paroles mesurées. […] Le spectacle, les machines, les vers, la musique, la pantomime, et la danse, rendent son imitation généralement merveilleuse. […] Jamais invention lyrique ne causa de trouble si agréable aux spectateurs, et jamais la musique, qui supplée au style dans les opéras, n’exprima par des sons plus vrais les nobles et galantes passions des preux de l’histoire moderne. […] La dernière différence entre nos pièces et les pièces anciennes tient à la suspension de nos cinq actes par la musique de nos orchestres ; division inusitée chez les Grecs, dont les drames ne formaient qu’un seul acte entrecoupé par les chœurs, qui restaient en place durant toute l’action : elle se composait du prologue, devenu chez nous l’exposition ; de l’épisode, qui n’est dans le fait que le nœud ; de l’exode, qui correspond à notre dénouement ; et, enfin, d’un chant du chœur, nommé complainte, qui achevait de remplir l’âme des spectateurs des sentiments de terreur ou de pitié qu’avait inspirés la fable.
Et la tempête, les coups de bélier de la houle, les sifflets aigus, les hurlements, toute la musique d’effroi des mauvais jours, qui donc en a ainsi noté l’orchestration ? […] Elle forma son intelligence et son cœur, l’allaitant de christianisme, le berçant de la « musique » de Racine, tempérant ce que la paternité sénatoriale 29 du président avait de trop austère. […] Qu’est-ce que ces crayonnages sommaires, tortils de branchages, emmêlements d’herbes et de fleurs, brindilles « qui semblent des croches sur un papier de musique », galbes de quadrupèdes, d’oiseaux, de reptiles, de poissons, mimiques humaines enfin, comprises et copiées avec la même vivacité heureuse, surtout le geste menu et la mignardise drôle de ce petit être pliant et enlaçant qu’est la femme japonaise ?
Un de leurs anciens s’est tourné contr’eux, indigné de les entendre déraisonner sur la musique. […] Comme ils n’avoient pas encore été mis en musique, ils furent adaptés aux airs de vaudeville le plus en vogue. […] On mit ceux de Marot en musique : ils acquirent un nouveau mérite.
Mais cette douce émotion passe comme un beau rêve, comme un bel air de musique, comme un bel effet de lumière, comme tout ce qui est bien, comme tout ce qui, nous touchant vivement, ne doit par cela même durer qu’un instant. » Certes de telles pages, négligemment jetées et venues comme d’elles-mêmes dans une brochure plutôt politique, attestent mieux que tout ce qu’on pourrait dire un coin de nature d’artiste bien mobile et bien franche (genuine), ouverte à toutes les impressions, et digne, à certains moments, de tout comprendre et de tout sentir.
Je ne sais quelle musique céleste se faisait entendre dans le désert et semblait annoncer que la source sortirait bientôt du sein même du rocher.