Le Philopœmen de cette université, l’anatomiste Albinus vient de mourir, et le célèbre Camper, trop envié, n’a pu le remplacer.
En allant de ce fossé vers la gauche, le terrain s’élève et l’on voit à terre des drapeaux, des tymballes, des armes brisées, des cadavres, une mêlée de combattans formant une grande masse où l’on discerne un cavalier blanc à demi-renversé, mort et tombant en arrière vers la croupe de son cheval ; plus sur le fond, de profil, un cavalier brun dont le cheval se cabre et qui meurt. à la fumée, et à la lueur forte et rougeâtre qui colore cette fumée, on reconnaît l’effet d’un coup de canon.
Monsieur le marquis de La Fare que le monde et la république des lettres regretterent comme un de leurs plus beaux ornemens lorsqu’il mourut en 1712 avoit prié monsieur l’abbé De Chaulieu de lui donner son portrait.
Il arrivait chaque soir, à la même heure — au même café, s’appuyant d’une main sur la large pomme d’ivoire d’une canne courte et trapue, — et de l’autre, sur un parapluie couleur feuille morte.
Avant de mourir, il appliquait sa volonté, toujours opiniâtre, à noter sous une forme plastique la succession des rêves et des cauchemars, avec la précision d’un sténographe qui écrit le discours d’un orateur.
Dans le monde qui n’est qu’une immense étreinte, où chaque atome de chaque vivant reçoit et déverse mille sensations variées, profondes ou fugitives, de douleur et de joie, où chaque impondérable molécule de chair est, à chaque seconde, baignée par les flots continus, en marche éternelle, d’êtres innombrables qui subissent eux-mêmes la même toute puissante fécondation, où les floraisons humbles ou géantes de l’action, s’épanouissent et meurent, nourrissant de leurs parfums et réchauffant de leur éclat la mouvante foule autour d’eux, dans ce monde où la grandeur naît de l’enlacement des forces, le solitaire amoureux de lui-même, refermant sur son être, d’un geste de farouche et pudique fierté, le triple voile de son dédain, de sa mélancolie et de son art, se dresse devant le monde stupéfait comme la victime de l’exil dans un monde de douleur insondable.
Au plus haut point de grandeur morale, Socrate expire : vous n’avez plus sous les yeux que son cadavre ; la figure morte conserve sa beauté, tant qu’elle garde les traces de l’esprit qui l’animait ; mais peu à peu l’expression s’éteint ou disparaît ; la figure alors redevient vulgaire et laide. […] L’analyse chimique la plus subtile ne parvient point à une nature morte et inerte, mais à une nature organisée à sa manière, et qui n’est dépourvue ni de forces ni de lois. […] La seule douceur de ses tristes jours, sa seule consolation était sa femme : il la perd, et va mourir à trente-huit ans dans ce cloître des Chartreux que son pinceau a immortalisé. […] Le nouveau duc mourut jeune encore, en 1655, à trente-neuf ans. […] La foi naïve est morte, mais une foi réfléchie ne la peut-elle remplacer ?
A propos de la parole de Julien Sorel : On meurt comme on peut 1. […] — Nous aussi, nous mourrons, dit Gillette, comme si elle avait lu la pensée de son amant. […] On saute par-dessus le raisonnement ; ou bien on fait le tour, pour aller plus vite, et l’on continue de courir jusqu’à ce que l’on meure — que l’on meure tout seul, comme on a vécubr ». […] Ou y a-t-il vraiment des gens à qui la vie telle qu’elle est convienne, et à qui il paraisse tout simple de naître, de voir mourir autour d’eux, de sentir la main invisible qui s’appesantit sur eux, sillonne leurs traits, et affaiblit leurs organes, enfin de mourir eux-mêmes ? […] Il faut qu’il reste d’elle (la femme alors morte du narrateur) en ta mémoire une image aussi parfaite que possible.