Ce n’est que tout à l’heure, au moment où, selon l’usage des auteurs de terminer par où le lecteur commence, il allait élaborer une longue préface, qui fût comme le bouclier de son œuvre, et contînt, avec l’exposé des principes moraux et littéraires sur lesquels repose sa conception, un précis plus ou moins rapide des divers événements historiques qu’elle embrasse, et un tableau plus ou moins complet du pays qu’elle parcourt ; ce n’est que tout à l’heure, disons-nous, qu’il s’est aperçu de sa méprise, qu’il a reconnu toute l’insignifiance et toute la frivolité du genre à propos duquel il avait si gravement noirci tant de papier, et qu’il a senti combien il s’était, pour ainsi dire, mystifié lui-même, en se persuadant que ce roman pourrait bien, jusqu’à un certain point, être une production littéraire, et que ces quatre volumes formaient un livre.
Or, il est certain qu’on trouve dans l’Écriture : L’origine du monde et l’annonce de sa fin ; La base des sciences humaines ; Les préceptes politiques depuis le gouvernement du père de famille jusqu’au despotisme ; depuis l’âge pastoral jusqu’au siècle de corruption ; Les préceptes moraux applicables à la prospérité et à l’infortune, aux rangs les plus élevés, comme aux rangs les plus humbles de la vie ; Enfin, toutes les sortes de styles ; styles qui, formant un corps unique de cent morceaux divers, n’ont toutefois aucune ressemblance avec les styles des hommes.
Au reste, les sages de la Grèce envisageaient la société sous les rapports moraux ; nos derniers philosophes l’ont considérée sous les rapports politiques.
Je conviens encore une fois qu’il peut y avoir en ce monde certains enchaînements nécessaires de faits moraux. […] Mais on ne saurait nier la grande portée sociale qu’il emprunte des circonstances présentes, et l’on n’ébranlera point les conclusions morales auxquelles il nous mène. […] Il faudrait dire les trois romans ; car, sans parler des épisodes, en voilà trois bien comptés : une histoire d’amour, une crise d’affaires, un récit moral. […] Que dire maintenant des intentions morales que décèle la régularité géométrique avec laquelle M. […] Elle n’a été exempte, dans ces dernières années, d’aucune des maladies morales qui travaillent le reste de l’Europe.
Les maladies morales dont le dix-neuvième siècle est atteint y ont mis leur empreinte, et les éclairs de la passion y brillent à côté des éclairs de l’épée. […] Pour celles-là, il y a quelquefois un enseignement moral dans la peinture de l’immoralité et de ses résultats. […] On éprouve une sensation de froid et d’obscurité en parcourant ces pages ; l’âme, ce soleil moral qui éclaire et échauffe, en est absente. […] Comment pourrait-il y avoir mariage là où il y a un divorce intellectuel et moral ? […] Il n’a pas assez songé qu’il y avait là une tentation pour Jean Valjean, dont le sens moral est comme oblitéré et dont la convoitise s’allume.
Où l’auteur avait le mieux réussi, c’était en traduisant les joies intimes et les tristesses discrètes du foyer, les grandeurs et les misères morales de la vie domestique dans notre civilisation bourgeoise.
Or les phénomènes divers que l’on y rencontre peuvent se ranger en neuf classes : 1° Economiques ; 2° Politiques ; 3° Juridiques ; 4° Familiaux ; 5°, Mondains ; 6° Religieux ; 7° Moraux ; 8° Scientifiques ; 9° Artistiques.
M. l’Abbé Veli avoit très-sagement senti que l’Histoire d’un Peuple ne se borne pas à l’Histoire de ses Rois ; que le tableau de ce qu’il a été dans l’ordre moral & civil, est pour le moins aussi piquant, aux yeux d’un Lecteur avide & éclairé, que celui des révolutions de son Gouvernement.