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1768. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

C’est, dit-il, un effet de l’influence du moral sur le physique. […] Il y serpente, sous une profusion de maximes morales, je ne sais quelle veine de sensibilité qui deviendra plus tard la sensiblerie du xviiie  siècle. […] Il a raconté les amours de ce faiseur de Contes moraux avec Mlle Verrière ? […] Je pose en fait qu’entre eux tous ils n’ont pas augmenté d’une seule connaissance la somme des vérités psychologiques et morales que leur avait léguées le siècle précédent. […] Une grande ignorance de la technique de l’art, et cette ignorance non seulement avouée, déclarée, professée par endroits, ce qui ne pourrait, après tout, que faire honneur à la franchise de Diderot, — mais les lacunes, et pour ainsi dire les trous, que cette ignorance a creusés dans les Salons du philosophe, comblés tant bien que mal par des considérations littéraires, ou morales, ou philosophiques, à moins que ce ne soit par des contes graveleux et des histoires indécentes.

1769. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Le Génie part d’un principe, en apparence esthétique, en réalité social, tandis que Pascal partait d’un principe moral, la nature humaine, Bossuet d’un principe historique, la perpétuité. […] Et je ne songe pas ici à des raisons littéraires, mais à des raisons morales. […] Certes, un sens moral s’en dégage, mais la matière morale n’y a été incorporée qu’une fois assimilée par l’art, comme un animal n’incorpore qu’assimilées par le végétal les substances chimiques dont il vit. […] La philosophie bergsonienne aurait pu avoir sur cette critique une influence considérable (je m’expliquerai là-dessus ailleurs) ; de fait, elle n’en a pas eu, pas plus que sur quoi que ce soit, hors la philosophie elle-même, et cela se comprend : il faut longtemps à une philosophie pour passer dans le domaine des idées courantes, morales, politiques, esthétiques, fleuves qui ne grossissent que lorsque fondent, la saison suivante, les hautes neiges de la pensée. […] Daudet est encadré entre un Victor Hugo on La Légende d’un Siècle et un Émile Zola ou Le Romantisme de l’Égout, qui font de Hugo et de Zola les titulaires de deux loges dans l’Enfer littéraire, politique et moral.

1770. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Tu vis du ciel, tu dois disputer709. » Encouragé, il dispute ; mais sainte Catherine argumente vigoureusement : « La raison combat contre votre chère religion, —  car plusieurs dieux feraient plusieurs infinis ; —  ceci était connu des premiers philosophes, —  qui sous différents noms n’en adoraient qu’un seul, —  quoique vos vains poëtes se soient ensuite trompés — en faisant un dieu de chaque attribut. » Apollonius se gratte un peu l’oreille, et finit par répondre qu’il y a de grandes vérités et de bonnes règles morales dans le paganisme. […] » L’abattement viendra après l’excès ; ces sortes d’âmes ne sont trempées que contre la crainte ; leur courage n’est que celui du taureau et du lion ; il a besoin, pour demeurer entier, du mouvement corporel, du danger visible ; c’est le tempérament qui les soutient ; devant les grandes douleurs morales, ils s’affaissent.

1771. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Nous sommes très persuadés que les parias dont Paris est infesté sont arrivés dans leur anéantissement moral, souvent par la faute d’autrui plus que par la leur, et nous ne désapprouvons pas la charité publique disposée à s’émouvoir de leurs souffrances. […] Est-ce que cet âge voit durer ses douleurs morales pendant tant de pages, et ne savons-nous pas combien la consolation est prompte à descendre sur la jeunesse et à lui rendre la force d’avancer dans la vie ?

1772. (1911) Nos directions

Approuvé par Gide, le titre Nos Directions laisse attendre une sorte de programme collectif, d’une manière d’autant plus nette que ce terme a été très volontiers utilisé par les fondateurs de la NRF, « pris en un sens intellectuel et esthétique, pour désigner les lignes maîtresses d’une œuvre d’art », chez Rivière, traversant « une frontière invisible entre l’artistique et le moral avec Copeau », orienté « vers l’esthétique ou vers l’éthique » par Ghéon2. […] Jamais ne s’y doivent toucher, joindre, heurter deux mondes moraux différents — et dans ce heurt, quelles ressources ! […] Le monde lui apparaîtrait non plus comme une combinaison de chinoiseries sociales, mais comme le champ de bataille des antagonismes moraux. […] Je dirai plus : aucun germe moral, aucune propulsion idéaliste.

1773. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Après tout, le Philistin seul aura l’idée de blâmer Jack Absolute de sa tromperie, Bob Acres de sa couardise, et Charles Surface de son extravagance, et c’est perdre à peu près son temps que donner carrière à son sens moral aux dépens de son appréciation artistique. […] Il ne propose pas davantage de recourir à des raisons morales pour décerner les prix à ceux qui arrivent les derniers dans la course. […] Il ne se met point en peine de distinctions morales. […] Le récit de la visite faite par le respectable Confucius au Grand Voleur Chê est des plus animés, des plus brillants, et il est impossible de ne pas rire de la déconfiture finale du Sage, qui voit la stérilité de ses platitudes morales rudement mise en lumière par l’heureux bandit.

1774. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

C’est là un triste état moral pour une nation et le plus grand symptôme de l’énervement intellectuel.

1775. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

, le monde physique comme le monde moral avait commencé par un état plus parfait, plus pur et plus lumineux, par un Éden dans lequel l’homme naissant avait entendu les confidences de Dieu par des révélateurs divins.

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