Quelques amitiés solides et variées, un petit nombre d’intimités au sein des êtres plus rapprochés de nous par le hasard ou la nature, intimités dont l’accord moral est la suprême convenance ; des liaisons avec les maîtres de l’art, étroites s’il se peut, discrètes cependant, qui ne soient pas des chaînes, qu’on cultive à distance et qui honorent ; beaucoup de retraite, de liberté dans la vie, de comparaison rassise et d’élan solitaire, c’est certainement, en une société dissoute ou factice comme la nôtre, pour le poëte qui n’est pas en proie à trop de gloire ni adonné au tumulte du drame, la meilleure condition d’existence heureuse, d’inspiration soutenue et d’originalité sans mélange.
Telles qu’on les peut lire aujourd’hui, sous cette forme de révision sévère, la suite de leçons où figurent successivement tant de noms célèbres dans l’ordre philosophique ou moral, Helvétius, Saint-Lambert, Hutcheson, Smith, est d’un aimable autant que sérieux intérêt.
Car après les trois jours, durant deux années, le saint-simonisme a été en grande partie cela. à ce sujet, on nous, permettra de citer ici quelques vers laissés par un jeune saint-simonien mort, Bucheille ; le sentiment qu’il éprouve en approchant du groupe qu’il considère comme sacré, ce détachement des autres amitiés et des liens antérieurs, cette illusion d’un essor plus vaste et d’un rajeunissement moral, tous ces symptômes, que beaucoup ont partagés, y sont assez naïvement réfléchis : nous n’avons supprimé qu’un bout d’amourette vers la fin ; et c’était là encore un trait qui d’ordinaire ne faisait pas faute.
On trouve bien çà et là dans les auteurs quelques pensées philosophiques, quelques réflexions morales propres à guider le lecteur dans la recherche des causes qui amenèrent la chute de la République ; mais ce ne sont que des aperçus partiels, des données incomplètes, des systèmes vagues et quelquefois superficiels.
Pour le développement de ces idées, je ne puis que renvoyer à l’Avant-Propos du recueil d’études morales et littéraires que j’ai récemment publié sous le titre Hommes et Livres (Lecène et Oudin, in-18).
Entre les œuvres nettement caractérisées qui se classent dans les genres définis, entre les fabliaux, les poèmes didactiques et le lyrisme courtois, s’étale une masse confuse de pièces, chansons, complaintes, dits, disputes, congés, qu’on est souvent embarrassé de classer, où ne domine aucun caractère exclusivement narratif, moral ou lyrique.
Il a honte de lui ; il a des idées de conversion, de perfectionnement moral.
N’abandonnons pas ce principe fondamental, que l’homme est un être raisonnable et moral, avant d’être parqué dans telle ou telle langue, avant d’être un membre de telle ou telle race, un adhérent de telle ou telle culture.