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396. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

À cette époque, écrit-il d’un ton hiératique, tout à la fois mystique et mystérieux, beaucoup d’âmes « se révélèrent à moi, ne craignirent pas de montrer des blessures cachées, apportèrent leurs cœurs saignants. […] En ces petits livres vraiment curieux que l’on pourrait appeler « les petites métamorphoses de Michelet », la science, qui veut se montrer à toute force, ne balance pas comme il le faudrait l’imagination qu’on y trouve. […] VII Le livre de Michelet, qu’il appelle la Mer, avec une simplicité trop grandiose, n’est pas du tout l’élément mystérieux et indomptable, le sublime lieu commun des poètes, dont lord Byron, dans les vers les plus beaux peut-être qui aient jamais été écrits, a montré l’originalité immortelle. […] … Il est vrai que Michelet ne reconnaît pas cette vieillerie de Dieu, qu’il a supprimée dans son livre un peu plus aisément que la science ne supprimera la tempête, et que c’est même là le seul point — le dédain de Dieu et la possibilité de s’en passer très bien — qui reste fixe sous les pirouettes de cet esprit toton qui nous a montré tant de faces et qui doit nous en présenter bien d’autres avant qu’il cesse de tourner !

397. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Il y a quelque honneur à lui de n’avoir été au commencement du dix-huitième siècle ni un courtisan dissolu, ni un philosophe de bel air, ni un parlementaire étroit, mais de s’être montré dès l’abord citoyen sérieux sous la Régence, économiste sous le système, et plus tard ministre intègre sous Pompadour. […] Le caractère du style aussi bien que de la vie du marquis d’Argenson est le bon sens, comme on le croira sans peine ; ennemi du clinquant et de ce qu’il appelle les épigrammes politiques, il ne l’est pas moins des pointes et des épigrammes du langage ; avide avant tout de vérités proverbiales, de dictons populaires, et heureux d’en confirmer sa pensée, la trivialité même ne l’effraye pas, il ne l’évite jamais ; mais par malheur la raison n’est pas toujours triviale ; il arrive donc souvent aux saillies à force de sens, et beaucoup de ses comparaisons sont piquantes parce, qu’elles sont justes, Qu’Albéroni, par exemple, vivant à Rome après sa disgrâce, entreprenne, au nom du pape, souverain temporel, la conquête de la petite république de Saint-Marin ; M. d’Argenson, qui vient de nous exposer avec précision et peut-être sécheresse les travaux et les talents du cardinal, saura bien ici nommer cette entreprise une parodie des comédies héroïques qu’Albéroni a données à l’Espagne vingt ans auparavant, et, lui-même, le montrer joueur ruiné quoique habile qui se conduit en jouant aux douze sous la fiche, comme il faisait autrefois en jouant au louis le point.

398. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Un exemple montrerait bien la chose. […] Il faut forcer à se les montrer, les faire lever : c’est une chasse où il n’y a pas de repos.

399. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

L’esprit qu’elles lui donnent lieu de montrer, engage d’autres personnes à l’aider, et lui-même il court au devant des secours qu’elles lui présentent. […] Il tombera dans les mains de quelqu’un qui le destinera aux emplois ecclesiastiques ; et toutes les communions chrétiennes sont remplies de personnes charitables qui se font un devoir de procurer l’éducation convenable à des étudians indigens, qui montrent quelque lueur de génie, et cela dans la vûë de procurer de bons sujets à leurs églises.

400. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Elles se montrent alors les unes et les autres, sans parure, sans charme, sans cortège, avec mille contradictions ; ce sont des dieux étrangers ou des rois détrônés. […] S’il fait autre chose que leur montrer ce qui est déjà en eux, il n’aura réussi qu’à être trouvé étrange, qu’à être considéré comme un homme d’imagination : il faut de la sympathie et des points convenus entre tous ; et l’émotion qui s’arrête sur le bord de la tribune, sans aller au-delà, finit par s’y éteindre.

401. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

L’Académie des Inscriptions avait proposé d’examiner quel était, à l’avénement de saint Louis, l’état du gouvernement et de la législation en France, et de montrer, à la fin du même règne, ce qu’il y avait d’effets obtenus et de changements opérés par les institutions de ce prince. […] Dom Brial aussi, le dernier des bénédictins, s’était montré, au sein de l’Institut, l’un des plus favorables à un travail où la nouveauté du talent rehaussait, sans la compromettre, la solidité. […] A propos des similitudes frappantes et presque des symétries d’accidents qui sautent aux yeux entre l’avénement de la seconde race et celui de la troisième, il disait : « Cette analogie de causes et d’effets est remarquable, et prouve combien les choses agissent avec suite, s’accomplissent de nécessité, et se servent des hommes comme moyens, et des événements comme occasions. » Après avoir montré dans saint Louis le principal fondateur du système monarchique, il suivait les progrès de l’œuvre sous les plus habiles successeurs, et faisait voir avec le temps la royauté de plus en plus puissante et sans contrôle, roulant à la fin sur un terrain uni où elle n’éprouva pas d’obstacle, mais où elle manqua de soutien ; si bien qu’un jour « elle se trouva seule en face de la Révolution, c’est-à-dire d’un grand peuple qui n’était pas à sa place et qui voulait s’y mettre, et elle ne résista pas. […] Quant à ces neveux si vite consolés dont parle De Maistre, et que l’inexorable écrivain n’a pas craint de montrer dansant sur les tombes ; quant à ceux dont Béranger avec plus de sensibilité disait : Chers enfants, dansez, dansez, Votre âge Échappe à l’orage ! […] M.Mignet a plus fait pour Louis XIV que tous les panégyristes : il nous a ouvert l’intérieur de son cabinet et l’a montré au travail comme roi, judicieux, prudent dès la jeunesse, invariablement appliqué à ses desseins et ne s’en laissant pas distraire un seul instant, au cœur même des années les plus brillantes et du sein des pompes et des plaisirs.

402. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Le début du chapitre de la Ville est le sommaire d’une description faite bien des fois par nos romanciers, l’indication d’un tableau ou d’une aquarelle que nos artistes nous ont montrée bien des fois : ces lieux mondains où le tout-Paris se rassemble pour se montrer et se voir, au xviie siècle, les Tuileries ou le Cours, aujourd’hui un vernissage, une allée du Bois, un retour de courses. .Mais je ne sais rien de plus caractéristique que le portrait de Nicandre, ou l’homme qui veut se remarier455 : ce n’est pas un portrait, à vrai dire, c’est l’esquisse d’un dialogue, où il n’y a qu’à remplir les répliques de l’interlocutrice, laissées en blanc par La Bruyère, et faciles à suppléer : tout le rôle de Nicandre est noté avec une précision singulière. […] Ressusciter le passé, montrer la vie des peuples et le progrès de la civilisation, voilà l’idée que Fénelon se fait de la tâche de l’historien : idée singulièrement originale en un temps où l’on n’avait que Mézeray et le P. […] L’idée générale du livre est de soumettre la politique à la morale chrétienne : il faut reconnaître qu’il n’y avait pas d’autre façon de montrer les choses à un enfant destiné à régner ; l’essentiel était qu’il tirât de ses études une bonne règle de conduite. […] Il l’exerce aussi : il l’a montré à Cambrai pendant les plus dures années de la guerre.

403. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Sans vouloir dérouler la longue histoire des façons, diverses dont l’amour a été compris par les différentes époques, il est permis de choisir quelques exemples pour montrer les phases extrêmes par où ont passé ce sentiment et son expression. […] C’en est assez pour montrer que les écrivains ne furent pas innocents de la haute idée que les femmes d’alors se firent de leurs prérogatives et du rôle qu’elles s’arrogèrent en conséquence. […] Vous en êtes effrayé vous-même. » Si Marivaux s’est plu à nous montrer des pères souriants et débonnaires, il a été infiniment moins favorable aux mères. […] Mais une fois que Rousseau, dans l’Emile et dans ses Confessions, a su tantôt montrer l’épanouissement progressif de cette fleur délicate qui s’appelle un enfant, tantôt rajeunir ces souvenirs du premier âge qui gardent pour la plupart d’entre nous la fraîcheur d’une matinée de printemps, c’est à qui s’avisera de regarder et de saisir sur le vif les joies et les douleurs naïves, les drames, les méfaits, les prouesses, les mille et une expériences de la vie enfantine. […] Un exemple suffira pour montrer comment on peut noter, par comparaison, le degré atteint dans l’échelle sociale par le valet ou la servante.

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