Il est à regretter seulement que la mauvaise place d’un petit chapitre et une inattention, laissent croire que l’auteur conçoive comme « décadents » les poètes venus autour de Mallarmé.
Mais pour des esprits comme celui de Tolstoï, que cette vie scandalise et qui tout à coup en viennent à songer que, mauvaise et absurde, elle est courte, sans espoir de rachat, sans le temps de changer ; la pensée qu’après une soixantaine d’années de péchés et de souffrances, il viendra inévitablement pour tout homme un mystérieux moment où, misérablement, il cessera d’être sans que ce globe s’arrête de fuir dans l’espace et les jours de se suivre, est intolérablement amère.
Dans la préface des Voix intérieures de 1837, il avait pris pour devise : « Être de tous les partis par leurs côtés généreux, (c’est-à-dire qui rapportent) ; n’être d’aucun par leurs mauvais côtés (c’est-à-dire qui occasionnent des pertes). » Hugo a été un ami de l’ordre : il n’a jamais conspiré contre aucun gouvernement, celui de Napoléon III excepté, il les a tous acceptés et soutenus de sa plume et de sa parole et ne les a abandonnés que le lendemain de leur chute.
Dieu, le sérieux et la sainteté par essence, n’est pas un mauvais plaisant ; il n’a pas voué son œuvre au mépris de lui-même et des êtres émanés de lui, mais à l’admiration de lui-même et à l’adoration de ses créatures.
Les classiques, de même qu’ils ne portaient pas leur barbe, généralement ne portaient pas non plus de cheveux — ce n’était pas mauvaise volonté, mais c’était pour une autre cause ; — les romantiques avaient des crinières mérovingiennes. […] Et par conséquent, vous le voyez, Leconte de Lisle n’était pas désintéressé, et quand tout à l’heure il décrivait pour nous cette nature qui souffre sous le soleil torride, c’était pour arriver à cette conclusion, à savoir, que, comme le pensait déjà Alfred de Vigny, la nature est mauvaise, la nature est notre ennemie et qu’il faut se réfugier dans une espèce de foi au néant.
On ne nous saura pas mauvais gré de représenter ici la noble page tout entière : « Jours à jamais célèbres et à jamais regrettables pour nous !
« Quand on suppose que les gens ne vous comprendront pas, si l’on ne prend la peine de leur tout expliquer, on se donne beaucoup de mouvement, comme ces mauvais mimes qui pirouettent sur eux-mêmes pour imiter un disque qui tourne, ou qui tirent à eux le Coryphée quand ils jouent, aux sons de la flûte, la Scylla attirant les navires sur l’écueil.
Le mot poésie enferme tant de mondes dans ses brèves syllabes, il projette si vivement l’homme dans l’infini, que le songeur, en le prononçant, voit rayonner autour de sa songerie mille routes qui toutes le tentent, mais dont, plus d’une, est dangereuse, et il ne croit pas inutile de dire à quel signe on peut discerner les bonnes des mauvaises routes.