Ce n’est pas du tout en nous plaçant au point de vue de la matière que nous le combattrons ; nous ne ferions que laisser une abstraction pour une autre ; nous aurions raison contre lui, et il aurait raison contre nous ; il nous suffira pour triompher de rester en plein dans le réel, dans l’unité substantielle de l’esprit et de la matière, dans le sentiment, dans la vie. […] Or notre vie est une, nous le sentons ; qu’elle nous soit révélée par l’intelligence ou par la force, par la pensée ou par l’acte ; qu’elle se rencontre dans la fonction ou dans l’organe, sous l’aspect de l’esprit ou sous celui de la matière, elle est toujours une, comme le sentiment que nous en avons. […] Mystères, incertitudes, matière à expériences et à conjectures ; mais il ne peut y avoir à tout cela qu’un lien, et ce lien, quels que soient d’ailleurs ses replis et ses détours, nous le sentons et nous l’appelons la vie. […] La matière, pour être relevée, en fait, de l’interdit sous lequel l’avait placée le christianisme, pour être travaillée et fécondée sans scrupule dans la nature par toute la portion industrielle de la société, pour être ménagée et soignée par chacun de nous dans nos besoins personnels, la matière n’est pas encore absoute pleinement dans l’opinion des moralistes, et ils lui assignent toujours, à elle et à ceux qui la cultivent, un rang inférieur par opposition à l’esprit. […] Cette réhabilitation réelle et l’harmonie qui doit en résulter ne pourront s’obtenir que par la conception nouvelle qui ramène la matière et l’esprit dans la substance de l’être, l’âme et le corps dans l’unité de la vie, l’homme et la nature dans le sein de Dieu, la science et l’industrie dans la religion.
Il y a, selon lui, deux choses dans le germe, la matière du germe, plus le principe vital. […] Il n’y a d’action possible que sur et par la matière. […] Ce champignon ne contient point de matière verte, il n’a pas de chlorophylle. […] Cette matière, c’est le protoplasma. […] Schmidt croyait à un dédoublement des matières grasses donnant naissance à du sucre dans le sang.
Le phénomène vital se résout pour lui dans matière. […] Ou bien encore, l’« âme » n’est que de la matière infiniment différenciée. […] La « matière » n’est pas telle que se la figure l’idée populaire, un bloc inerte ou un pur mécanisme. La « matière » contient de l’« âme », à l’état rudimentaire et chaotique. […] Pour lui un esprit vivant immatériel est aussi inconcevable qu’une matière sans esprit et sans vie.
Si la matière, dit M. […] La vie est partout, estime-t-il, dans la matière dite inanimée, comme dans la matière vivante. […] Là où les choses étaient réduites à de la matière et à de la pensée, supposer l’homme libre et sa liberté efficace, c’était admettre que l’esprit meut la matière. […] L’esprit ne meut la matière ni immédiatement ni même médiatement. Mais il n’y a pas de matière brute, et ce qui fait l’être de la matière est en communication avec ce qui fait l’être de l’esprit.
Muller a exposé cette difficulté en ces termes dans sa Physiologie : « L’hypothèse de Herbart, relativement aux monades et à la matière, explique l’action de l’âme sur la matière, sans que cette âme soit elle-même matière, puisqu’il ne s’agit plus que d’un être simple agissant sur d’autres êtres simples. […] Maintenant on pourra nous dire : Si la pensée a son principe en dehors de la matière, comment se fait-il qu’elle ait absolument besoin de la matière pour naître et pour se développer ? Nulle part, en effet, l’expérience ne nous a permis de rencontrer une pensée pure, un esprit pensant sans organe, une âme angélique dégagée de tous liens avec la matière. […] Comme Kant l’a si profondément aperçu, elles sont la forme de la pensée ; elles n’en sont pas la matière. Cette matière est fournie par le monde extérieur.
Il n’est pas évident à priori que la vie puisse être matière à expérience, et à posteriori on peut dire qu’il est surprenant qu’il en soit ainsi. […] En réalité, la matière vivante, tout comme la matière morte, est soumise à la grande loi de l’inertie. […] Claude Bernard ; le métaphysicien y rencontrera également matière à de sérieuses réflexions. […] La vie, en effet, est en quelque sorte le nœud du problème que nous présente l’univers, car la vie tient d’une part à la matière en général, et de l’autre elle tient à la sensibilité et à la pensée. D’une part en effet, la vie ne se manifeste que dans la matière, et dans une matière dont les éléments, séparés par la chimie, sont identiquement les mêmes que ceux de la matière inerte.
Matière ou esprit, la réalité nous est apparue comme un perpétuel devenir. […] Mais est-ce bien ainsi que se présente la matière ? […] En fait, la matière y vient surajouter son vide et décroche du même coup le devenir universel. […] Néant de matière, il se crée lui-même comme forme. […] L’accord entre les deux venait de ce que l’intelligence imposait sa forme à la matière.
La matière nous est donc présentée immédiatement comme une réalité. […] Il va de soi, d’ailleurs, qu’il s’agit uniquement du mouvement de la matière pondérable. […] Matière et Mémoire, loc. cit. […] Matière et Mémoire, p. 225 et suiv. […] Matière et Mémoire, 1896, chap. 1 tout entier ; et chap.