/ 1701
154. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

. — En chimie, tous les fondements de la science, l’oxygène, l’azote, l’hydrogène isolés, la composition de l’eau, la théorie de la combustion, la nomenclature chimique, l’analyse quantitative, l’indestructibilité de la matière et du poids, bref les découvertes de Scheele, de Priestley, de Cavendish et de Stahl, couronnées par la théorie et la langue définitives de Lavoisier. — En minéralogie, le goniomètre, la fixité des angles et les premières lois de dérivation par Romé de Lisle, puis la découverte des types et la déduction mathématique des formes secondaires par Haüy. — En géologie, les suites et la vérification de la théorie de Newton, la figure exacte de la terre, l’aplatissement des pôles, le renflement de l’équateur328, la cause et la loi des marées, la fluidité primitive de la planète, la persistance de la chaleur centrale ; puis, avec Buffon, Desmarets, Hutton, Werner, l’origine aqueuse ou ignée des roches, la stratification des terrains, la structure fossile des couches, le séjour prolongé et répété de la mer sur les continents, le lent dépôt des débris animaux et végétaux, la prodigieuse antiquité de la vie, les dénudations, les cassures, les transformations graduelles du relief terrestre329, et à la fin le tableau grandiose où Buffon trace en traits approximatifs l’histoire entière de notre globe, depuis le moment où il n’était qu’une masse de lave ardente jusqu’à l’époque où notre espèce, après tant d’autres espèces détruites ou survivantes, a pu l’habiter  Sur cette science de la matière brute, on voit en même temps s’élever la science de la matière organisée. […] S’il est hors ligne, il n’est pas hors cadre, il est un animal parmi les animaux337 en lui et chez eux, la substance, l’organisation, la naissance, la formation, le renouvellement, les fonctions, les sens, les appétits, sont semblables, et son intelligence supérieure, comme leur intelligence rudimentaire, a pour organe indispensable une matière nerveuse dont la structure est la même chez eux et chez lui. — Ainsi enveloppé, produit, porté par la nature, peut-on supposer qu’il soit dans la nature comme un empire dans un empire ?

155. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Il lui faut de la substance, de la matière, de la chair, parce que là seulement est la vie. […] Et d’abord, il a en matière d’invention la souveraine indifférence des maîtres en tous les genres : il n’a pas souci de créer sa matière. […] Ame, corps, esprit, matière, il y a là des mots, qui sont des moyens d’art, des procédés de transcription.

156. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Le reste est matière d’étude, de curiosité solitaire, de projet lointain pour les années de la retraite et du repos, pour ces années qu’on ajourne toujours et qui ne viendront jamais ; mais dans le courant habituel, dans le torrent des intérêts et des idées, quand on n’a qu’un quart d’heure à donner çà et là aux lettres proprement dites, on n’a pas le temps, en vérité, de venir prêter l’oreille à un ancien, pas plus que, dans une foule où tout nous pousse, il n’y a moyen de s’arrêter à converser avec un vieillard qui s’exprime avec majesté et lenteur. […] Ses extraits sur toute matière étaient considérables. […] Après une préface sous forme de lettre familière adressée à Titus, lettre spirituelle, mais difficile à saisir en quelques parties, et qui n’est pas du même ton que le reste de l’ouvrage, Pline entre en matière. […] Son livre VII, où il traite de l’Homme, commence par un tableau énergique, éloquent et sombre, où il semble se ressouvenir des couleurs du poète Lucrèce, et préparer la matière aux réflexions d’un Pascal.

157. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Les opérations par lesquelles l’aliment est mâché, humecté, avalé, digéré, charrié dans les artères et dans les veines, porté dans les organes qu’il doit réparer, décomposé pour fournira chaque organe l’espèce de matière utile, les innombrables détails de tous ces changements, le jeu ménagé des lois chimiques, physiques, mécaniques, et d’autres encore peut-être, la structure infiniment compliquée et parfaitement appropriée des organes mis en œuvre, toutes les parties et tous les mouvements d’un grand système concourent par leurs rapports et par leur nature à produire la nutrition finale. […] Le corps vivant est formé de substances très-complexes, ayant pour élément principal la protéine, matière très-peu stable et capable de se décomposer très-aisément. Par sa texture il est pénétrable aux liquides et aux gaz, ce qui permet aux matières décomposées de s’exhaler. […] La matière et la pensée, la planète et l’homme, les entassements de soleils et les palpitations d’un insecte, la vie et la mort, la douleur et la joie, il n’est rien qui ne l’exprime, et il n’est rien qui l’exprime tout entière.

158. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

Sur cette matière, il sera dirigé dans son travail et dans ses leçons par ceux qui en ont le mieux traité, entre lesquels on peut citer : Antoine Thysius, des Républiques les plus célèbres, de Celebrioribus Rebuspublicis 94. […] Ces deux professeurs auront l’attention que toutes les matières qui entrent dans leur enseignement forment un cours de deux années, en sorte que l’un commençant la première année de son cours, l’autre fasse la seconde année du sien.

159. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Les clercs portèrent naturellement dans la matière de l’amour toutes leurs habitudes d’esprit. […] Le goût des abstractions et des formules didactiques ne laissait d’issue à l’imagination que du côté de l’allégorie : et ce fut là en effet qu’aboutirent tous les clercs qui, en latin ou en français, cherchèrent dans l’amour une matière de poésie. […] Il avait ainsi la forme générale de son poème : Macrobe, Ovide, Chrétien de Troyes l’aidèrent à en développer toute la matière. […] Jean Clopinel est un vrai bourgeois, qui n’entend rien aux raffinements de l’amour courtois, ou qui n’y voit que ridicule fadaise : aussi, dès les premiers vers qu’il écrit, imprime-t-il à sa matière un tout autre caractère, un caractère tout pratique et positif. […] Ce roman de la Rose est un fatras, un chaos, un étrange tissu des matières les plus hétérogènes : les digressions, les parenthèses de cinq cents vers ne coûtent rien à l’auteur.

160. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Huit ans après, ce jeune homme se rencontrait pour la première fois avec Descartes ; il s’entretenait avec lui de ses expériences sur le vide, de la pesanteur de l’air, de ce que Descartes avait appelé la matière subtile. […] Ce que Pascal imagine pour rendre sa matière agréable, pour être enjoué en restant sérieux, savant sans fatiguer de sa science ; ce qu’il déploie d’invention pour faire sortir la vérité d’où on l’attend le moins, et pour en rendre l’effet plus sûr, rappelle toutes les grâces des Dialogues de Platon, auxquels on a judicieusement comparé les Provinciales. […] Changez la matière de la discussion, vous saurez le même casuiste avec d’autres doctrines. […] Si Démosthène a eu quelques avantages du côté de la matière et du théâtre, je n’en admire que plus Pascal d’avoir égalé ses plus beaux mouvements dans de simples lettres, et dans une matière dont l’intérêt devait sitôt se refroidir. […] Les écrits de Pascal sont plus parfaits que ceux de Descartes : non que le style de Descartes soit en aucun endroit moins clair, moins précis, moins frappant que sa matière ne le voulait ; mais cette matière n’a pas eu besoin de toutes les nuances d’expression, de toute la force d’accent, qui varient et passionnent la langue de Pascal.

161. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Comment s’opère cette transformation d’un trait de plume matérielle, sur un morceau de matière blanche, appelée papier, en une substance immatérielle et tout intellectuelle, appelée pensée ? […] Il faut le demander à celui qui a créé la matière et l’intelligence, et qui, par un phénomène dont il s’est réservé le mystère, et pour un dessein divin comme lui, a donné à cette pensée et à cette matière l’apparence d’une même substance, en leur donnant l’impossibilité d’une même nature. […] La jonction de la matière et de l’âme dans l’homme, la transformation apparente des sens en intelligence, et de l’intelligence en matière, est le plus étonnant, et sans doute le plus saint de ses secrets. […] L’homme peut voir là, plus que partout ailleurs, l’union de la matière et de l’esprit ; mais définir dans la physionomie ce qui est de la matière et ce qui est de l’esprit, la nature nous en défie ; c’est la limite où les deux natures se confondent : on adore et on s’anéantit.

/ 1701