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146. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

. — Théorie de la matière vivante et de l’organisation spontanée […] Voltaire veut que ce rêve soit vrai, parce qu’autrement il ne peut expliquer le bel arrangement du monde et qu’une horloge suppose un horloger ; il faudrait d’abord prouver que le monde est une horloge et chercher si l’arrangement, tel quel, incomplet, qu’on y observe ne s’explique pas mieux par une supposition plus simple et plus conforme à l’expérience, celle d’une matière éternelle en qui le mouvement est éternel. […] À chacun de mes repas, en moi, par moi, une matière inanimée devient vivante ; « j’en fais de la chair, je l’animalise, je la rends sensible ». […] Ainsi, ce n’est pas une intelligence qui arrange la matière, c’est la matière qui en s’arrangeant produit les intelligences. […] Oui, car les êtres ont droit de se nourrir de toute matière propre à satisfaire leurs besoins… Homme de la nature, suis ton vœu, écoute ton besoin, c’est ton seul maître, ton seul guide.

147. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Leur principe, excellent et fécond, était que toutes les connaissances où consiste la matière de l’instruction ne sont pas à elles-mêmes leur but, mais sont seulement des moyens d’élever, de fortifier l’intelligence. […] Il tire hors de l’École et de l’Église les matières théologiques ; il propose à la raison laïque de décider sur tel dogme, telle doctrine, entre tels et tels théologiens. […] « Qu’on ne dise pas, écrit Pascal, que je n’ai rien dit de nouveau : la disposition des matières est nouvelle. […] Il a pris sa matière partout : peu érudit en théologie, il a causé avec M. de Saci et d’autres solitaires, il a lu saint Augustin. […] Dans la seconde, l’enquête universelle à laquelle il se livre sur la nature de l’homme lui fournit une belle matière.

148. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Il voulait, dit-on, les unir, les coordonner suivant les matières pour en former un volume nouveau : il aurait mieux fait de suivre simplement l’ordre des dates et de recueillir tout ce qui avait gardé de l’intérêt. […] Ce n’est que sur les matières de théâtre qu’il commence à devenir tout à fait lui et un maître à sa manière. Désigné un jour par Fauriel pour être son suppléant dans la chaire de littérature étrangère à la Faculté des lettres (1834-1835), il fut amené à choisir un sujet d’études qui ne rentrât pas trop dans les matières si diverses déjà traitées par le savant titulaire : il n’hésita pas et prit les origines du théâtre moderne ; il s’en occupait aussi dans des conférences dont il fut chargé vers le même temps à l’École normale. […] Cela fait et ce terme de son ambition atteint102, il ne se hâta plus ; il aima mieux amasser, augmenter sans cesse la riche matière des volumes suivants que de se presser de les réunir ; il s’y oublia un peu, et plus tard, quand il songea à lier sa gerbe, il n’en eut ni le temps ni la force ; il était trop las. […] Le premier il a introduit dans ces matières d’apparence ingrate le sentiment du goût et une critique déliée, avisée, exacte et légère.

149. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

C’est un pouvoir temporel spirituel, temporel intellectuel, temporel en matière spirituelle, temporel en matière intellectuelle. […] Des analyses intégrales, des analyses (métaphysiquement) épuisantes que les vrais savants ne recherchent même pas en matière scientifique, dont ils ne se soucient pas, eux, plus malins, ils vous les obtiennent en matière humaine, en matière d’homme. […] Mais pour une analyse intégrale (de matière d’homme, en matière humaine), c’est peu ; pour une analyse infinie c’est infiniment peu. […] Ils voudraient bien, comme esprits, les mêmes qu’esprits, être la matière. Ils voudraient bien être, comme esprit(s), leur (propre) matière.

150. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Les uns ont approuvé avec enthousiasme cet acte de réaction extravagant ; les autres l’ont désavoué en l’expliquant, et se sont habilement servis de leur science théologique pour embrouiller la matière. […] Matière et force, disent les uns ; tout n’est donc pas matière.

151. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Il n’est pas d’artiste sans l’amour, sans la passion de quelque matière, — et, bien que le verbe, sujet de la poésie, forme déjà une matière subtile, pas de poète qui, au-delà du verbe, ne tienne à une autre matière encore, par les fibres d’une sensibilité avide. […] Alternativement la matière est exaltée comme condition expressive de l’Idée, décriée comme sa négation. […] Avec l’idée de l’éloquence est présente à ses côtés l’idée de la matière dont elle cherche à se passer. […] L’existence du poète lui parut toujours le même mystère merveilleux, la même matière indéfinie de rêve. […] Incompétence en autre matière que l’absolu : rien qui vaille la peine d’être écrit, sinon l’essence.

152. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Venir après deux siècles s’interposer entre une maîtresse aussi subtile et aussi coquette d’esprit, aussi versatile de cœur que la sœur des Condé et des Conti, et un amant aussi fin, aussi délié, aussi roué si l’on veut, que M. de La Rochefoucauld ; prétendre sérieusement faire entre les deux la part exacte des raisons ou des torts ; déclarer que tout le mal est uniquement d’un côté, et que de l’autre sont toutes les excuses ; poser en ces termes la question et s’imaginer de bonne foi qu’on l’a résolue, c’est montrer par cela même qu’on porte en ces matières la ferveur d’un néophyte, qu’on est un casuiste de Sorbonne ou de cour d’amour peut-être, mais un moraliste très peu. […] La Rochefoucauld échappe à cette loi presque inévitable, et, dans ces matières délicates et subtiles, lui qui n’avait pas lu les anciens et qui les ignorait, n’obéissant qu’aux lumières directes de son esprit et à l’excellence de son goût, il a, aux endroits où il est bon, retrouvé, soit dans l’expression, soit dans l’idée même, une sorte de grandeur. […] Cousin, dans ces matières aimables, est plein de mauvais gestes. […] Charles Lenormant. — Et puisque j’y suis, j’épuiserai sur le compte du scientifique personnage les notes à la La Bruyère, que provoquait journellement l’audace ou le sans-gêne de sa suffisance : « Lenormant est de la race de ceux qui ne doutent de rien, qui tranchent sur tout et qui sont sûrs de leur fait en toute matière, qu’il s’agisse de l’ère de Nabonassar, de l’abbaye de Thélème ou de la transsubstantiation. » — Et encore : « Le mot que répète le plus souvent Lenormant dans son cours est celui d’important : Il est important, il serait important, un fait de la plus haute importance, etc. — C’est ce qu’on appelle en Italie un facilone, disait de lui Gérard le peintre, comme qui dirait un facilitateur (qui trouve tout facile, qui ne voit de difficulté à rien).

153. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Si l’on se transporte en idée à un autre siècle de distance, à l’année 1963, quel sera, quel pourra être en pareille matière le nouveau progrès conquis et gagné ? […] Dès qu’on en sort, dès qu’on brigue en ces matières l’assentiment et le suffrage de tous, on court risque d’employer de ces mots qui, comme cela a lieu dans le livre de M.  […] On raisonnait, on s’échauffait volontiers et sérieusement sur ces matières ; on n’en riait plus. […] C’est assurément montrer qu’on fait un bien grand cas intellectuel de la majorité des hommes que d’aspirer à modifier et à diriger leur opinion et croyance en pareille matière.

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