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1227. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Jadis, enfant chéri, dans la maison d’un père Qui te regardait naître et grandir sous ses yeux, Tu pouvais sans péril, disciple curieux, Sur tout ce qui frappait ton enfance attentive Donner un libre essor à ta langue naïve. […] Sur un petit feuillet, à travers une quantité d’abréviations et de mots grecs substitués aux mots français correspondants, mais que la rime rend possibles à retrouver, on arrive à lire cet autre ïambe écrit pendant les fêtes théâtrales de la Révolution après le 10 août ; l’excès des précautions indique déjà l’approche de la Terreur : Un vulgaire assassin va chercher les ténèbres, Il nie, il jure sur l’autel ; Mais, nous, grands, libres, fiers, à nos exploits funèbres, A nos turpitudes célèbres, Nous voulons attacher un éclat immortel.

1228. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Au moins nous y marchons libres et frémissants, Et jamais coudoyés par d’indignes passants. […] Sa religion, c’est Dieu libre et agissant librement dans les âmes ; sa république, c’est la règle de l’ordre moral et politique imposée à tous par tous pour qu’il n’y ait place à aucune tyrannie, pas même à celle du peuple, la pire de toutes, parce qu’elle est sans règle, sans responsabilité et sans vengeur.

1229. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Il méritait bien l’éloge que lui décerne Kepler, quand, dans son introduction aux Tables Rudolphines, il l’appelle un libre esprit, “ vir fuit maximo ingenio, et, quod in hoc exercitio (c’est-à-dire dans la lutte contre les préjugés) magni momenti est, animo liber ”. […] « Le libre et mâle langage de Copernic, témoignage d’une conviction profonde, contredit assez cette vieille assertion, qu’il aurait donné le système auquel est attaché son nom immortel, comme une hypothèse propre à faciliter les calculs de l’astronomie mathématique, mais qui pouvait bien être sans fondement.

1230. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Mais, moins heureux que Rabelais, qui, de temps en temps, secoue les liens de l’érudition, se rendant libre de sa mémoire, où étaient entassées et où fermentaient tant de langues et de sciences diverses, et nous donne comme les premières épreuves d’une image parfaite de l’esprit français cultivé par l’antiquité, Ronsard ne s’égara pas d’un pas, comme il s’en vante, des vers repliés de Pindare ; il ne sut pas marcher seul ; et dans tout cet amas de vers où brillent de vives étincelles, il n’y a pas une seule pièce d’un style franc et libre, où la poésie française puisse reconnaître son point de perfection.

1231. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Boileau a pensé des auteurs de son temps ce que, deux siècles après lui, libres des préventions et des surprises dont il eut à se défendre, nous en pensons à notre tour, sans effort et presque sans mérite. […] Pour le fond comme pour la méthode, cette critique est celle qui s’éloigne le plus de l’enseignement et qui a l’allure la plus libre.

1232. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

C’est maintenant le triomphe du libre pouvoir, une transfiguration radieuse des souffrirs ; et la fête follement insouciante des oublis, comme elle s’épand, dans un rythme plus rapide65, à travers l’âme reposée ! […] Un quatuor de Beethoven nous suggère des émotions définies ; mais le maître nous a laissés libres de choisir à ces émotions les causes, le siège, les accompagnements notionnels qui nous paraissent les plus propres.

1233. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Les vieilles filles poitrinaires ont le droit de faire des vers lamartiniens que nous restons libres de ne point lire. […] Il vaut aussi par l’esprit ingénieux qui s’y déploie, par l’écrivain qui y « porte son manteau avec grâce et en homme libre ».

1234. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Certes vous ne seriez point venu lui dire qu’à la faveur de l’assoupissement de la nation il vous avait escamoté votre pièce, filouté les produits, et qu’il vous avait enfin dévalisé comme dans un bois, ou si la loi vous eût accordé la liberté de lui tenir en plein tribunal un pareil langage, vous auriez pu vous vanter de jouir de la grande chose ; et le grand homme, défendu par une nation libre, ne serait point mort à Sainte-Hélène. […] Sous un gouvernement comme le nôtre, chacun est bien libre d’avoir une opinion et de pouvoir la faire connaître tout entière.

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