Et, pour m’en tenir au langage, qui est chose si considérable dans un livre, comment l’observer, le reproduire fidèlement, ce langage d’alors, dans son unité, son ampleur merveilleuse et son harmonie ? […] Ce langage du beau siècle et qui en reste la manifestation vénérée, nous l’avons appris d’hier, nous le contemplons par l’étude, il subsiste vivant dans notre mémoire, il retentit à nos oreilles, mais nos lèvres ne savent plus le proférer. […] Walter Scott, si véritablement historique par le souffle et l’esprit divinateur, Walter Scott, avec tout son génie d’évocation, n’avait du moins dans ses Puritains d’Écosse qu’à peindre des temps plus voisins, plus épars, sans idéal vénéré encore, et à reproduire un langage local dont il savait l’accent comme il savait le son de ses cornemuses et l’odeur des bruyères.
Partout s’échappe sa franche et personnelle sensibilité, atténuant les saillies de haut style par le laisser-aller du langage domestique et quotidien, relevant la négligence du parler populaire par la chaude sincérité de l’accent, d’une façon tout originale et inimitable. […] Et c’est bien le cas du sien : le charme de son langage, c’est le charme de l’esprit qui l’a écrit. […] Il était causeur et gausseur entre amis, l’humeur gaie, de langage assez effronté, point avare, assez détaché de tout par complexion et par étude, songe-creux, vagabond et voyageur jusqu’en sa vieillesse, point cérémonieux, très franc, sans mémoire, peu entendu aux choses du ménage, très ignorant des choses rustiques et jusque des mots de la culture, sachant se laisser voler autant qu’il faut par ses gens, se mettant parfois en colère, jamais longtemps, fuyant par-dessus tout les tracas et les engagements. […] Enfin le xviie siècle consacrera les idées de Montaigne sur la langue et sur le style : il propose à la littérature de prendre la forme des pensées, tantôt dans le langage des Halles, tantôt dans le jargon de nos chasses et de notre guerre : c’est-à-dire qu’il veut une langue populaire, naturelle, et qu’il fait l’usage souverain.
Le réfugié, homme de religion, a des habitudes et des plis de langage qui dénotent la secte, le conventicule. […] Il est plus aisé, en effet, à un Suisse homme d’esprit, de la partie allemande, tel que Bezenval, Bonstetten, Meister ou M. de Muralt, de prendre, quand il s’y met, le tour français tout net en écrivant, qu’à des Genevois déjà Français de langage, mais qui ont leur forme à eux et leur pli contracté dès l’enfance. […] C’est le goût du pays, et on s’y fait généralement, comme il y a des pays où tous les mets qu’on mange sont apprêtés avec du sucre, et on les y trouve bons… Non seulement leurs discours ordinaires ont quelque chose de flatteur, qui fait de la peine à un homme modeste et sensé, à tout homme qui n’est point fait à ce langage et qui ignore la manière de repousser les louanges, ou d’y répondre en les faisant retomber sur ceux qui les donnent ; mais même leurs discours prémédités sont le plus souvent consacrés à la louange, comme ce qu’il y a de plus conforme au génie de la nationl.
Il est si obtus que, voulant se déclarer à une femme jeune, spirituelle, nullement dévote, éminemment « laïque », il y emploie le style des Manuels de piété et ne conçoit pas ce qu’un tel langage, appliqué à une telle matière, doit avoir nécessairement, pour cette jeune femme, de répugnant et de souverainement ridicule. […] N’est-il pas tout naturel qu’il commence par user du langage qui lui est habituel et qu’on s’attend à rencontrer dans sa bouche ? Ce langage, d’ailleurs, c’est Elmire elle-même qui le lui impose et qui l’y ramène.
Descartes lui-même, malgré le cogito, n’avait guère fait que traverser un instant le point de vue de l’intériorité, et avait immédiatement passé à la chose pensante, à la chose en soi, pour parler le langage de Kant. […] Les grands métaphysiciens, quel que soit leur langage, ne peuvent jamais s’éloigner beaucoup de la vérité. […] Je ne puis connaître ce qui est en dehors de moi que si cet objet me révèle quelque chose de lui par des signes apparents, qui ne peuvent jamais être la chose elle-même, et qui n’en sont en quelque sorte que le langage.
Puis, à part ce souffle méridional, nous savons combien, par l’esprit de secte et de méditation, par la controverse et la lecture de la Bible, l’Orient a possédé l’imagination anglaise, mais tout cela, sous une première loi de formation du langage et des mœurs, très marquée dans le type anglais. […] Dans le fait, les beautés caractéristiques de la poésie de Pindare sont le sublime de la pensée, la hardiesse de la métaphore, la dignité du style, le mouvement de la composition, la magnificence du langage. […] On peut se demander encore si tout est juste dans ce langage du vieux barde, dernier survivant de ses frères immolés par la jalouse tyrannie d’Édouard.
Voici les réponses les plus curieuses qui lui furent adressées : « La poésie est l’expression par le langage humain, ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l’existence ; elle doue ainsi d’authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle. […] C’est donc l’art de conférer au langage la plus grande efficacité possible.
Pour le reste, malgré ses écarts de langage, qui ne peuvent nuire qu’à sa bonne renommée de polémiste, je veux bien continuer à voir dans ses attaques, non pas une hostilité personnelle, mais, comme il me l’écrivit en m’envoyant son livre, « un simple conflit de méthode ». […] Pour le reste, malgré ses écarts de langage, qui ne peuvent nuire qu’à sa bonne renommée de polémiste, je veux bien continuer à voir dans ses attaques, non pas une hostilité personnelle, mais, comme il me l’écrivit en m’envoyant son livre, « un simple conflit de méthode ».