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15. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Comme Proudhon, qu’il admire, il veut la Justice, un idéal de justice sorti des tendres entrailles de la Révolution, mais, plus comiquement que Proudhon, il veut surtout « l’idée dans son globe de cristal », et ceci est peut-être plus difficile à admettre. […] La Justice dans la Révolution, je le dis brutalement, est une proposition aussi bête que la Justice dans la Passion. La mesure et l’équilibré, qui sont l’essence de toute justice, n’existent plus, fût-ce dans les causes justes, si la passion enflamme ces causes. Même la passion du juste n’est plus justice, de cela seul qu’elle est passion, et la Justice opposée à la Grâce n’existe pas davantage. […] Quand on en est là, on peut envoyer promener la fallacieuse antithèse de la Justice et de la Grâce et toutes les hypocrisies du raisonnement !

16. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

C’était moins de l’envie que de la justice révoltée en elle. […] La justice n’est pas un hommage, mais elle est un devoir. […] Le procès légal était une hypocrisie de justice, la hache seule était logique. […] Elle est une justice généreuse du cœur humain, plus clairvoyante au fond et plus infaillible que la justice inflexible de l’esprit. […] S’ils abdiquent la justice, ils n’ont plus de drapeaux.

17. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

C’est un certain ordre où les gens comme lui ont toutes leurs aises, y compris, j’en conviens, un besoin de justice générale satisfait. […] Sa justice même paraît lui coûter, et il gâte les louanges données aux talents par des doutes sur la sincérité des personnes. […] On verra moins un supplice qu’un bienfait dans une peine qui n’énerve pas la sévérité de la justice, et qui laisse au criminel le remède du repentir. […] Dans les cruautés de l’ancienne justice envers le criminel, il y avait du moins du respect pour l’homme. […] Son goût leur rend alors plus que son humeur ne leur a ôté, et sa justice fait plus de bien que sa partialité n’a fait de mal.

18. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Représentants du peuple, vous répondrez enfin par ce cri consolateur et vainqueur, qui retentira dans toute la France : la justice, et puis la justice, et encore la justice. » Ainsi il reprend au rebours, de propos délibéré, le mot d’ordre de Danton : celui-ci, dans le mouvement, d’invasion et dans le temps d’assaut de la Révolution montante, a tout attaqué et détruit ; lui, dans la période du décours et du déclin, il veut restaurer, mais il le voudra selon la mesure et selon la justice. […] — La justice ! encore la justice ! et toujours la justice !  […] Et pressant le dilemme à leur sujet, le poussant à la dernière rigueur : « Sont-ils à l’abri de la confiscation, s’écriait-il ; la justice ne permet pas que d’autres en soient frappés.

19. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Ce sont des justices souvent. […] La justice divine n’a pas d’amnistie contre les lâches ! […] On m’a reproché avec justice, je l’ai dit, d’avoir trop flatté cette figure de sphinx de la Révolution. […] On doit justice aux Nérons du peuple. […] La justice qui n’est pas individuelle n’est pas justice.

20. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Pour un être surnaturel et de cette splendeur morale divine, il semble qu’il ne suffise plus d’être juste, et que la justice serait l’enthousiasme ! […] Cet imberbe, cet enfant d’hier, prit tranquillement le globe bleu de Charlemagne dans une de ses mains et dans l’autre sa Main de justice, et ce fut le ROI ! […] Il aurait peut-être été obligé de se servir à chaque minute de son épée de Taillebourg, pour faire (comme il disait) sa bonne et ronde justice, et pour dompter définitivement ces barons, qui se souvenaient toujours trop qu’ils avaient été indomptables. […] Et il ne fit pas seulement justice… mais le monde lui-même lui demanda de la lui faire. […] Mais que Frédéric II, l’abominable Frédéric II, l’auteur des Trois imposteurs, le sarrasin, le sorcier, l’âme damnée, qui pouvait tout par la force et qui s’en servit si souvent avec une atrocité diabolique, invoquât à son tour la justice de Saint Louis, il y avait là, dans ce fait, quelque chose qui dépassait évidemment la puissance de la simple Royauté.

21. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Concluons : l’homme n’étant proprement qu’intelligence, corps et langage, et le langage étant comme l’intermédiaire des deux substances qui constituent sa nature, le certain en matière de justice fut déterminé par des actes du corps dans les temps qui précédèrent l’invention du langage articulé. […] Enfin la raison humaine ayant pris tout son développement, le certain alla se confondre avec le vrai des idées relatives à la justice, lesquelles furent déterminées par la raison d’après les circonstances les plus particulières des faits ; formule éternelle qui n’est sujette à aucune forme particulière, mais qui éclaire toutes les formes diverses des faits, comme la lumière qui n’a point de figure, nous montre celle des corps opaques dans les moindres parties de leur superficie. […] On l’a dit souvent, les hommes, pris séparément, sont conduits par l’intérêt personnel ; pris en masse, ils veulent la justice. […] Aristote comprit la justice, reine des vertus, qui habite dans le cœur du héros, parce qu’il avait vu la justice légale, qui habite dans l’âme du législateur et de l’homme d’état, commander à la prudence dans le sénat, au courage dans les armées, à la tempérance dans les fêtes, à la justice particulière, tantôt commutative, comme au forum, tantôt distributive, comme au trésor public, ærarium [où les impôts répartis équitablement donnent des droits proportionnels aux honneurs].

22. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Propriétaire et patron, on a de la déférence pour lui ; lord-lieutenant, officier de la milice, administrateur, justice, il est visiblement utile. […] Sauf par son droit de justice si écourté, le seigneur est oisif en matière publique61. […] — Exactions de leurs fermiers. — Exigences de leurs dettes. — État de leurs justices […] Loi du 31 août-18 octobre 1792  Cahier d’un magistrat du Châtelet sur les justices seigneuriales (1789), 29  Legrand, l’Intendance du Hainaut, 110. […] En Bretagne, le nombre des justices seigneuriales est immense, et les plaideurs sont obligés de passer par quatre ou cinq juridictions avant d’arriver au Parlement. « Où exerce-t-on la justice ?

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