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1734. (1898) La cité antique

Le défendeur nous montre d’abord pour quel motif on adoptait un fils : « Ménéclès, dit-il, ne voulait pas mourir sans enfants ; il tenait à laisser après lui quelqu’un pour l’ensevelir et pour lui faire dans la suite les cérémonies du culte funèbre. » Il montre ensuite ce qui arrivera, si le tribunal annule son adoption, ce qui arrivera non pas à lui-même, mais à celui qui l’a adopté ; Ménéclès est mort, mais c’est encore l’intérêt de Ménéclès qui est en jeu. […] Ce qui caractérisait ces fêtes religieuses, c’était l’interdiction du travail453, l’obligation d’être joyeux, le chant et les jeux en public. […] Même parmi ces faits il y en avait beaucoup qui donnaient lieu à des anniversaires, c’est-à-dire à des sacrifices, à des fêtes, à des jeux sacrés.

1735. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Que le lecteur veuille bien faire l’expérience, sur une période quelconque ; s’il part des textes, s’il lit et juge par lui-même, s’il épuise méthodiquement son sujet, s’il s’élève par degrés des caractères qui gouvernent les groupes moindres jusqu’à ceux qui gouvernent les groupes plus vastes, s’il est attentif à rectifier et préciser incessamment ses résumés, s’il s’habitue à voir clairement ces qualités et ces situations générales qui étendent leur empire sur des siècles et des nations entières, il se convaincra qu’elles dépendent de qualités et de situations antérieures aussi générales qu’elles-mêmes, que les secondes étant données, les premières doivent suivre, quelles jouent entre elles le grand jeu de l’histoire, qu’elles font ou défont les civilisations par leur désaccord ou leur harmonie, que notre petite vie éphémère n’est qu’un flot dans leur courant, que nous avons en elles et par elles l’action et l’être. […] Cromwell est pour vous un acteur chargé par le hasard ou la nature de mettre sous vos yeux le jeu de la machine humaine. […] Les Grecs traversent un pays rempli de lieux célèbres, et ces souvenirs répandent sur leur voyage un singulier intérêt : c’est le fleuve près duquel Apollon vainquit Marsyas ; c’est la fontaine aux bords de laquelle Midas enivra le satyre ; à Peltæ, Xénias l’Arcadien sacrifie à Pan, donne des jeux et propose en prix des strigiles d’or ; leurs traditions mythologiques les suivent, et l’antique poésie orne le paysage de ses aimables mensonges. […] Ils immolèrent un grand nombre de bœufs à Jupiter sauveur, à Hercule conducteur, et aux autres dieux, selon leur vœu, et donnèrent des jeux sur la montagne où ils campaient. Les exercices du corps et la gloire de vaincre en public étaient le premier plaisir et le premier besoin de ce peuple d’athlètes et d’artistes ; mais leurs jeux étaient rudes comme il convenait à de tels soldats.

1736. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Plus tard, un écrivain peu connu, dont on retrouve un discours couronné par l’académie des jeux floraux, dans un recueil intitulé les Annales romantiques, et qui comprend les années 1826, 1827 et 1828, M. de Servière, s’exprimait ainsi : « Il n’est pas douteux que le genre romantique, ne doive entrer aujourd’hui dans toute la littérature, et y apporter une source de richesses poétiques : les tableaux de la nature animés du souffle de Dieu, et la peinture de tant d’affections nouvelles ; cette inquiétude secrète de l’homme, cet instinct mélancolique qui le met en rapport avec les scènes de la nature ; ce mystère plein d’attraits, ce vague où l’âme se complaît, qui est comme l’absence de sensations, et qui pourtant est une sensation délicieuse. » Une autorité plus haute et plus incontestable vient s’ajouter à ces témoignages. […] « Élevé au bruit des miracles de l’Empire, amoureux des splendeurs militaires, combien de longues heures il passait à l’écart, loin des jeux de son âge, le long d’un petit sentier, dans des monologues imaginaires !  […] On peut supposer qu’il n’y avait là qu’un jeu d’imagination bizarre, et, en effet, cette fantaisie satisfaite, Théophile Gauthier est rentré dans des habitudes bien différentes. […] Je ne connus jamais ces jeux ni cette joie qui accompagnent nos premières années. » Ses plaisirs, il les trouvait dans la rêverie et la contemplation de la nature : il était atteint d’une tristesse secrète, sa santé d’ailleurs était débile, et il y avait en lui, a dit M. de Pontmartin, « une disposition maladive où les souffrances du corps réagissaient sur les résolutions de l’âme. » A Paris, il tenta la carrière des lettres et celle de l’enseignement. […] C’est un jeu dangereux et cruel, une triste spéculation sur la crédulité et la sympathie de trop faciles lecteurs.

1737. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il riait lui-même de ses vanteries, et, après un peu de réflexion, on les tolère ; le seul orgueil odieux est l’orgueil tyrannique : et il était bon, enfant même, partant bon enfant, aussi éloigné que possible de la morgue et de la roideur, écolier dans ses délassements, badaud à l’occasion, naïf, capable de jouer aux petits jeux et de s’y amuser de tout son cœur. […] Le juge Popinot est une sorte de petit manteau bleu, bienfaiteur systématique et habile de tout son quartier ; mais sa bienfaisance s’est tournée en manie, et l’on voit qu’il aime les pauvres comme un joueur aime le jeu. […] Mais si vous considérez la vie naturelle et animale, le jeu effréné et discordant de l’imagination et des désirs, le conflit nécessaire de la volonté et des choses, vous admirerez la portion de justice et de bonheur qui subsiste à travers ces tempêtes, et vous louerez la noblesse de la nature humaine, qui entre tant de forces déchaînées et aveugles maintient et dégage la raison et la vertu. […] Sa conduite dans le cabinet de Washington est celle d’un Figaro malhonnête ; il joue un double, jeu : il admire publiquement Washington et le décrie sous main ; il contresigne des actes qu’il blâme tout bas ; comme ministre, il négocie à propos de la Nouvelle-Orléans, et en même temps comme particulier, il fait entendre qu’une petite irruption spontanée des habitants du Kentucky dans la Nouvelle-Orléans pourrait bien avancer les choses. […] Il en fait à tout propos et de fort plats ; ce sont des amusements artificiels de société et de convention ; il ne s’agit pas d’exprimer des sentiments, mais d’aligner des syllabes, d’ajuster des rimes, d’aiguiser des pointes et d’étaler toute la garde-robe mythologique ; ce sont des amplifications rimées, simple jeu d’esprit, à l’usage de lettrés vaniteux et oisifs.

1738. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Qu’un ami à qui cet amant parle, convienne qu’en effet cette personne n’a pas beaucoup de beauté ; que, par exemple, elle a les yeux trop petits ; que, sur cela, l’amant dise que ce ne sont pas ses yeux qu’il faut blâmer, et qu’elle les a très agréables ; que l’ami attaque ensuite la bouche, et que l’amant en prenne la défense ; le même jeu sur le teint, sur la taille : voilà un effet de passion peu commun, fin, délicat et très agréable à considérer. […] Il ne doit pas être exécuté en mesure exacte ; il faut qu’il soit abandonné à l’intelligence et à la chaleur de l’acteur, qui doit se hâter ou se ralentir, suivant l’esprit de son rôle ou de son jeu.

1739. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

On a là sous les jeux la topographie vivante, pour ainsi dire, du pays où vécut et combattit don Quichotte. […] On se dit que, pour former une telle combinaison, la nature en effet n’aurait pas suffi, et qu’il y a fallu encore l’action de la fortune et les jeux du hasard. […] L’éblouissement causé par la splendeur du rang, voilà le principe de l’amour de Claire pour Egmont ; mais ce sentiment, d’ordre assez peu élevé, suffit pour mettre en jeu son âme entière, et si violent est son effort pour aimer au-dessus d’elle, qu’il l’arrache à sa condition, où elle ne redescendra plus. […] Que sera-ce donc lorsqu’il s’agira de ces intelligences harmoniques à qui il a été donné d’aimer la vérité d’un plus large et plus impartial amour, et qui, des hauteurs où elles se sont élevées, ont pu contempler dans son intégrité l’ordre universel des choses, embrasser sous leur regard le spectacle infiniment varié des destinées humaines, surprendre dans sa simplicité et à son principe même le jeu des lois du monde, ramasser tous les temps dans la minute passagère où elles ont vécu, et commenter, pour ainsi dire, leur époque par l’éternité ! […] Il était une preuve vivante que cet ennui dont tous les grands poètes de notre âge ont accusé l’existence chez les générations modernes était bien une maladie réelle, et n’était pas un jeu de l’imagination, une attitude choisie pour attirer les regards du vulgaire, une pose savante pour appeler les sympathies des âmes romanesques.

1740. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Interrogés sur la place ou sur le jeu qu’ils laissaient à l’action divine dans le gouvernement du monde, ils auraient pu déjà répondre, comme ce géomètre, qu’ils n’avaient pas besoin de cette hypothèse ; et, ainsi que l’on disait alors, c’était faire pour eux, en tout cas, que de leur montrer tout l’univers soumis à une loi d’airain dont la nécessité enchaînait Dieu lui-même. […] La Fontaine, en petits vers galants, célébra ce retour d’une ancienne amie à la liberté : Pleurez, citoyens de Paphos, Jeux et ris, et tous leurs suppôts. […] Cependant, je voudrais bien savoir ce qu’elle répondrait aux faits suivants : « Un portrait percé de plusieurs coups de couteau par la jalousie d’une femme qu’elle a quittée pour s’attacher à Mme de Nantiat, autre femme du dernier dérèglement… Cette femme, logée chez elle, est l’objet de ses adorations continuelles en présence même de ses valets ; … « Les jurements exécrables proférés au jeu, et les discours infâmes tenus à table ; … « Des chansons dissolues chantées à toutes les heures du jour et de la nuit ; … « Sa conversation audacieuse avec M. le curé de Saint-Cosme, aussi éloignée de la pudeur que de la religion ; … « J’ajouterai que Mme de Murat et ses complices sont tellement redoutées dans leur quartier que personne n’ose s’exposer à leur vengeance… » Et le mari, demandera-t-on, que faisait-il pendant ce temps-là ? […] C’est entre 1690 et 1700, ou à peu près, que cette révolution s’opère dans les mœurs, et, chose assez rare, les contemporains eux-mêmes s’en aperçoivent : « Il y a bien des choses changées depuis huit ou dix ans, écrit l’abbé Dubos à Bayle, dans une lettre datée du 19 novembre 1696, et ce n’a pas été toujours en bien. » Il ajoute de curieux détails : « Il semble, dit-il, que les femmes aient oublié qu’elles sont d’un autre sexe que les hommes… L’usage des suivantes est banni et aux filles de chambre ont succédé des valets de chambre… Au lieu des enfants qu’elles avaient autrefois pour laquais, elles choisissent les plus grands garçons et les mieux faits… La quantité d’eau-de-vie qui se consomme dans le royaume est quadruple de celle qui se consommait il y a dix ans… L’esprit du jeu a été porté à un point de raffinement que l’on ne saurait passer… » Décidément, auteurs comiques ou romanciers — dont on croirait que le métier même est de forcer la vérité de leurs peintures, — nous pouvons maintenant les en croire. […] Mais je pense qu’ils imitent les médecins qui, pour s’attirer plus de considération, commencent, par trouver la maladie douteuse et périlleuse devant les parents. » Mieux informée peut-être, la Palatine allait plus loin, et elle écrivait, le 20 juillet 1698, à la duchesse de Hanovre ; « Tout cela n’est qu’un jeu pour gouverner le roi et toute la cour… On a trouvé chez eux — Fénelon et Mme de Maintenon — des listes entières de charges à donner… Je vous assure que cette querelle d’évêques n’a pas le moins du monde la foi pour but ; tout cela est ambition pure ; et l’on ne pense presque plus à la religion, elle n’est que le prête-nom. » Des vers enfin couraient dans le public : Dans ces combats où nos prélats de France              Semblent chercher la vérité,              L’un dit qu’on détruit l’espérance.

1741. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Alors nous retournions sur nos pas et le même jeu recommençait. […] si ce n’était qu’un jeu de passe-passe, une attrape ! […] Mais je ferai tout cela par jeu, car il est malplaisant de porter le joug des émotions avec un vieux cœur dans la poitrine… Vérone On mande de Vérone que la maison des Capulets menace ruine. […] Des forêts épaisses y répandaient un ombrage agréable sur des antres secrets devant lesquelles les Nymphes aimaient à faire leurs danses et leurs jeux.

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