Au lieu de cela, après toutes sortes de dégoûts et d’ennuis, la lutte terminée, il ne se voyait en position que de demeurer un grand consultant militaire sur le pied de paix, et de redevenir ce qu’il avait été tout d’abord, un écrivain tacticien, ce nom qu’on lui avait jeté si souvent à la tête en manière de raillerie ! […] Il pouvait d’ailleurs faire faire de temps en temps à l’illustre mort quelques concessions et des aveux de fautes, lui prêter un peu de la sérénité élyséenne et de l’impartialité d’au-delà du Styx ; et enfin il suffisait de quelques petites notes jetées çà et là au bas des pages pour remettre les choses au vrai point. […] La Bruyère même eût été embarrassé de le définir exactement… (Et plus loin, après les entretiens d’Erfurt) : Je crus avoir jeté de la poudre aux yeux de mon rival de gloire et de puissance ; la suite me prouva qu’il avait été aussi fin que moi. » Napoléon, obligé de juger lui-même sa campagne de 1812 et de se condamner, se souvient à propos d’un beau mot de Montesquieu : « Les grandes entreprises lointaines périssent par la grandeur même des préparatifs qu’on fait pour en assurer la réussite. » Un trait fort juste sur Napoléon et qu’ont trop oublié ses détracteurs aussi bien que ses panégyristes, c’est que cette volonté de fer était souvent bien mobile comme celle de tous les joueurs passionnés, et qu’elle remettait souvent ses résolutions ultérieures les plus graves aux chances les plus fortuites. […] Dans sa charmante retraite de Passy, il était intéressant à visiter : il aimait la conversation, et bien qu’un cornet acoustique fût nécessaire, il suffisait d’y jeter quelques mots pour amener sur ses lèvres des récits vivants et où l’âge ne se faisait sentir que par plus d’à-propos et d’expérience.
Je ne trouve pas que l’ingénieux critique se soit rendu compte ainsi de la différence des situations, et cela a pu jeter quelque indécision sur des aperçus toujours piquants de détails et si heureux d’expression. […] A travers ce vaste champ de connaissances où sa condition l’a jeté, il s’est orienté de bonne heure ; furet et gourmet, il suit ses lignes sans en sortir, sans s’égarer ; il choisit et range à bonne fin le grain et la perle. […] Le Timon d’aujourd’hui, qui avait dès lors l’âge de la raison et même celui de la misanthropie, se serait bien gardé de se mettre du jeu ; s’il avait plus de motif, je l’ignore, je n’imagine que le motif littéraire très-suffisant : il attendait patiemment l’heure d’aborder les choses par le plus gros bout, de jeter à l’aise et crûment sa parole saccadée et cassante ; il se sentait le croc, non pas l’aiguillon. […] Que si nous osions mêler un conseil au travers d’un travail si médité, et auprès d’un esprit par lui-même si averti, ce serait de borner à un certain moment la recherche, de clore son siége, et de se jeter à l’œuvre avec toute la richesse amassée et en s’occupant surtout à la dominer par l’idée, à la classer d’une volonté un peu impérieuse.
Le religieux, interrogé, jeté à la Bastille, fut enfin renfermé au château de Lourdes, dans les Pyrénées, pour y languir pendant de longues années d’expiation. […] Le duc de Bourgogne se jeta en vain aux pieds du roi, son aïeul : « Non, mon fils, répondit le roi, je ne suis pas maître de faire de ceci une affaire de faveur. […] On le jeta dans une loge d’aliénés, où il mourut dans le délire. […] Fénelon, relevé de son découragement, jeta un cri de délivrance et de joie sévère vers son élève.
Les transports où me jetaient les vers de Musset, voilà que je ne les retrouve plus. […] Mais, Hippias étant revenu, elle ne peut plus résister à son amour : ils fuiront tous deux, ou plutôt ils iront se jeter aux pieds de Kallista et la fléchiront… Kallista survient et chasse le jeune homme avec des imprécations ; mais Daphné le rejoint, la nuit, au tombeau des aïeux et meurt dans ses bras, car elle a pris du poison et l’évêque Théognis vient trop tard la délier du vœu de sa mère. […] Après le vœu cruel de sa mère, c’est à la fontaine des Nymphes qu’elle va jeter l’anneau des fiançailles : Ô fontaine où l’on dit que dans les anciens jours Les nymphes ont goûté d’ineffables amours, Fontaine à mon enfance auguste et familière, Reçois de la chrétienne une offrande dernière. […] Je vous recommande aussi, comme des merveilles de psychologie enfantine, le chapitre d’Alphonse et de la grappe de raisin, et celui où Pierre, voulant se faire ermite et se dépouiller des biens de ce monde, jette ses jouets par la fenêtre : — Cet enfant est stupide !
. — Allons, me voilà ôtant ma bonne pelisse chaude ; il la met, jette la queue sur son bras, et s’élance sur la glace comme un fils des dieux. […] Je me jetai à son cou, et lui m’attira sur ses genoux et me serra contre son cœur. […] Le soir de ce jour-là ou le lendemain, Bettina revit Goethe chez Wieland, et, comme elle faisait la jalouse d’un bouquet de violettes qu’il tenait à la main et qu’elle supposait qu’une femme lui avait donné, il le lui jeta en disant : « Ne peux-tu te contenter que je te les donne ? […] Il paraît, au reste, reconnaître lui-même cette supériorité d’une nature riche et capricieuse, qui se produit chaque fois sous une forme toujours surprenante, toujours nouvelle : « Tu es ravissante, ma jeune danseuse, lui dit-il ; à chaque mouvement, tu nous jettes à l’improviste une couronne. » C’est qu’aussi elle le comprend si bien, elle sait si bien l’admirer !
Un des derniers poètes de l’Antiquité, Claudien, dans une pièce célèbre, a montré comment le triomphe d’un méchant et d’un scélérat peut jeter le trouble dans le cœur d’un homme de bien et le faire douter qu’il y ait des dieux. […] D’autres nations, ou, pour mieux dire, leurs chefs ont voulu profiter, contre toutes les règles de la morale, d’une fièvre chaude qui était venue assaillir les Français, pour se jeter sur leur pays et le partager entre eux. […] Pour échapper à ces dégoûts, à cette inaction forcée et à cette attente d’un changement qui, de près et pour les contemporains, semblait si long à venir, M. de Maistre, durant son exil de Saint-Pétersbourg, se jette plus que jamais dans l’étude ; il se sent plus que jamais brûlé de la fièvre du savoir : c’est un redoublement qui ne se peut décrire. […] En terminant mes journées monotones, je me jette sur un lit, où le sommeil, que j’invoque, n’est pas toujours complaisant.
Combien de fois la vue d’une mère légère et inconsidérée n’a-t-elle pas jeté une fille judicieuse et sensée dans un ordre de réflexions plutôt exactes et sévères ! […] Un jour, au siège devant Gravelines, les maréchaux de Gassion et de La Meilleraye, qui commandaient, avaient eu querelle, et leur démêlé allait jusqu’à partager l’armée : leurs troupes étaient près d’en venir aux mains lorsque le marquis de Lambert, alors simple maréchal de camp, se jeta entre les deux partis et ordonna aux troupes, de la part du roi, de s’arrêter : « Il leur défendit de reconnaître ces généraux pour leurs chefs. […] C’était un homme d’assez d’esprit, d’une littérature facile et assez ornée, mais qui, vers la fin, s’était jeté dans une dévotion méticuleuse. […] Elle s’en prend hardiment à Molière, au sujet du ridicule qu’il a jeté sur les femmes savantes.
C’est durant ce voyage qu’il fut dénoncé, surpris à Paris où il était au lit malade, arrêté comme si on ne savait pas à qui l’on avait affaire et comme s’il était un faux-monnayeur, traité indignement, jeté au For-l’Évêque, et de là exilé en Armagnac à L’Isle-Jourdain où il resta plus de deux ans. […] Il était trop mal fait pour se faire une intrigue d’amour dans une cour où cette passion régnait fort : il se jeta tout à fait du côté des affaires. […] Pour devenir général, il ne s’agissait pour le prince que d’une chose, faire ce qui était le plus agréable à Mazarin, épouser une nièce ; cette première idée, dont Sarasin lui jeta la semence, ne manqua pas de lever en peu de temps : « Ce prince, ajoute Cosnac qui le connaît jusque dans le fond de l’âme, était homme d’extrémités, à qui il était facile d’inspirer les choses, pourvu qu’elles flattassent sa passion, que l’exécution en fût prompte, et qu’elle ne dépendît pas de son application et de ses soins. » Bien qu’il fallût ici beaucoup de suite et de négociations, le prince de Conti s’en remet sur ses domestiques du soin de mener à bien cette affaire ; et en attendant qu’il épouse une nièce et devienne général, en attendant même que, pour s’illustrer dans cette nouvelle carrière par un coup d’éclat, il appelle en duel le duc d’York (autre idée des plus bizarres qui lui était venue), il ne songe qu’à s’amuser à Pézenas où il a fait venir sa maîtresse de Bordeaux, Mme de Calvimont. […] Cette raillerie le piqua si vivement, qu’il jeta sur le roi tout ce qui lui en restait.