Il aimait à la folie les lettres, les muses, comme on disait encore ; il cultivait les divers arts, particulièrement la musique, savait le grec et en traduisait ; il s’inspirait du poème du Musée pour donner en 1806 Héro et Léandre, poème en quatre chants, suivi de poésies diverses, de traductions ou imitations en vers de Virgile, d’Ovide, de Lucain, ou même du Cantique des cantiques. […] La pièce saillante de Denne-Baron, et qui lui assure un rang dans toute anthologie française, est inspirée du Zéphyre de Prud’hon et s’intitule Flore et Zéphyre. […] La fin de cette ode, qui semblait inspirée jusque-là par Properce ou par Lucrèce, a pourtant une perspective tout à coup entrouverte du côté du ciel : De la terre, ô Daphné ! […] On noterait encore de ces strophes qu’on aime à retenir, dans l’ode adressée par Denne-Baron Aux Mânes d’Octavie Devéria, sœur des célèbres peintres ; cette jeune femme, morte peu après le mariage, dans tout l’éclat de la beauté et entourée du charme des arts, a bien inspiré le poète ami : Des chœurs de l’Hyménée à peine tu déposesq, Ta chevelure encor sent l’haleine des roses Dont il te couronna comme un ciel du matin… Properce occupa de bonne heure M. […] On aimait cette lutte courageuse et prolongée avec les maîtres sans se demander si, lorsqu’on est réellement poète, il ne vaut pas mieux peut-être s’inspirer des anciens que les traduire.
Quelle que soit l’horreur qu’inspire un scélérat, il surpasse toujours ses ennemis dans l’idée qu’il se fait de la haine qu’il mérite ; par-delà les actions atroces qu’il commet à nos yeux, il sait encore quelque chose de plus que nous qui l’épouvante, il haït dans les autres l’opinion que, sans se l’avouer, il a de son propre caractère ; et le dernier terme de sa fureur serait de détester en lui-même ce qu’il lui reste de conscience, et de se déchirer s’il vivait seul. […] Les hommes sont là pour craindre, s’ils ne sont pas là pour aimer ; la terreur qu’on inspire, flatte et rassure, isole et enivre, et avilissant les victimes, semble absoudre leur tyran. […] Il n’est peut-être point de tyran, même le plus prospère, qui ne voulut recommencer avec la vertu, s’il pouvait anéantir le souvenir de ses crimes : mais, d’abord, il est presque impossible, quand on le voudrait, de persuader à un coupable qu’on l’absout de ses forfaits, l’opinion qu’un criminel a de lui-même est d’une morale plus sévère que la pitié qu’il pourrait inspirer à un honnête homme ; si, d’ailleurs, il est contre la nature des choses qu’une nation pardonne, quand même son intérêt le plus évident devrait l’y engager. […] Sans parler même du vague effroi que doit inspirer aux coupables ce qui peut suivre cette vie, il y a quelque chose de sensible ou de philosophique dans l’action de se tuer qui est tout à fait étranger à l’être dépravé. […] il serait si difficile de ne pas s’intéresser à l’homme plus grand que la nature, alors qu’il rejette ce qu’il tient d’elle, alors qu’il se sert de la vie pour détruire la vie, alors qu’il sait dompter par la puissance de l’âme le plus fort mouvement de l’homme, l’instinct de sa conservation : il serait si difficile de ne pas croire à quelques mouvements de générosité dans l’homme qui, par repentir, se donnerait la mort ; qu’il est bon que les véritables scélérats soient incapables d’une telle action ; ce serait une souffrance pour une âme honnête, que de ne pas pouvoir mépriser complètement l’être qui lui inspire de l’horreur.
L’amitié n’est point une passion, car elle ne vous ôte pas l’empire de vous-même ; elle n’est pas une ressource qu’on trouve en soi, puisqu’elle soumet au hasard de la destinée et du caractère des objets de son choix : enfin, elle inspire le besoin du retour et sous ce rapport d’exigence, elle fait ressentir beaucoup des peines de l’amour, sans promettre des plaisirs aussi vifs. […] Imaginons donc qu’une ambition pareille, ou contraire, ne brouillera point deux amis : comme il est impossible de séparer l’amitié des actions qu’elle inspire, les services réciproques sont un des liens qui doivent nécessairement en résulter ; et qui peut se répondre que le succès des efforts de son ami n’influera pas sur vos sentiments pour lui ! […] Sans doute, l’homme qui s’est vu l’objet de la passion la plus profonde, qui recevait à chaque instant une nouvelle preuve de la tendresse qu’il inspirait, éprouvait des émotions plus enivrantes ; ces plaisirs, non créés par soi, ressemblent aux dons du ciel, ils exaltent la destinée ; mais ce bonheur d’un jour gâte toute la vie, le seul trésor intarissable, c’est son propre cœur. Celui qui consacre sa vie au bonheur de ses amis et de sa famille ; celui qui prévenant tous les sacrifices, ignore à jamais où se serait arrêté l’amitié qu’il inspire ; celui qui n’existant que dans les autres, ne peut plus mesurer ce qu’ils feraient pour lui ; celui qui trouve, dans les jouissances qu’il donne, le prix des sentiments qu’il éprouve ; celui dont l’âme est si agissante pour la félicité des objets de sa tendresse, qu’il ne lui reste aucun de ces moments de vague, où la rêverie enfante l’inquiétude et le reproche, celui-là peut, sans crainte, s’exposer à l’amitié. Mais un tel dévouement n’a presque point d’exemple entre des égaux, il peut exister, causé par l’enthousiasme ou par un devoir quelconque ; mais il n’est presque jamais possible dans l’amitié, dont la nature est d’inspirer le funeste besoin d’un parfait retour ; et c’est, parce que le cœur est fait ainsi, que je me suis réservé de peindre la bonté comme une ressource plus assurée que l’amitié, et meilleur pour le repos des âmes passionnément sensibles.
Ceux qui ont gouverné les peuples dans tous les tems, ont toujours fait usage des peintures et des statuës pour leur mieux inspirer les sentimens qu’ils vouloient leur donner soit en religion, soit en politique. […] Dans la republique dont je parle, on fait apprendre à lire aux enfans dans des livres dont l’éloquence est à la portée de cet âge et remplis encore d’images qui répresentent des évenemens arrivez dans leur propre patrie, lesquels sont propres à leur inspirer de l’aversion contre la puissance de l’Europe qui dans le tems est la plus suspecte à la republique. […] De tous les talens qui donnent de l’empire sur les autres hommes, le talent le plus puissant n’est pas la superiorité d’esprit et de lumieres : c’est le talent de les émouvoir à son gré, ce qui se fait principalement en paroissant soi-même ému et penetré des sentimens qu’on veut leur inspirer. […] Ceux des anglois qui sont le mieux informez de l’histoire de leur païs, ne parlent pas d’Olivier Cromwel avec la même admiration que le commun de la nation ; ils lui refusent ce genie étendu, penetrant et superieur que lui donnent bien des gens, et ils lui accordent pour tout merite la valeur du simple soldat et le talent d’avoir sçu paroître penetré des sentimens qu’il vouloit feindre, et aussi ému des passions qu’il vouloit inspirer aux autres, que s’il les avoit senties veritablement.
Quand le despotisme existe, il faut consoler les esclaves, en flétrissant à leurs yeux le sort de tous les hommes ; mais l’exaltation nécessaire à la liberté républicaine doit inspirer de l’éloignement pour tout ce qui peut tendre à dégrader la nature humaine. […] En effet, la véritable grandeur du caractère, dans quelque situation douloureuse qu’on la représente, inspire aux spectateurs un mouvement d’admiration qui les rend plus capables de braver l’adversité. […] Les expressions voilées, les sentiments contenus, les convenances ménagées supposent un genre de talent très remarquable ; mais les passions ne peuvent être peintes au milieu de toutes ces difficultés, avec l’énergie déchirante, la pénétration intime que la plus complète indépendance doit inspirer. […] Tel degré de passion inspire la poésie : un degré de plus la repousse. […] L’image de l’Amour prenant les traits d’Ascagne pour enflammer Didon en jouant avec elle, peint-elle aussi bien l’origine d’un sentiment passionné, que les vers si beaux qui nous expriment les affections et les mouvements que la nature inspire à tous les cœurs ?
Ce grand poëte était d’abord un poëte naturel, prodiguant les images et l’harmonie avec cette facilité qui ajoute la grâce à la puissance, d’une pureté admirable quand il était inspiré, et alors, fidèle à la perfection, même dans les hasards du caprice et de la rêverie. […] Sous le feu de la forge, sous la rayonnante ciselure, que d’émotion encore dans l’âme du poëte, quel charme nouveau dans sa peinture de l’enfance, dans sa plainte d’être dérangé, dans sa joie d’être inspiré par les jeux et les bruits de ses petits enfants ! […] Ce séjour sous un ciel plus tempéré, dans une société moins violente, devait lui inspirer d’autres chants. […] Élevée dans ce séjour colonial, sans école et sans théâtre, la jeune Gomez s’instruisit et s’inspira seule par la lecture de quelques poëtes espagnols et la vue de cet horizon du tropique, « le plus splendide pavillon, dit un poëte, que Dieu lui-même ait pu jeter sur les fêtes de son culte divin ». […] Quelle rapidité dans l’infini du temps, et comme ce chant nouveau s’en est inspiré !
Les peuples libres ont un esprit de propriété pour tous les genres de gloire qui illustrent leur patrie ; et ce sentiment doit inspirer une admiration qui exclut toute espèce de critique. […] Shakespeare a su peindre avec génie ce mélange de mouvements physiques et de réflexions morales qu’inspire l’approche de la mort, alors que des passions enivrantes n’enlèvent pas l’homme à lui-même. […] Cette répugnance orgueilleuse pour l’enthousiasme de l’obéissance, qui a été de tout temps le caractère des Anglais, a dû inspirer à leur poète national l’idée d’obtenir l’attendrissement plutôt par la pitié que par l’admiration. […] Le rang des femmes, dans les tragédies, était donc absolument livré à la volonté de l’auteur : aussi Shakespeare, en parlant d’elles, se sert, tantôt de la plus noble langue que puisse inspirer l’amour, tantôt du mauvais goût le plus populaire. Ce génie que la passion avait doué, était inspiré par elle, comme les prêtres par leur dieu ; il rendait des oracles lorsqu’il était agité ; il n’était plus qu’un homme lorsque le calme rentrait dans son âme.
La vraie dignité du langage est le meilleur moyen de prononcer toutes les distances morales, d’inspirer un respect qui améliore celui qui l’éprouve. […] L’expression calme d’un sentiment élevé, l’énonciation claire d’un fait, ce style de la raison qui ne convient qu’à la vertu, l’esprit ne peut le feindre : non seulement ce langage est le résultat des sentiments honnêtes, mais il les inspire encore avec plus de force. […] Tous les beaux discours, tous les mots célèbres des héros de l’antiquité, sont les modèles des grandes qualités du style : ce sont ces expressions inspirées par le génie ou la vertu que le talent s’efforce de recueillir ou d’imiter. […] Lorsque c’est la finesse des idées ou l’énergie des sentiments qui inspirent le besoin d’une expression plus nuancée ou d’un terme plus éloquent, le mot dont on se sert, fût-il inusité, paraît naturel. […] Mais l’art d’écrire en littérature est composé de tant de nuances, des idées fines et presque fugitives exercent une telle influence sur le plaisir que telle expression fait éprouver, sur l’éloignement que telle autre inspire, que pour bien écrire il faut étudier avec le soin le plus délicat tout ce qui peut agir sur l’imagination des hommes.