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1164. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Ces façons d’agir, si elles m’impressionnaient, nuisaient aussi aux sentiments de déférence que des ascendants auraient dû m’inspirer, peut-être ; je considérais plutôt mes tantes comme des camarades, avec lesquelles je vivais en très bons termes, tant qu’elles ne s’avisaient pas de vouloir m’imposer une autorité. […] La seconde dame, d’un certain âge, richement vêtue, petite, trapue, l’air rébarbatif et grognon, m’inspira au premier coup d’œil une profonde antipathie : c’était ma grand-mère maternelle. […] Elle donnait toutes sortes d’explications, touchant les leçons de musique, l’excellente nourriture, les soins attentifs… Ma mère souriait d’un air enchanté ; mais à la façon dont mon père examinait la religieuse, à travers son monocle, je compris qu’elle lui inspirait peu de sympathie et qu’il était d’ailleurs hostile à tout ce qui l’entourait. […] Je fus condamnée à être à genoux devant la communauté, supplice — équivalant au pilori — destiné à abaisser l’orgueil, et à inspirer au coupable, ainsi humilié, un profond repentir de sa faute ; mais qui produisait sur la pécheresse endurcie que j’étais, bien peu d’effet. […] L’auteur de Mademoiselle de Maupin n’était probablement pas en odeur de sainteté ; de plus, ma mère chantait au théâtre ; ma tante dansait ; Julia Grisi était ma cousine ; tout cela m’entourait d’une atmosphère particulière, qui avait, pour les unes, l’attrait du fruit défendu et inspirait aux autres la réprobation et l’horreur.

1165. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Donato fasse un beau jour telle expérience magnétique qui produise cet effet d’inspirer à son sujet un mot spirituel, un mouvement généreux ou simplement un geste noble et je lécherai le dessous de ses pieds. […] Le comique dans de telles proportions est un inestimable bienfait et m’inspirerait plus de reconnaissance et plus d’espoir que beaucoup de prêchailleries solennelles. […] Non plus comme pour madame Sarah Bernhardt où ce sentiment était balancé par le mépris absolu que m’inspirent les œuvres et la personne de l’abominable Dumas, mais d’une façon complète et sans mélange d’aucune sorte. […] Le langage si profondément symbolique de la Bible offre beaucoup d’exemples de cette figure de l’ébriété matérielle par laquelle les Écrivains inspirés expriment, comme ils peuvent, le délire surnaturel de l’amour divin. […] Un chrétien de génie, s’indignant un jour de la multitude des noms profanes dont la science humaine a souillé le front rutilant des astres, parlait avec une éloquence étrangement inspirée de la vengeance possible des étoiles !

1166. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

La forme musicale de Lulli a évidemment inspiré le compositeur ; je ne dirai pas aujourd’hui le nom du poète, mais je voudrais connaître l’opinion de M.  […] C’est ce même esprit poétique, plein de railleries et de malice contre ceux qu’il inspire, qui souffle à Victor Hugo des vers comme ceux-ci sur J.  […] Après tout, ils ne croient peut-être pas plus que moi à cette religion nouvelle, à cette philosophie inspirée, et M.  […] Si le réaliste, même dans ses actes moraux, se soumet tranquillement et uniformément à une nécessité physique, il faut que l’idéaliste prenne son élan ; il faut momentanément qu’il exalte sa nature, et il ne peut rien avant d’être inspiré. […] Les poètes disparaîtront un à un et le dernier d’entre eux inspirera peut-être un Cooper dont le roman en prose fera verser des larmes sur cette destruction de la race.

1167. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Les margraves, les grands-ducs et les rois qui y apparaissent auraient inspiré Offenbach ou Hervé. […] Les saints étaient des héros de féerie ; Minerve une déesse d’épopée ; de tels maîtres devaient lui inspirer le dédain de tout ce qui passionne le vulgaire. […] En vérité, je vous le dis, il m’inspire de la sympathie et du respect, cet honnête homme, quels que soient ses travers et ses ridicules. […] Lemaître, à qui le clan des vieux classiques inspire un dédain tempéré par la pitié. […] Il a donc été bien inspiré de ne pas hésiter à tenter une aventure qui ne pouvait manquer d’ajouter à son auréole de nouveaux rayons.

1168. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Une littérature s’inspire toujours d’une philosophie, quelle qu’elle soit. […] Mais cet art du moyen âge, c’est le christianisme qui l’a inspiré. […] à la crainte qu’il nous inspire se mêle une nuance de respect. […] L’Intruse et les Aveugles sont d’une note beaucoup plus personnelle, encore que l’auteur s’y soit beaucoup inspiré d’Edgar Poë. […] Ce livre en est directement inspiré.

1169. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Mme de Caumartin avait en elle le don d’inspirer, et ce charme auquel on obéit. […] Il y a une historiette, entre autres, celle du curé de Saint-Babel, qui avait surtout choqué : « On l’accusait dans le monde, dit Fléchier en parlant de ce curé condamné à mort pour ses méfaits, d’avoir instruit ses paroissiennes d’une manière toute nouvelle ; de leur avoir inspiré quelque autre amour que celui de Dieu, et de leur avoir fait des exhortations particulières, bien différentes des prônes qu’il leur faisait en public. » Et continuant sur le même ton, il raconte comment ce curé, un jour qu’il était appelé près d’une mourante pour les derniers sacrements, avait négligé la maîtresse pour la servante : « Il ne se soucia plus du salut de sa maîtresse, dans le dessein qu’il eut contre l’honneur de la servante… Au lieu d’écouter la confession de l’une, il faisait sa déclaration à l’autre ; et bien loin d’exhorter la malade à bien mourir, il sollicitait celle qui se portait bien à mal vivre ; et la prenant par la main et par le menton : — Quelle peine !

1170. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

1835 Autrefois dans les temps antiques, ou même en tout temps, à un certain état de société commençante, la poésie, loin d’être une espèce de rêverie singulière et de noble maladie, comme on le voit dans les sociétés avancées, a été une faculté humaine, générale, populaire, aussi peu individuelle que possible, une œuvre sentie par tous, chantée par tous, inventée par quelques-uns sans doute, mais inspirée d’abord et bien vite possédée et remaniée par la masse de la tribu, de la nation. […] Forme de composition, forme de style, d’où cela est-il inspiré ?

1171. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

» — Et si vous dites cela, voguez au plus vite, voguez à souhait : Jupiter propice soufflera dans votre voilure. » Démo, la petite-maîtresse aux parfums, lui inspirera aussi quelques vrais accents ; c’est pour elle qu’il s’écriait à l’aurore : « Point du jour, pourquoi, ennemi des amoureux, m’es-tu survenu si vite sur ma couche lorsqu’à peine je commençais à m’attiédir auprès de ma chère Démo ? […] » Bien que le plus grand nombre des traits qui composent ce tableau entre d’ordinaire, bon gré, mal gré, dans toute description du printemps, et que la poésie, en émigrant vers le nord, n’ait cessé de s’inspirer et de se ressouvenir de ces mêmes anciennes peintures du midi, comme si dans leurs objets elles restaient toujours présentes, on peut s’assurer qu’il n’en était pas ainsi pour Méléagre, et qu’il avait bien réellement sous les yeux le spectacle fortuné qu’il décrit.

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