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373. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

Elle est faite d’images, de mots détournés d’un sens primitif et choisis pour un motif qu’il est souvent difficile d’expliquer. […] Le nom de jet-d’eau donné à une sorte de rabot est fort joli par l’image évoquée des copeaux qui surgissent au-dessus du contre-fer ; il semble nouveau dans cette signification47, mais la langue des métiers toujours vivante et si inconnue est en perpétuelle transformation.

374. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

C’est sans doute un triste effort que de transporter son intérêt, de reposer son attente, à travers l’avenir, sur nos successeurs, sur les étrangers bien loin de nous, sur les inconnus, sur tous les hommes enfin dont le souvenir et l’image ne peuvent se retracer à notre esprit. […] Il existe une telle connexion entre toutes les facultés de l’homme, qu’en perfectionnant même son goût en littérature, on agit sur l’élévation de son caractère : on éprouve soi-même quelque impression du langage dont on se sert ; les images qu’il nous retrace modifient nos dispositions. […] La pureté du langage, la noblesse des expressions, image de la fierté de l’âme, sont nécessaires surtout dans un état fondé sur des bases démocratiques. […] Il faut exister seul, pour conserver dans sa pensée le modèle de tout ce qui est grand et beau, pour garder dans son sein le feu sacré d’un enthousiasme véritable, et l’image de la vertu, telle que la méditation libre nous la représentera toujours, et telle que nous l’ont peinte les hommes distingués de tous les temps. […] S’il aime la liberté, si ce nom de république, si puissant sur les âmes fières, se réunit dans sa pensée à l’image de toutes les vertus, quelques Vies de Plutarque, une Lettre de Brutus à Cicéron, des paroles de Caton d’Utique dans la langue d’Addison, des réflexions que la haine de la tyrannie inspirait à Tacite, les sentiments recueillis ou supposés par les historiens et par les poètes, relèvent l’âme, que flétrissaient les événements contemporains.

375. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

Quelqu’un qui saurait la géométrie, l’expliquerait aisément de la manière suivante : Soit O le point de la rétine où se forme à l’instant α l’image du corps A ; soit M le point de l’espace occupé à l’instant α par ce corps A ; soit M′ le point de l’espace occupé à l’instant β par le corps B. Pour que ce corps B forme son image en O, il n’est pas nécessaire que les points M et M′ coïncident : comme la vue s’exerce à distance, il suffit que les trois points O M M′ soient en ligne droite. Cette condition que les deux objets forment leur image en O est donc nécessaire, mais non suffisante pour que les points M et M′ coïncident. […] Comment savons-nous que les impressions produites par l’objet rouge A à l’instant α, et par l’objet bleu B à l’instant β, si ces deux objets ont formé leur image au même point de la rétine, comment savons-nous, dis-je, que ces impressions ont quelque chose de commun ? […] Ce que nous nous représentons sous le nom de droite est une image grossière qui ressemble aussi mal à la droite géométrique qu’au temps lui-même.

376. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

La seule conclusion que permette le poème d’Organt, et qui porte sur l’ensemble, c’est que l’âme de jeune homme, qui se complut à vingt-ans dans ces combinaisons et ces images, était dure, grossière, sensuelle, sans délicatesse. […] Ces images de Scévola, de Tarquin, de Brutus, reviennent à tout propos dans sa bouche ou à son sujet. […] Et un écrivain aussi a très bien défini Saint-Just : « C’est un monstre bien peigné et qui débite des apophtegmes. » Dans sa parole brève, concise et coupante, et assez habilement relevée de rares images, il ne doutait de rien : Travaillons enfin pour le bonheur du peuple, disait-il magistralement, et que les législateurs qui doivent éclairer le monde prennent leur course d’un pied hardi, comme le soleil. […] Il a gardé de son premier métier de poète la faculté des images : seulement les siennes sont sobres, d’une nature sombre et forte ; on dirait qu’il les a trempées dans le Styx : « Pour vous, s’écrira-t-il, détruisez le parti rebelle, bronzez la liberté !  […] On voit quel est cet ordre d’images : les torrents, l’orage, le tonnerre, le vautour, le soleil, en font les frais.

377. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Mais leur parole était pleine d’images. […] Leconte de Lisle a au plus haut degré le don du rythme et de l’image. […] Elle abonde en images pittoresques et en expressions créées. […] Il faut des images à regarder, des croix à baiser ». […] Ainsi l’ancienne loi est l’image de la nouvelle et M. 

378. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Son style paraît dur, parce que la vérité et la logique le règlent, impérieux, parce qu’il explique la tradition, et non sa pensée individuelle : mais, en cela au moins, son style n’est pas l’image de son caractère. […] Son imagination, toute pleine d’images et de visions bibliques, pleine aussi de toutes les formes, de toutes les impressions de la réalité prochaine et vivante, répand une couleur pittoresque sur le dessin de l’argumentation. […] Ce que ses yeux ne voient pas, ce dont son expérience ne lui fournit pas les formes, les prophètes et les évangélistes lui en donnent les images. […] Car il unit à un fond d’amples ou profondes vérités, de principes universels et transcendants, une forme concrète, colorée, vivante, de fortes et nettes images, des symboles immenses et saisissants. […] Ces réalités sont celles où se manifestent les desseins et les jugements de Dieu : leur image éveille en lui tous les sentiments dont son Dieu est l’objet, toutes les ardeurs de la foi, de l’espérance et de l’amour.

379. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Par tous nos sens, par toute notre vie de relation, nous recevons des impressions, des images, nous éprouvons des attraits, des répulsions. […] Vous l’appelez chrétien parce qu’il a pris à la Bible quelques fleurs, au Christianisme quelques formes, comme il a pris à Horace ses continuelles images de l’incertitude de la vie. […] Que si un fantôme d’elle alors leur apparaît et pose devant eux, si une image du passé, se dérobant à la tombe, semble se relever et marcher, est-il étonnant que ces âmes poétiques prennent leur rêve pour une réalité ? […] Et par une conséquence également nécessaire, son rythme sera abondant, doux et fluide, mais souvent sans relief, traînant et vaporeux, comme les objets qui lui fournissent ses images. […] Et non seulement son style peindra toujours, mais son rythme même peindra, parce qu’il sera toujours l’enveloppe de son idée ou de son image, pareil à l’argile qui dans les mains du mouleur prend toutes les formes.

380. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

J’aime mieux vous la traduire en récit, en images et en sentiments, afin que le récit, l’image et le sentiment la fassent pénétrer en vous par les trois pores de votre âme : l’intérêt, l’imagination et le cœur ; et afin aussi qu’en voyant comment j’ai conçu moi-même, en moi, l’impression de ce qu’on appelle littérature, comment cette impression y est devenue passion dans un âge et consolation dans un autre âge, vous contractiez vous-même le sentiment littéraire, ce résumé de tous les beaux sentiments dans l’homme parvenu à la perfection de sa nature. […] Les premiers essais de composition littéraire, qu’on nous faisait écrire en grec, en latin, en français, ajoutèrent bientôt à ce plaisir passif le plaisir actif de produire nous-même, à l’applaudissement de nos maîtres et de nos émules, des pensées, des sentiments, des images, réminiscences plus ou moins heureuses des compositions antiques qu’on nous avait appris à admirer. […] Leur composition un peu banale était pleine des images, des Bucoliques, des ruisseaux, des troupeaux, des oiseaux, des bergers assis sous des hêtres et jouant des airs champêtres sur leurs chalumeaux, des prairies émaillées de fleurs sur lesquelles voltigeaient des nuées d’abeilles et de papillons. […] À moins d’emprunter toutes mes images à mes livres, ce qui me répugnait comme un larcin et comme un mensonge, il me fallait donc décrire d’après nature l’aride et pauvre printemps de mon pays. […] L’idée d’un livre et l’image des trois chaires de pierre sur la montagne devinrent pour jamais inséparables dans mon esprit.

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