« La religion, dit-il, en même temps qu’elle atteint par son sommet le ciel pur de l’idéal (par exemple, Benjamin Constant, qui filtrait son eau du Rhin avant de la boire, était trop spirituel et trop Français, lui ! pour nous parler de l’idéal ailleurs que dans un roman), la religion pose par sa base sur le sol mouvant des choses humaines et participe à ce qu’elles ont d’instable et de défectueux » ; et plus bas : « Éternellement sacrées dans leur esprit, les religions ne peuvent l’être également dans leurs formes… » Selon M. […] Seulement, les formes à travers lesquelles ce fait s’exprime sont plus ou moins menteuses, vieillies et tombées, et elles tomberont toutes de plus en plus, jusqu’au jour où l’humanité arrivera à la culture de l’idéal pour l’idéal, si elle y arrive !
« Le langage des Italiens de la Renaissance, — a-t-on pu dire avec vérité, — leur idéal mondain, leur idéal moral, la conception qu’ils se forment de l’homme, tout est chez eux conditionné et déterminé par l’idéal qu’ils se sont formé de l’art. » [John Addington Symonds, Renaissance in Italy : The Fine Arts, ch. […] La seule « antiquité » qu’on imite est ou sera bientôt l’antiquité latine ; et ainsi, comme un ferment qui n’était destiné qu’à favoriser une combinaison dont il ne devait point faire partie, le grec, après avoir servi à déterminer l’idéal classique, s’en élimine. […] C’est un second trait de l’idéal classique qui commence à se dessiner : le goût des idées générales ; ou, comme on va bientôt le dire, le goût de la réduction à l’Universel. […] Et voudrait-on encore que nous lui fussions reconnaissants de l’idéal de fausse vertu, sentimentale et déclamatoire, dont ses Lycurgue et ses Philopœmen, ses Caton et ses Brutus ont offert des modèles à nos publicistes ou aux membres de nos assemblées révolutionnaires ? […] Du roman de Rabelais comme expression de l’idéal de la Renaissance : — la pédagogie de Rabelais ; — le Pantagruélisme ; — la philosophie de la nature.
Celle-ci pourtant n’est pas là à ce degré de pureté et de simplicité première qui constitue la perfection classique ; cette perfection sans trace d’effort et sans surcharge aucune, il faut la chercher sous le ciel d’Athènes, dans la beauté idéale et légère des temples, dans l’admirable et discret accord des lignes monumentales avec les lignes naturelles du paysage et des horizons. […] Si nous n’avons pas à tracer ici de programme à une noble pensée, nous ne prétendons pas non plus en présenter un idéal anticipé ; ce que nous voudrions, ce serait, en remerciant M. de Salvandy de son heureuse initiative, de l’y encourager, si ce mot nous est permis, et de maintenir, pour peu qu’il en fût besoin, l’idée première dans sa libre et large voie d’exécution : ce qui rapetisserait, ce qui réduirait trop cette idée, ce qui la ferait rentrer dans les routines ordinaires, en compromettrait par là même la fécondité et en tuerait l’avenir.
Après lui avoir accordé — trop accordé — les dons étincelants de la verve, de l’expression, de l’improvisation inouïe et de la patience qui cherche l’idéal, plus étonnante encore, Wallon, ce malin terrible, refuse à Cousin la seule chose à laquelle Cousin ait prétendu toute sa vie, — il lui refuse d’être philosophe. […] Pour qu’il tombe de plus haut et qu’il se brise mieux, il l’élève ; puis, quand il l’a mis au plus haut de ses facultés exagérées, il le précipite dans cette conclusion (page 129) : « Il est le modèle achevé, pour ainsi dire idéal, de ces riches et pauvres natures, communes à toutes les époques, mais qu’il était donné à notre xixe siècle de mettre en pleine lumière… qui sont à la fois sincères et fausses, aptes et inaptes à tout, font le bien avec ardeur, le mal avec passion, aiment l’idée pour l’idée, l’art pour l’art, et, sublimes égoïstes, se prêtent toujours pour ne se donner jamais.
Cette passion, dont on peut lire le récit complaisamment tracé par le biographe de Bernardin de Saint-Pierre, m’offre bien l’idéal des amours romanesques, comme je me les figure : être un grand poète, et être aimé avant la gloire ! […] Mais s’il savait toujours être idéal dans l’effet de l’ensemble, il ne reculait pas sur la vérité, infinie familière, du détail. […] Dans tout le discours du colon : « Je passe donc mes jours loin des hommes, etc. », il a tracé son portrait idéal et son rêve de fin de vie heureuse. […] On ne saurait croire combien il sert, jusque dans les créations les plus idéales, de se donner ainsi quelques instants d’appui sur des souvenirs aimés, sur des branches légères. […] Ce sont deux vrais modèles d’une causticité fine et décente, compatible avec l’imagination et avec l’idéal.
. — Nous pensons l’objet idéal par sa formule. — Emploi universel de la substitution en mathématiques. […] Les deux font donc un couple dont le second terme, la définition, équivaut au premier terme, c’est-à-dire à l’objet. — Cet objet peut rester idéal, être situé par lui-même hors de toutes nos prises ; peu importe ; nous possédons son représentant. […] Ce ne sont pas les nombres, sauf les trois ou quatre premiers, que nous pensons, mais leurs équivalents, à savoir le nom du nombre précédent joint à l’unité ; ce ne sont pas les objets infinis, ni les objets idéaux que nous pensons, mais les caractères abstraits qui sont leurs générateurs ; ce ne sont pas les caractères abstraits que nous pensons, mais les noms communs qui leur correspondent.
Il a un idéal de vie où s’amalgament Benvenuto Cellini, le duc de Richelieu et Georges Brummel. Savez-vous un idéal plus antichrétien ? […] La vieille Malgaigne, qui a eu jadis des rapports, avec le diable, prédit à l’abbé Sombreval qu’il finira dans l’étang de Quesnay… Et, en effet, le prêtre athée, après avoir déterré sa fille dont il a causé involontairement la mort, se précipite dans l’étang avec le cadavre… (le Prêtre marié) Ryno de Marigny épouse par amour l’idéale et filiale Hermengarde de Polastron, avec le consentement de sa vieille maîtresse, l’Espagnole Vellini. « Va !
Mais souvent, dans les tragédies chrétiennes qu’on nous fait encore, les martyrs semblent verser leur sang pour un « idéal » aussi peu formulé que celui des poètes romantiques, ou, tout au plus, pour la religion de Pierre Leroux et de George Sand, et quelquefois pour celle du prince Kropotkine. […] Voici les inquiets à la façon de notre vieille Leuconoé, les romantiques chercheurs d’idéal : c’est Attale et Æmilia, Altérés d’inconnu, toujours inassouvis… Enivrés, et rêvant encore quelque chose ! […] Et comme ceux-ci croient à l’avènement de la Cité idéale, les chrétiens croyaient au millenium, au règne des saints, dont une des conditions était la destruction de Rome et de l’Empire.