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447. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Il croit peu au progrès général des temps ; les progrès quand ils ont lieu, ou les arrêts de décadence, lui semblent surtout dus à des individus d’exception, grands génies, grands législateurs ou princes, qui font faire à l’humanité des pas inespérés, ou lui épargnent des rechutes tôt ou tard inévitables. […] Pénétré de la difficulté de l’invention sociale en tant qu’elle s’élève au-dessus d’une certaine agrégation première toute naturelle et grossière, et qu’elle arrive à la civilisation véritable, il ne la conçoit possible que grâce à de merveilleuses passions en quelques-uns et à une héroïque puissance de génie : « Il faut, pense-t-il, que les premiers législateurs des sociétés, même les plus imparfaites, aient été des hommes surnaturels ou des demi-dieux. » Grimm, en politique, se rapproche donc beaucoup plus de Machiavel que de Montesquieu, lequel accorde davantage au génie de l’humanité même. […] Grimm et Diderot causaient un soir ensemble, le 5 janvier 1757 ; Diderot était dans un de ces moments d’exaltation et de prédiction philosophique qui lui étaient familiers : il voyait le monde en beau et l’avenir gouverné par la raison et par ce qu’il appelait les lumières ; il exaltait son siècle comme le plus grand que l’humanité eût vu jusque-là.

448. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Malgré le talent dont il éclate, il restera probablement incompréhensible à ceux-là qui cherchent dans l’Histoire des faits à la taille de l’humanité, de ces faits parfaitement incapables de déconcerter le train-train ordinaire de leurs petites facultés. […] Il l’était, je le veux bien, avec un génie d’expression assez profond pour se passer des proportions de la grande peinture, mais tout de même que, de moraliste chrétien qui ne brasse que l’humanité, il est monté jusqu’à l’hagiographe, qui touche dans ce livre aux choses surnaturelles, pourquoi, un jour, ne se serait-il pas élevé de la miniature historique jusqu’à la grande peinture d’histoire ? […] Avec le génie hardi que je reconnais à Ernest Hello, — dont l’un des beaux chapitres est consacré à saint Joseph de Cupertino, cet homme inouï, incompréhensible comme le mystère de l’Incarnation lui-même ; car il incarne aussi l’esprit de Dieu et sa puissance miraculeuse dans l’imbécillité, la laideur, la maladresse, le ridicule, la maladie, toutes les humiliations et toutes les hontes et tous les dégoûts de l’humanité, — il y a dans l’histoire de l’Église des sujets tentateurs pour une plume aussi catholiquement osée que la sienne.

449. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Ainsi mes bienfaiteurs peuvent mourir ; mais, tant qu’il y a des hommes, je suis forcé de rendre à l’humanité les bienfaits que j’ai reçus d’ellex. […] [1re éd.] je suis obligé de rendre à l’humanité les bienfaits que j’ai reçus d’elle.

450. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

Les intellectualistes croient à une rationalisation progressive des sensibilités, à l’avènement d’une humanité qui ne serait plus guidée par des émotions et des sentiments, mais par les seules idées. […] C’est pourquoi les tentatives des sociologues et des moralistes sont condamnées à rester vaines ou en grande partie inefficaces. — Aucun mécanisme passionnel à la Fourier, aucune morale intellectualiste, aucune religion de l’humanité selon la formule comtiste ne palliera ni n’atténuera sérieusement la discordance du jeu interne et externe des passions.

451. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Mais si l’on y regarde de plus près, ou voit bien vite que la personnalité glorifiée par les moralistes est toujours, au fond, l’essence idéale de l’humanité, la raison impersonnelle, une et identique en tous les individus. […] Durkheim réprouve le suicide comme un attentat contre la société et contre l’humanité ; M. 

452. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Vous restez une minute cloué sur le seuil, suffoqué par le bruit, la chaleur et la fumée ; un spectacle étrange s’offre à la vue : un long boyau coudé de maçonnerie est rempli d’une humanité exaltée et grouillante. […] Mais soudain le rire cesse : le Pierrot famélique s’est transfiguré ; le pitre fait place au poète et c’est une voix émouvante et passionnée qui rythme de vivants sanglots : Pour devenir un jour celui que tu recèles, Et qui pourrait périr avant d’avoir été, Sous le poids d’une trop chamelle humanité, Ô mon âme !

453. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

La « chère âme » qu’elles chantent est d’ailleurs une des plus dégoûtantes, une des plus répulsives que l’humanité puisse connaître et, malgré les belles cadences, malgré l’éclat coloré ou lumineux de certaines images, les allégories qui expriment cette pourriture folle ne parviennent pas à me séduire. […] Une telle malade peut être un sujet d’étude curieux, mais il serait absurde de confier à cet être titubant vers toutes les chutes le flambeau dont on voudrait éclairer la prochaine route de l’humanité.

454. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Quel que soit le drame, qu’il contienne une légende, une histoire ou un poème, c’est bien ; mais qu’il contienne avant tout la nature et l’humanité. […] Un jour, espérons-le, le globe entier sera civilisé, tous les points de la demeure humaine seront éclairés, et alors sera accompli le magnifique rêve de l’intelligence ; avoir pour patrie le monde et pour nation l’humanité.

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