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266. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Plus tard, dans la publication des écrits historiques posthumes du roi de Prusse, l’exactitude, pour mille raisons, n’avait pas été mieux observée, et l’on peut dire, en considérant l’édition qui se publie aujourd’hui à Berlin par les ordres du gouvernement prussien, et en la comparant aux précédentes, que les Œuvres de Frédéric paraissent aujourd’hui pour la première fois dans un texte authentique et dignement reconnaissable. […] La portion historique des Œuvres de Frédéric a eu le pas, à bon droit, sur les autres écrits ; elle forme sept volumes, dont cinq sont sous mes yeux. […] Il s’étend sur ce règne avec complaisance ; il va même jusqu’à oser établir un parallèle entre ce petit prince du Nord et Louis XIV dans sa gloire : sauf deux ou trois traits un peu fleuris et trop mythologiques, sauf un léger accent oratoire qui perce çà et là, cette comparaison fournit à une belle page historique et d’une véritable élévation. […] De ce même Pierre le Grand il dira ailleurs énergiquement : « Pierre Ier, pour policer sa nation, travailla sur elle comme l’eau-forte sur le fer. » Pour peindre les hommes d’État, les ministres, il a de ces mots de haute pratique et d’autorité, de ces mots qui sont d’avance historiques et qui se gravent.

267. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Les Anecdotes sur la révolution de Russie en l’année 1762 sont un très agréable petit livre, sans prétention solennelle, et où les événements historiques ne sont eux-mêmes envisagés qu’au point de vue des mœurs. […] Comme historien et comme écrivain honorablement sérieux, il prit rang en 1788 par ses Éclaircissements historiques sur les causes de la révocation de l’édit de Nantes et sur l’état des protestants en France. […] Mais les Éclaircissements de Rulhière, pour être incomplets, et en quelque sorte de biais, n’en furent pas moins très utiles au moment où ils parurent, et n’en restent pas moins toujours une des pièces intéressantes à consulter dans l’étude de cette grande question historique. […] Il a conçu une vaste composition historique, il a commencé à l’exécuter et l’a poussée durant plus de onze livres avec aisance, harmonie et largeur.

268. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

La goutte d’eau qui tombe du rocher perce la montagne, pourquoi la goutte d’eau qui tombe d’un esprit ne percerait-elle pas les problèmes historiques ? […] Éclairer par un rapprochement historique une question contemporaine, sans doute cela peut être utile ; mais le Rhin, ce fleuve unique au monde, ne vaut-il pas la peine d’être vu un peu pour lui-même et en lui-même ? […] Ces lettres ont été écrites au hasard de la plume, sans livres, et les faits historiques ou les textes littéraires qu’elles contiennent çà et là sont cités de mémoire ; or la mémoire fait défaut quelquefois Ainsi, par exemple, dans la Lettre neuvième, l’auteur dit que Barberousse voulut se croiser pour la seconde ou la troisième fois, et dans la Lettre dix-septième il parle des nombreuses croisades de Frédéric Barberousse.

269. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

En l’absence de William Shakespeare, trépassé il y a trois siècles, Beaumont-Vassy avait pensé à nous ressusciter le galbe imposant de cet halluciné sublime dans je ne sais quel drame, — ou plutôt dans je ne sais quelle scène historique de longue haleine comme ont imaginé d’en écrire les hommes qui ne savent pas remuer puissamment l’échiquier du théâtre, où les conceptions de la pensée se carrent et se cubent sous l’empire des plus difficiles combinaisons. […] Mais Beaumont-Vassy, dont la forme élégante a la pâleur diplomatique, n’a pas littérairement beaucoup plus de style que cette foule d’écrivains qui, au xixe  siècle, savent jeter une phrase dans le moule banal où tout le monde peut aller faire fondre son morceau de plomb… Évidemment, pour que des livres pareils soient lus avec avidité, il faut qu’il y ait absence complète d’œuvres historiques sur la Russie, et, de fait, il n’y en a pas. […] Les sources historiques les plus profondes, malgré le limon de la personnalité qui s’y mêle, sont très certainement les Mémoires, et, nous l’avons dit plus haut, les Mémoires n’existent pas en Russie.

270. (1874) Premiers lundis. Tome I « M.A. Thiers : Histoire de la Révolution française Ve et VIe volumes — I »

Et qu’on ne pense pas que cette unité de marche, que nous signalons, soit l’effet d’une illusion historique ; elle est empreinte dans chaque acte émané de cette Assemblée célèbre, dans ses allures brèves, dans ses sommations, ses ordres du jour et ses rigueurs ; elle est surtout explicitement professée dans les rapports de Saint-Just et de Barrère. […] Dans ce grand mouvement historique, nous n’avons pu saisir, en quelque sorte, que la formule fondamentale qui l’exprima, en la dégageant des accidents secondaires qui la compliquent et la modifient.

271. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

C’en est bien assez pour justifier les rapprochements qu’on a tant de fois établis entre les deux Révolutions, et ce parallélisme historique se fortifie même de mille ressemblances singulières. […] Par sa base historique, le système anglais appliqué à la France est ruineux, puisqu’il repose sur des similitudes superficielles.

272. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Lucien Muhlfeld Un des livres du siècle (Les Trophées) est éclos, ce m’est l’escompte d’une joie historique de m’en sentir contemporain. […] [Précis historique et critique de la littérature française (1895).]

273. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Léon Feugère ; Ambroise-Firmin Didot »

Les divers travaux que nous devons déjà à sa plume érudite et facile attestent une sincère et courageuse aptitude à rechercher et à clarifier les sources, toujours un peu troubles, de la littérature historique. […] Toujours est-il que ce reproche que la critique est en droit d’adresser à Feugère, et qu’elle ne lui ménagera pas, implique la condamnation d’un livre qui pouvait, avec les connaissances multipliées de l’auteur, être une œuvre historique, importante et forte, et qui, dédoublée des doctrines qui sont l’âme orageuse de la littérature au xvie  siècle, tombe à n’être plus qu’une critique de lexicographe et un maigre travail de grammairien !

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