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881. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Force est donc que nous nous contentions de fragments, de petites parties détachées ; heureux encore qu’il se rencontre çà et là quelque chose à notre usage dans ce favori des Allemands, et que, ne pouvant le suivre comme eux avec une fidèle admiration dans le labyrinthe de ses pensées, nous puissions du moins l’aborder quelquefois hors de ces routes mystérieuses dont l’accès nous est interdit. […] Ce contraste ou plutôt cette heureuse harmonie se fait sentir dans les Pensées. […] On tombe aussi généralement d’accord que les innovations dans le style doivent avoir, pour la langue elle-même, des conséquences heureuses ou fatales, mais en tout cas très graves.

882. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Voilà la veine heureuse, voilà le thème où nous nous renfermerons ici. […] Il faut que tous soient heureux… Je supprime la série de ces Il faut, qui seraient mieux placés dans un de ces petits sermons philosophiques où ceux qui cherchent à imposer aux autres une foi qu’ils ne sont pas bien sûrs d’avoir eux-mêmes, s’échauffent en parlant, affirment sur tous les tons, et se font prophètes afin de tâcher d’être croyants. […] La Petite Fadette est une étude des plus piquantes et des plus heureuses.

883. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Le 11 de ce mois est mort, à l’âge de quatre-vingt-trois ans accomplis, un vieillard aimable, spirituel, qui recouvrait, sous les formes d’une politesse exquise et d’une parfaite urbanité mondaine, un caractère ferme, des opinions nettes et constantes, bien de la philosophie pratique ; un sage et un heureux qui avait conservé à travers les habitudes du critique, et avec un esprit volontiers piquant, un cœur bienveillant et chaud, une extrême délicatesse dans l’amitié. […] Il fallait voir comme il jouissait de tout, de lui-même et des autres, comme son visage aussitôt s’éclairait d’un souvenir, d’un trait heureux, que ce fût lui ou un autre qui l’eût dit. […] Le coup pourtant lui fut pénible et sensible, surtout à titre de procédé : ce fut la seule douleur de ses dernières années, si consolées d’ailleurs et si heureuses.

884. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Chaque profession, en effet, nourrit à sa manière de bons esprits qui trouvent, dans le sujet habituel qu’ils ont en main, des expressions heureuses, des termes hardis et naturels, dont un bon écrivain peut faire ensuite son profit, mais dont seul il ne se serait pas avisé. […] Son style est de robe longue, même dans ses lettres où il ne vise point à être pompeux ; mais, à tout moment, il rachète ces défauts réels, ces longueurs de phrase, par des expressions heureuses qui honoreraient Montaigne ; il joint à sa gravité habituelle, à la justesse et à la prud’homie de ses pensées, un agrément qui sent le poète dans la prose. […] Un judicieux tempéré d’aimable, — M. le chancelier Pasquier, âgé de plus de quatre-vingts ans et dans la retraite, nous explique en quelque chose ces heureuses qualités de son ancêtre.

885. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Pour admirer, il lui suffit qu’il y ait de l’esprit, de l’habileté, de l’éclat, et une appropriation heureuse aux circonstances et à la société du moment. […] Il ne l’entend pas, et pourtant il jette à ce propos mille pensées fort neuves, fort spirituelles, et que la science critique a depuis plus ou moins exploitées ; il a des ouvertures imprévues et heureuses. […] Il y a donc un âge pour certaines fictions et certaines crédulités heureuses, et, si la science du genre humain s’accroît incessamment, son imagination ne fleurit pas de même.

886. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

On peut juger si celle-ci entre dans le badinage : « La posture où il faudrait me mettre pour remuer conviendrait peut-être mieux à ma figure qu’à mon rhumatisme. » Toute cette partie de la correspondance nous montre les deux femmes célèbres à leur avantage, dans toute la vivacité de leur goût mutuel, en veine heureuse et en plein accord ; et Mme de Maintenon, avec son habituelle justesse, résume cette impression quand elle dit (29 mai 1707) : Je viens de relire encore vos lettres pour voir si j’ai répondu à tout : Mon Dieu ! […] Malgré d’heureuses et rares exceptions, il est bien clair que le beau siècle se gâte ; les jeunes femmes de ce temps-là sont étranges de mœurs et de manières ; elles vont être les femmes de la Régence. […] Toute étude faite, je n’en ai pas le courage : elle rendit, en effet, de vrais services, et, en ce qui est de l’habileté dans les conjonctures difficiles, on est trop heureux de la prendre où elle se rencontre.

887. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Nous voyions près de nous des montagnes couvertes de neige, qui nous faisaient frais aux yeux… On a dit du président de Brosses qu’il savait peu écrire ; le fait est qu’il n’y songe pas ; son style en lui-même n’est rien, mais l’esprit lui donne à tout moment de ces expressions heureuses, pittoresques, qui disent tout en deux mots. […] Venise et son originalité de site et de mœurs, le sang si doux de ses heureux habitants, cette vie molle et de volupté silencieuse qui se berce et glisse sur les eaux, y est délicieusement retracée. […] Ce sentiment du beau et de l’antique, ou des merveilles pittoresques modernes, qui fait l’honneur de leur jugement, de Brosses ne se donne aucune peine pour l’avoir et pour l’exprimer : il l’a du premier bond et le rend par une promptitude heureuse.

888. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Et c’est même ce qui peut arriver de plus heureux pour l’honneur de Mérimée, c’est qu’on les oublie ; car, si on s’en souvient, elles diminueront étrangement l’homme qui les a écrites et l’idée qu’on avait de la puissance et de la distinction de son esprit. Coup de filet manqué d’une spéculation qui ne rapportera pas ce qu’on avait espéré à ceux qui l’ont faite, ces Lettres à Panizzi, si terriblement dommageables à la mémoire de Mérimée, se retourneront, après sa mort, contre le bonheur de toute sa vie, à cet homme heureux qui ne s’appela pas Prosper pour rien. […] Dès le début de sa vie littéraire jusqu’à la fin, il fut heureux.

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