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921. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Une de ses épaules est plus haute que l’autre ; il a la jambe droite plus courte que la gauche. […] Il n’est pas large des épaules, ni d’une taille élevée ; l’une de ses épaules est un peu plus haute que l’autre. […] Ce portrait, qui se compose tout entier de mots et de traits originaux rapportés, me donne au plus haut degré le sentiment de la vérité et de l’équité historique, et ceux qui ont une fois goûté à ce genre sobre et sain sont guéris à jamais du clinquant, du flambant, du faux enthousiaste, du faux pittoresque, du faux lyrique. […] L’idée, en partie fausse, mais haute du moins et sévère, qu’il se faisait des droits et des devoirs de la royauté, ne l’abusa point en ceci : il se dit que ce serait une calamité pour ses peuples et une honte pour lui comme pour sa race d’avoir un tel rejeton et successeur après soi sur le trône. il n’en admettait même pas la pensée.

922. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Les autres qualités qui élèvent au sublime sont des dons de la nature et de l’expérience. » « Je répondis que j’acceptais l’augure, et que je profiterais de ses leçons ; il m’embrassa une seconde fois, et je rentrai dans mon rang. » Il y rentrait pour en sortir bientôt par ses hauts faits8. […] Je ne vois pas que les hautes autorités dans la science militaire en fassent grand cas. […] Les lettres et les pièces données par le comte Vitzthum, et qui sont d’une date antérieure au grand rôle que joua le maréchal de Saxe à la tête des armées françaises, nous le font voir comme un esprit, de vaste étendue, de haute visée, de capacité ouverte et multiple, qui ne se circonscrit nullement aux choses de la guerre, bien qu’il soit né pour y exceller. […] Ce qui est vrai, c’est que Maurice ne se donnait pas la peine d’avoir de l’esprit dans le sens des courtisans français : il se sentait mal à l’aise, tant qu’il ne fut pas dans les hauts emplois où il pût déployer son génie naturel et oser librement : cela perce dans toute sa correspondance avec son père et avec son frère, avant qu’il se fût donné tout entier à connaître à son pays d’adoption.

923. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Il est véritablement au pinacle, et, quant au militaire, comme il le dit rondement : « Je ne puis monter plus haut, ou bien je me casserai le cou » (il disait ces derniers mots en allemand) ; et quant à la partie diplomatique qui s’entame, il a le bon esprit de sentir que ce serait le plus beau titre de sa maison aux yeux de la France, que sa nièce, en s’asseyant sur le degré le plus voisin du trône, devînt, dès le premier jour, un gage de paix. […] Avec lui, on ne doit pas craindre d’employer les termes ni marchander les mots ; il portait haut ses vices comme ses qualités ; il les menait à grandes guides, il ne les dissimulait pas. […] Le prince de Conti, disait-on tout haut, le rival humilié, l’envieux et l’ennemi du héros, l’avait blessé mortellement en duel dans le parc même de Chambord, et le maréchal de Saxe était mort de cette blessure que, par générosité, il avait tout fait pour cacher. […] Gêner un cœur, ce n’est pas ma façon… Et quant à ces grands mots de « la dignité de son art » et de « l’honneur de son nom », appliqués à une agréable actrice (car j’ai décidément sur le cœur toute cette morale à côté dont on nous inonde), j’ajouterai encore qu’il suffît de lire le Manuscrit trouvé à la Bastille, et dans ce Manuscrit certaine page 28, en ayant soin d’y rectifier une coquille typographique, pour s’assurer que les relations entre le maréchal et l’aimable Chantilly n’étaient pas guindées, il s’en faut de beaucoup, sur un si haut ton.

924. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Les rares et aimables qualités du général Franceschi, son excellente éducation, ses talents d’agrément, son esprit supérieur, sans compter son haut mérite militaire, tout parlait pour lui et lui conciliait l’affection. […] À moitié route de Toro à Tordesillas, le postillon proposa de prendre un chemin de traverse dans des blés très hauts, lorsque tout d’un coup se levèrent des guérillas en partie cachés, vêtus de longs manteaux, armés de fusils. […] Le futur lord Wellington fit placer notre général à sa droite, et, en présence du commandant des guérillas et des officiers de notre escorte qui s’étaient mis à table, le traita avec la plus grande distinction. » C’est alors que Wellington adressa au général Franceschi les paroles d’éloge que j’ai citées plus haut ; mais il n’osa faire davantage ni accéder à la demande du général d’être considéré comme prisonnier des Anglais et envoyé en Angleterre. […] Le médecin, le visitant l’avant-veille de sa mort, eut l’imprudence de dire en espagnol à l’aide de camp Bernard, assez haut pour être entendu : « Il est perdu : déjà les extrémités sont mortes. » Le général avait saisi les fatales paroles, et, avec le sourire le plus doux et le plus gracieux, il répondit au médecin par le vieil adage du pays : « Asi s’accavi la cuenta ! 

925. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Tout mouvement littéraire a son développement plus ou moins long ; après quoi il s’épuise, languit et tourne sur lui-même, jusqu’à ce qu’une autre impulsion reprenne et mène au delà. « Percez-nous-en d’un autre, » disait Mme Desloges à Voiture, à propos d’un calembour qui n’allait plus : de même en haute poésie. […] Étienne Pasquier écrivait à Ronsard en 1555, six ans seulement après que Du Bellay, dans l’Illustration de la Langue, avait sonné la charge et prêché la croisade : « En bonne foi, on ne vit jamais en la France telle foison de poëtes… Je crains qu’à la longue le peuple ne s’en lasse ; mais c’est un vice qui nous est propre, que, soudain que voyons quelque chose succéder heureusement à quelqu’un, chacun veut être de sa partie sous une même promesse et imagination qu’il conçoit en soi de même succès. » Pasquier veut bien croire que tous ces nouveaux écrivasseurs donneront tant plus de lustre aux écrits de Ronsard, « lesquels, pour vous dire en ami, continue-t-il, je trouve très-beaux lorsque avez seulement voulu contenter votre esprit ; mais quand, par une servitude à demi courtisane, êtes sorti de vous-même pour étudier au contentement, tantôt des grands, tantôt de la populace, je ne les trouve de tel alloi. » En sachant gré au poëte de l’avoir nommé en ami dans ses écrits, il ajoutait : « Mais, en vous remerciant, je souhaiterais que ne fissiez si bon marché de votre plume à haut louer quelques-uns que nous savons notoirement n’en être dignes ; car ce fesant vous faites tort aux gens d’honneur. […] Il est poëte de sens, de sentiment et d’esprit plutôt que de haute imagination. […] abusé. « Ce n’est plus un violon qu’a votre Apollon, me disait quelqu’un, c’est un rebec. » Charles Loyson salua la venue de Lamartine d’un applaudissement sympathique où se mêlèrent tout d’abord les conseils prudents142 : « Edera crescentem ornate poetam, s’écrie-t-il en commençant ; voici quelque chose d’assez rare à annoncer aujourd’hui : ce sont des vers d’un poëte. » Et il insiste sur cette haute qualification si souvent usurpée, puis il ajoute : « C’est là ce qui distingue proprement l’auteur de cet ouvrage : il est poëte, voilà le principe de toutes ses qualités, et une excuse qui manque rarement à ses défauts.

926. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Je ne sais si toute cette théorie, mi-partie poétique et mi-partie critique, est fort claire ; mais je la crois fort vraie, et tant que les biographes des grands poëtes ne l’auront pas présente à l’esprit, ils feront des livres utiles, exacts, estimables sans doute, mais non des œuvres de haute critique et d’art ; ils rassembleront des anecdotes, détermineront des dates, exposeront des querelles littéraires : ce sera l’affaire du lecteur d’en faire jaillir le sens et d’y souffler la vie ; ils seront des chroniqueurs, non des statuaires ; ils tiendront les registres du temple, et ne seront pas les prêtres du dieu. […] Génie loyal, plein d’honneur et de moralité, marchant la tête haute, il devait se prendre d’une affection soudaine et profonde pour les héros chevaleresques de cette brave nation. […] Les personnages de Corneille sont grands, généreux, vaillants, tout en dehors, hauts de tête et nobles de cœur. […] En somme, Corneille, génie pur, incomplet, avec ses hautes parties et ses défauts, me fait l’effet de ces grands arbres, nus, rugueux, tristes et monotones par le tronc, et garnis de rameaux et de sombre verdure seulement à leur sommet.

927. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Plus elle s’était élevée haut, plus dure était la chute. […] Lui abattu, la cime de la Convention parut moins haute. […] L’intention était haute, le courage grand, mais la victime n’était pas assez pure même pour se sacrifier ! […] Cette page, écrite dans un de ces moments d’enthousiasme plus poétique qu’historique où l’on s’élève si haut dans l’espace qu’on cesse de voir les sinistres détails d’un événement pour n’en considérer que l’ensemble (et l’homme à faible vue n’a pas le droit de s’élever ainsi jusqu’à ce point où l’on ne distingue plus que les résultats dans un désintéressement soi-disant sublime, mais en réalité coupable, du crime ou de la vertu), cette page, dis-je, est une des deux grandes fautes involontaires que j’aie à me reprocher dans ma carrière d’écrivain.

928. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Et de là dans la sécheresse de son récit, ces brèves impressions qui y sont comme des points lumineux : c’est Gaza, « la cité fermée de hauts murs et de hautes tours : et vainement eussiez-vous demandé une plus belle, plus forte ni plus riche » : nette et claire silhouette qui se détache comme du fond d’un tableau de primitif. […] « Or pouvez vous savoir que ceux-là regardèrent fort Constantinople, qui jamais ne l’avaient vue : car ils ne pouvaient croire que si riche ville put être en tout le monde, quand ils virent ces hauts murs et ces riches tours dont elle était close tout autour à la ronde, et ces riches palais et ces hautes églises, dont il y avait tant que nul ne l’aurait pu croire, s’il ne l’eût de ses yeux vu, et la longueur et la largeur de la ville qui sur toutes les autres était souveraine.

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