» disait une femme qui, les pieds dans la gloire, en foulait tristement la misère. […] Nous le regrettons pour la gloire de son livre et l’émotion de son lecteur. […] Que n’aurait pas été Leopardi s’il avait eu la foi du Dante, ce Leopardi dont la gloire se raconte à l’oreille de quelques artistes curieux ?
Tout le temps qu’un homme est vivant, il peut y avoir un hasard ou une illusion dans sa gloire, un malheur dans son obscurité. […] Amoureux fou qui faisait le dégoûté de la Gloire, il la traita en vain comme les séducteurs traitent les femmes : il la fuyait pour l’attirer. En vain se cachait-il d’elle pour lui donner l’envie de le découvrir, et croyait-il faire étinceler, en rondes bosses d’or, toutes les lettres de son nom à travers les ternes pseudonymes qu’il écrivait au front de ses œuvres : la Gloire lui répondit en vraie femme qui a le caprice de ne plus faire de contradiction.
Comme il s’indigne de prononcer encore les mots de grandeur et de gloire ! […] L’idée imposante d’un vieillard qui célèbre un grand homme, ces cheveux blancs, cette voix affaiblie, ce retour sur le passé, ce coup d’œil ferme et triste sur l’avenir, les idées de vertus et de talents, après les idées de grandeur et de gloire ; enfin la mort de l’orateur jetée par lui-même dans le lointain, et comme aperçue par les spectateurs, tout cela forme dans l’âme un sentiment profond qui a quelque chose de doux, d’élevé, de mélancolique et de tendre. […] Dans son éloquence sublime, il se place entre Dieu et l’homme ; il s’adresse à eux tour à tour ; souvent il offre le contraste de la fragilité humaine, et de l’immutabilité de Dieu, qui voit s’écouler les générations et les siècles comme un jour ; souvent il nous réveille par le rapprochement de la gloire et de l’infortune, de l’excès des grandeurs et de l’excès de la misère ; il traîne l’orgueil humain sur les bords des tombeaux ; mais après l’avoir humilié par ce spectacle, il le relève tout à coup par le contraste de l’homme mortel, et de l’homme entre les bras de la divinité.
Tous en effet le trouvent sur leur chemin, menaçant de difficultés sans nombre, de fatigues, de sueurs, quiconque veut arriver à la gloire des vers. […] Le respect même pour sa gloire trompait les plus habiles : témoin La Bruyère, qui, dans le jugement qu’il en a porté, met Œdipe sur le même rang que les Horaces. […] Ne pouvait-il pas être tenté par la gloire, plus commode, des deux mille pièces de Lope de Vega ? […] Mais en perfectionnant le goût du public, qui juge et qui inspire les productions des arts, ils élèvent les conditions auxquelles s’obtient la gloire des succès durables. […] Pour ceux qui, à l’exemple de Pradon accusant Boileau de dépouiller Horace, pensent ôter à la gloire d’un auteur célèbre tout ce qu’ils notent d’endroits imités, ils se méprennent sur l’imitation.
Sa gloire se mêle désormais à la leur, et sa disparition laisse vide un espace de lumière qu’elle remplissait de la haute clarté de son génie. […] Par elles et pour elles, il avait souffert, et son labeur désintéressé n’avait été récompensé que par une gloire tardive. […] La vieillesse lui donne un air respectable et une sorte de distinction sénile qui lui manquait auparavant, il est au faîte de sa gloire. […] En ces années, la gloire de Wagner rencontrait en France de vives résistances, mais y suscitait aussi de fanatiques enthousiasmes. […] Pourquoi, de son vivant, la gloire lui fut-elle si chichement départie ?
C’était partout, de ville à ville, de contrée à contrée, une émulation passionnée de savoir et de gloire. […] Il était très-fameux, tandis que Dante Allighieri n’avait encore qu’une très humble part dans la gloire. […] Ajoutons, pour couronner la gloire de Brunetto, qu’il fut très véritablement le maître de Dante. […] Il souhaite la gloire ardemment ; et non pas seulement cette gloire abstraite, telle que nous la concevons dans nos sociétés vieillies, et dont le froid éclat ne resplendit que sur les tombeaux ; il en veut sentir à son front le rayon vivant. […] Alors Dante voit dans sa gloire la femme qui fut ici-bas son amour, sa passion, son culte, son salut.
Ce n’est pas un médiocre mérite sans doute que d’imiter de génie ; mais trouver du nouveau dans le vrai, être à son tour un modèle que beaucoup imiteront, c’est la gloire. […] On sait, au contraire, que Tacite a eu la gloire de l’incommoder, et qu’il ne dédaignait pas de prendre les conseils de Montesquieu. […] A la différence de Montesquieu qui, au début, hésite entre les sciences et les lettres, soit égale capacité pour les deux choses, soit penchant de jeunesse vers la plus populaire, Buffon va tout d’abord aux sciences, poussé par l’instinct du génie et l’amour de la gloire. […] Buffon vit retiré à Montbard, loin du monde, mais point inaccessible, laissant volontiers pénétrer jusqu’à lui la gloire en la personne de visiteurs curieux, qui venaient, comme il dit de J. […] Ce régime, d’une application difficile et délicate en tout temps, l’est devenu plus encore à notre époque, malgré l’autorité et la gloire du succès pendant trois siècles.
Non seulement Bossuet n’en a pas pris toute la gloire ; mais, selon certains juges, il n’y serait même pas le premier. […] C’est ce que fit Massillon, et je le dis plus à son excuse qu’à sa gloire : ces sortes de transactions compromettent le principe qui a cédé. […] Au contraire, il loue l’ambition, il exalte l’amour de la gloire ; il veut que l’homme vive de toute sa vie, de toutes ses forces, de toutes ses passions même, à charge de les conduire et d’en rester maître. […] Avec quelle finesse de jugement, comparant Pascal et Bossuet, il fait des distinctions jusque dans leur gloire commune, la plus haute où se soient élevés, dans les choses de l’esprit, des hommes mortels ! […] Qui sait même si ces premiers regards de la gloire, dont Vauvenargues compare la douceur à celle des premiers rayons de l’aurore, ne sont pas le premier coup d’œil que jeta Voltaire étonné et charmé sur les Réflexions critiques du jeune écrivain ?