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2196. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

La légèreté de son travail se fait assez connaître par les différentes inadvertances qui lui sont échappées ; comme par exemple lorsqu’il fait dire à Ferdinand que le duc de Milan et son brave fils ont péri dans la tempête, quoiqu’il ne soit pas question de ce fils dans tout le reste de la pièce, et que rien ne puisse faire supposer qu’il existe dans l’île, bien qu’Ariel qui assure d’ailleurs à Prospero que personne n’a péri, n’ait renfermé sous les écoutilles que les gens de l’équipage. […] Bien qu’ils ne tinssent, à ce qu’il paraît, à la haute noblesse d’Écosse que par des degrés assez « éloignés, les nobles, dit la chronique, furent très-offensés de cette extrême rigueur, regardant comme un déshonneur, pour des gens descendus de noble parentage, d’être contraints de gagner leur vie par le travail de leurs mains, ce qui n’appartient qu’aux hommes de la glèbe et autres de la basse classe, nés pour travailler à nourrir la noblesse et pour obéir à ses ordres ». […] Ce que nous connaissons des discours des sauvages contient beaucoup d’idées recherchées ; la recherche est le caractère des beaux esprits de la classe inférieure ; les injures mêmes des gens du peuple sont composées quelquefois avec une recherche tout à fait singulière, comme si, dans ces moments où la colère exalte les facultés, leur esprit saisissait avec plus de facilité et d’abondance les rapports de ce genre, les seuls où il soit capable d’atteindre. […] Le rôle de la nourrice de Juliette offre également peu de ces subtilités que Shakspeare paraît, dans cet ouvrage, avoir réservées aux gens de la haute classe, et quelquefois aux valets qui les imitent. […] Nym, qu’on retrouve dans Henri V, n’est point compté dans la seconde partie de Henri IV, au nombre des gens de Falstaff.

2197. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

« Quant à laisser voir mon opinion sur les gens que je mets en scène, écrivait-il à George Sand, non, non, mille fois non ! […] Le Contrat de mariage ; La Recherche de l’absolu ; Les Paysans ; Le Cousin Pons] ; et quelquefois presque aucune place. — Comme d’ailleurs il n’est pas d’embarras d’argent qu’il n’ait lui-même connus ; — la réalité de son expérience personnelle s’est ajoutée à ce qui s’insinue d’inévitable réalisme au théâtre et dans le roman par l’intermédiaire de la question d’argent ; — et il est le romancier de la question d’argent, comme Musset est le poète de l’amour. — C’est qu’il a compris les exigences qu’imposait au roman la seule intention d’y traiter la question d’argent ; — et non seulement l’espèce d’activité, d’intelligence, d’esprit nécessaire à l’acquisition de la fortune ; — ce que Scribe, au contraire, n’a jamais compris ; — mais de plus il a vu qu’il lui fallait mettre en scène toute une sorte d’hommes oubliés jusqu’alors par les romanciers : — des banquiers et des notaires, des huissiers et des avoués, des usuriers et des prêteurs à la petite semaine ; — c’est-à-dire toute une population dont la peinture ou la représentation ne peut être que réalité ; — puisqu’elle ne vit elle-même que de la plus concrète et, dans nos civilisations modernes, de la plus universelle des réalités. — Mais, à leur tour, et à la suite des hommes d’affaires, sont entrées dans le roman toutes les « conditions » ; — l’infinie diversité des professions et des métiers ; — qu’il a fallu caractériser par les traits qui sont effectivement les leurs ; — par les déformations intellectuelles, psychologiques, ou morales qui en sont la conséquence ; — militaires et magistrats, artistes et gens de lettres, fonctionnaires et commerçants, diplomates et hommes politiques, médecins et rentiers ; — dont il a fallu connaître, décrire, expliquer les occupations ; — et, pour les décrire, user des termes qui sont ceux de leur vocabulaire ou de leur argot ; — n’y ayant pas deux mots pour désigner un « protêt » — ni de périphrase littéraire pour nommer une pâte épilatoire. — Et, après cela, quand il a eu conçu l’idée de relier tous ses romans ensemble ; — et d’en faire, non pas une succession d’épisodes continués l’un par l’autre ; — mais un tableau de la société de son temps ; — s’il avait oublié quelque trait, il a fallu qu’il s’en aperçût ; — et c’est alors que le caractère réaliste lui en est à lui-même apparu nettement ; — comme aussi ce qu’on en pourrait appeler le caractère scientifique. […] Le Philosophe ; — et, à cette occasion, du pessimisme en général ; — et qu’il n’est point la doctrine de mort ou d’inertie que l’on a prétendu ; — mais au contraire la source de l’action féconde ; — et en tout cas le principe de toute élévation morale. — Du pessimisme de Vigny ; — et qu’on lui fait tort du meilleur de lui-même, — en en cherchant la cause dans l’étroitesse de sa vie domestique ; — ou dans les déceptions de son amour-propre ; — ou, comme « les gens d’esprit », dans le pressentiment physiologique de la maladie dont il devait mourir [le cancer de l’estomac]. — Le pessimisme de Vigny est une doctrine philosophique ; — fondée sur la conviction raisonnée de l’hostilité de la nature à l’égard de l’homme [Cf.  […] Elle consiste essentiellement dans la verve un peu brutale qu’il a mise au service de certaines idées ; — qu’on ne défend d’ordinaire qu’avec un peu d’hésitation ou de timidité ; — parce qu’elles sont effectivement aussi banales que justes. — Il a par exemple solidement établi que « bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée », — et que l’amour ne refait point la virginité des courtisanes. — Il a également démontré que les gens dits d’affaires manquaient assez souvent de scrupules [Cf.  […] 2º Le rôle de Baudelaire ; — et qu’il est tout à fait posthume. — Les Fleurs du mal elles-mêmes auraient passé presque inaperçues, — sans l’espèce de condamnation qui leur valut dans leur nouveauté une popularité de mauvais aloi. — Mais sa mort, en 1867, ayant ramené l’attention sur Baudelaire, — et levé le scrupule que beaucoup de gens eussent eu de son vivant à se dire son admirateur ou son disciple, — c’est à partir de ce moment qu’il a exercé, — et qu’il exerce encore une influence réelle, — dont on peut réduire l’action à trois points. — Il a réalisé cette poésie morbide, — qu’avait rêvée Sainte-Beuve au temps de sa jeunesse, — et dont le principe est l’orgueil d’avoir quelque maladie plus rare ou plus monstrueuse. — Il a découvert ainsi et exprimé quelques rapports, — dont le caractère maladif est relevé par l’acuité des sensations qu’ils procurent ; — et aussi par la brutalité même des mots dont on a besoin pour les exprimer. — Et enfin, en s’attachant à l’expression de ces rapports, — il a inauguré le symbolisme contemporain ; — si ce symbolisme consiste essentiellement dans le mélange confus du mysticisme et de la sensualité. — La question qui se pose d’ailleurs sur ces « innovations » — est de savoir jusqu’à quel point l’auteur en fut sincère — et si toute une école n’a pas été la dupe d’un dangereux mystificateur.

2198. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Autrement il y a trop de gens qui en souffrent plus tard… Je pense à ma mère, qui m’a abandonné quand j’avais deux ans, et à mon père, qui en est mort5… » Vous rappelez-vous le couplet de Perdican au second acte d’On ne badine pas avec l’amour, et comme il répond à Camille : « Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels. […] Les gens s’y abondonnent et deviennent les esclaves de l’événement. […] Ils sont ainsi bien de leur temps, qu’ils ont séduit par ce trop de ressemblance, car la curiosité, dernière passion des vieilles gens, est demeurée celle de notre siècle caduc Avec sa littérature d’enquête, ses journaux remplis du détail de ses infamies, son art de déformation et de laideur patiemment ramassées, ce siècle me rappelle parfois un homme que je vis un jour, dans une visite à l’Hôtel-Dieu, tirer de son chevet une glace à main et y regarder, entre deux pansements, sa bouche dévorée d’un cancer. […] Théophile Gautier disait, et le propos est rapporté par les Goncourt eux-mêmes : « Sur vingt-cinq personnes qui entrent dans un salon, il n’y en a peut-être pas deux qui voient la couleur du papier. » Il y a ainsi, dans la perception que ces gens se forment des choses, une insuffisance continue ; et comme le milieu agit sur nous, non pas en raison de ce qu’il est, mais en raison de ce que nous en percevons, la peinture vraie de ce milieu est celle qui tient compte de cette insuffisance dans la perception. […] Si les gens du peuple montrent, d’ordinaire dans la passion une énergie qui ne se rencontre guère dans les classes cultivées, c’est qu’ils se représentent avec plus de force tout ce qui les entoure immédiatement Ils sentent les choses plus réelles, et, par suite, ils les aiment ou les haïssent davantage.

2199. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Horace voudrait non des talents d’oisifs, d’amateurs et de gens du monde, mais une éducation pratique, utile, qui menât à une carrière, à une profession, et qui fît des hommes instruits comme il l’entendait, c’est-à-dire armés pour lutter avec toutes les capacités de l’époque : « Les gens qui touchent à tout ne produisent rien de bon.

2200. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Villemain, qui a fait révolution en ce genre et qui s’est piqué de rendre de chaque séance animée un tableau fidèle, il est à regretter que, suivant en cela un ancien usage, il ait évité, à chaque discours ou opinion, d’indiquer le nom de l’académicien qui parle : « Un membre dit… un autre membre répond… » Vous voilà bien avancés, gens du dehors.

2201. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

D’autres poètes aussi ont été gens d’affaires : l’abbé de Chaulieu, en son temps, fut comme l’intendant des Vendôme, et le spirituel épicurien, dit-on, n’y perdit point sa peine.

2202. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Beaucoup de gens s’apitoyaient récemment sur M.

2203. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Ils naissent instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance. » Au chapitre des Grands, il s’est échappé à dire ce qu’il avait dû penser si souvent : « L’avantage des Grands sur les autres hommes est immense par un endroit : je leur cède leur bonne chère, leurs riches ameublements, leurs chiens, leurs chevaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous et leurs flatteurs ; mais je leur envie le bonheur d’avoir à leur service des gens qui les égalent par le cœur et par l’esprit, et qui les passent quelquefois. » Les réflexions inévitables que le scandale, des mœurs princières lui inspirait n’étaient pas perdues, on peut le croire, et ressortaient moyennant détour : « Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent l’hiver ; ils appréhendent de vivre.

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